MetalKnuckles (./66) :
Hippo: Je ne pense pas que les militants de DLR seraient content d'être vus comme des Jacobins...
Tu sais, dès la première page google je tombe sur un exemple de candidate DLR :
Dans la circonscription Grand Ouest, Christine Tasin, seconde de liste, est une ancienne militante du Parti socialiste qu’elle a quitté en 2002 (en soutenant Jean-Pierre Chevènement) pour dénoncer «la politique de plus en plus libérale menée par Lionel Jospin». Cette militante ultra-laïque, qui a été candidate chevènementiste aux élections législatives de 2007, a milité au Mouvement républicain et citoyen jusqu’au 18 février 2009. Elle a également fondé Les Joyeux Jacobins, qui organisent chaque année une fête spirituellement intitulée Les Sans-Culottides.C'est juste un exemple.
Certes NDA ne s'est sans doute jamais *explicitement* défini comme jacobin. Mais qui l'a fait de toute façon? C'est un terme qui date de deux siècle, qui reste comme clivage politique important mais qui n'est plus dit de manière explicite.
Mais je crois qu'il s'inscrit tout à fait dans la tradition du jacobinisme de droite (c'est à dire du gaullisme, au XXième siècle, enfin ça dépend comment on définit les mots..)
De Villiers, par contre, n'appartient clairement pas à cette tradition, d'ailleurs le souvenir de la guerre de Vendée doit être encore profond dans l'aristocratie vendéenne
; comme illustration je propose :
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/02/21/01011-20090221FILWWW00600-de-villiers-denonce-le-retour-du-jacobinisme.phpC'est pourquoi d'ailleurs l'alliance NDA-de Villiers ne pouvait être que circonstancielle, sur le long terme ils ont trop de divergences.
Debout la République est plus à droite que l'UMP, ils sont plus proche de De Villiers que du Nouveau Centre (Ses rapprochements historiques avec le Rassemblement pour la France...).
L'alliance avec le RPF est terminée et déjà ancienne.
A part ça, à partir de quels critères économiques ou sociaux doit on placer DLR très à droite, plus à droite que l'UMP? Je ne vois pas.
UMP et PS mettraient en danger la souveraineté nationale ?
On peut même mettre le verbe au présent et au passé.
Enfin le plus gênant dans votre vision de penser que le gaullisme et le communisme sont pareils c'est que ça prouve surtout que vous voyez ça de loin et que vous ne voyez pas les mouvements, les gens qui affichent les tracts et qui débattent...
Ben justement, il faut sortir et les voir un peu, ces militants et ces espaces de débat
Il y a eu beaucoup de mouvement cette dernière décennie dans cette partie de l'espace politique, et les militants DLR, MRC, PDG sont loins d'être aussi étrangers qu'il n'y parait.
Si on regarde l'histoire récente, c'est quelque chose qui a commencé dans les années Jospin.
Le contexte de l'époque, c'est la trahison après le référendum de Maastricht. Le non avait réuni (50-epsilon)%, mais la faiblesse de ses chefs, ainsi que la duplicité des factions au pouvoir, l'avaient éliminé du paysage. Les vieux héros du non, tels Séguin, ont loupé la suite de leur carrière (désastreuse campagne à la mairie de Paris) et ont pris leur retraire politique (cour des comptes)
La droite chiraquienne, avec Juppé, a trahi ses promesses gaulliennes de campagne, avec comme résultat la sanction électorale de 1997. Jospin a brièvement donné un espoir aux républicain, mais il a retourné sa veste encore plus vite (et d'une certaine façon plus habilement, conservant l'illusion plus longtemps et gardant sa popularité).
Mais à la gauche s'était durablement installé dans ce qu'on commençait à l'époque à appeler la pensée unique (le terme n'était pas encore galvaudé). Le franc fort, la course à l'euro, la construction européenne et une politique de charité compensant les dégâts de l'ordre néolibéral étaient sensés être devenus les seuls horizons idéologiques du PS, dont le seul programme était de s'abandonner aux vents dominants.
Bref : il se trouvaient beaucoup de militants, de droite et de gauche, orphelins et à la recherche d'une nouvelle orientation républicaine, éventuellement au delà du clivage droite gauche. Ils ont commencé à fantasmer sur une sorte de révolte populaire, sans-culotte, unitaire, qui renverserait l'ordre établi. Et qui ne se rattacherait pas forcément aux vieilles idéologies (comme le communisme). Il s'agissait de rétablir la république, pour après, pourquoi pas, reprendre le bon vieux combat gaulois entre communistes et gaullistes, etc... Mais avant de retourner à ce jeu politique normal, on ressentait l'esprit du conseil national de la résistance, on voulait renverser la table, les politiciens au pouvoir allaient trop loin dans le détricotage de la France.
J'essaie d'intellectualiser ces perceptions, mais à l'époque c'était beaucoup plus diffus que ça. Toutefois, en 1999, plusieurs évènements ont contribué à cristalliser cette nouvelle soif de révolte. Dans le monde il y eut la guerre du Kosovo, qui a consacré le nouvel ordre mondial
couché conscience! et la soumission de Jospin-Chirac. En France, le retour de Cohn-Bendit pour les élections européennes, et les panégyriques unanimes et sirupeux que lui offraient la presse ont joué le rôle de repoussoir. Chevènement, dans un débat mémorable, a fait de lui le représentant des élites mondialisées, puis s'est fait incendier par libé-le monde (pour ça on l'a traité d'antisémite).
L'ambiance de terrorisme intellectuelle devenant insupportable, militants et intellectuels d'horizons différents ont fini par se rejoindre au sein de la fondation Marc Bloch. Le Monde les avait qualifié ironiquement de "nationaux républicains", mais Régis Debray a décidé d'assumer le qualificatif. On y croisait des gaullistes, des communistes, quelques gauchistes très à gauche, quelques gens de droite très à droite, des syndicalistes, mais aussi des modérés d'un peu partout, qui se sont retrouvé dans un esprit de renouveau de la République.
La fondation Marc Bloch a été, pendant toute la deuxième moitié des années 90, à peu près le seul think tank qui ait eu une pensée intéressante. La vieille droite gaulliste RPR était en train de mourir et le PS était déjà cérébralement mort. La course à l'euro était devenu inéluctable, et en même temps le fédéralisme européen, qui avait été le rêve de gauche des années 80, apparaissait désormais comme un rêve inaccessible : les pro-européens n'étaient plus en mesure de produire une pensée originale. Les politiques monétaires et commerciales étaient désormais inscrites dans les traités, le paradis économique promis n'était pas au rendez-vous (on fonçait en fait à la catastrophe), mais ces politiques ne correspondaient plus à des pensées nouvelles ou des analyses intéressantes. L'air du temps était à la résignation bienheureuse.
A côté de ça la fondation Marc Bloch a été la laboratoire d'idée qui a lancé les premiers jalons d'une constestation républicaine de la mondialisation. C'est vers cette époque qu'Elisabeth Levy a écrit
les maîtres censeurs, excellente somme sur les dérives du climat intellectuel d'alors, écrasé par la pensée unique. C'est l'époque aussi du lancement du journal Marianne, qui vaut ce qu'il vaut niveau qualité, mais qui a pas mal fait bougé les choses et a su apporter un nouveau ton éditorial au grand public.
Bon, je ne vais pas détailler toute l'histoire jusqu'à aujourd'hui. Ce milieu "national-républicain" a été la matrice militante de la candidature chevènementiste en 2001. Un échec qui a été durement ressenti. Les rêves de révolution populaire par les urnes, le peuple éclairé renversant les élites égarées, s'est révélé trop naïf. La France entière est égarée.
La fondation Marc Bloch est petit à petit morte. Elle a perdu son nom à cause d'un héritier de Bloch, et a été renommée fondation du 2 mars. Aujourd'hui elle ne produit plus grand chose.
Le national républicanisme, sur le long terme, a aussi été trop rigide, conservateur et intransigeant dans ses positions. Il n'a pas toujours vu que les lignes bougeaient, et s'est retrouvé parfois en retard de quelques batailles. Le républicanisme s'est érigé en discours opposant, réduit parfois à un moulin à prière. ce discours anti pensée unique a parfois été récupéré par la pensée unique. Confusion, faiblesse intellectuelle. Henri Guaino était l'un des fondateurs à Marc Bloch. Aujourd'hui c'est un républicain virtuel, qui écrit des discours virtuels pour son patron qui ne les appliquera surtout pas.
Bon enfin tout ce laïus pour dire qu'il ne faut pas sous estimer les convergences entre jacobins (ou républicains) de gauche ou de droite. Ils viennent de famille différentes, mais depuis 10 ans ils ont une histoire commune et des destins qui se sont entrecroisés. Les vieux militants nationaux républicains, à nouveau orphelins, se sont répartis chez les nouveaux leaders "naturels".
Ce n'est pas rare de voir des passages PDG <=> MRC <=> DLR.
Au passage ni mélanchon ni dupont aignan n'étaient de l'aventure initiale, c'est la nouvelle génération qui vient de s'imposer. Mélanchon est pour l'instant le plus étranger à l'ancien mouvement, mais sa personnalité politique l'y rattache naturellement.
[cliché]Ce n'est pas parce qu'un fils d'ouvrier de St Denis et qu'un gros bourge qui habite à Opéra vont vouloir une France souveraine et Républicaine, affirmée, ou ce que vous voulez (des termes où on peut mettre ce qu'on veut dedans, quoi), qu'ils ont la même vision politique[/cliché]
Cliché effectivement
Les militants de gauche ne sont pas forcément prolos ni les militants de droite bourgeois
D'autre part faut pas croire qu'un prolo et un bourgeois auraient forcément des idées incompatibles sur la France, la nation, la souveraineté....
(bon, plein de cross, j'avais envie de raconter ma vie et mes premiers parcours politiques, en fait...)