Merci ^^
Bon, je prends mon temps pour expliquer, donc... S'il y a des notions que les non musiciens ne comprennent pas, posez vos questions après.
Premier point : la construction des gammes.
La gamme est une échelle des sons sélectionnés entre deux sons dont le plus aigü est situé exactement au double de la fréquence du plus grave.
Première expérience : dans un échantillon de population quelconque, faire chanter deux notes à un octave d'intervalle, puis faire chanter la note que l'on pense qui se trouve le plus au milieu (ceux qui ont un piano ou un clavier, faites l'exercice entre do et do, puis essayez de retrouver la note que vous avez chantée).
Dans 50% des cas, sur l'intervalle do-do, ce sera un sol qui sera chanté (c'est à dire qu'on coupe la gamme en deux, à savoir une partie inférieure d'une quinte et une partie supérieure d'une quarte... l'égalité parfaite n'est pas de ce monde
) - petite note, cet intervalle Do-Sol-Do est celui que l'on entend dans le début de Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, que Kkubrik reprend pour le début de 2001 l'odyssée de l'espace... symbolique flagrante pour illustrer le début de l'humanité
Dans 40%, on chantera un fa (complémentaire du cas ci-dessus), donc on aura une partie inférieure plus "courte" que la partie supérieure.
Dans 10%, on chantera autre chose, pour diverses raisons : défaut de perception auditive, défaut de rapport entre ce que je chante et ce que j'entends...
Premier constat : au sein d'une même société, la perception de ce qui définit une des composantes de la musique est différente d'un individu à l'autre.
Pourquoi avoir commencé cette démonstration par ce point ? Parce que c'est ainsi que se définissent les prémices d'un langage musical. L'exemple le plus proche de nous est la construction personnelle de ce langage au fil de la vie : le bébé babille sur une seule note. Puis il va retenir et inventer des comptines sur deux notes, qui seront le plus souvent les Iers, puis Vèmes ou IVèmes degrés (donc dans notre exemple do-sol-fa), puis avec ces mêmes trois notes, puis il va progressivement rajouter tierce, sixte, et seconde.
En tous cas dans les sociétés occidentales.
Chez des tribus plus primitives (pygmés AKA ou pygmés EFE), les notions mélodiques sont bien plus simples avec des gammes sur 3 degrés, maximum 4 (chez nous, nous avons 7 degrés, donc seulement 6 effectifs à la période baroque, 6 à la période classique, 4 à 5 à la période romantique, puis on a eu un éclatement complet de ces notions à partir de l'ecole de Vienne [Berg, Schönberg, Webern] et on revient à des notions plus canoniques avec le retour d'un certain néo classicisme, mais ce n'est pas le propos). Chez nous, donc, la gamme a 7 degrés, qu'elle peut altérer pour arriver à 12 sons (ce qui n'a pas toujours été le cas, dans la musique médiévale, on a 5, puis 6 sons)
Je disais donc que chez les tribus primitives, la gamme comportait moins de degrés que "chez nous" ("chez nous" étant un raccourci pour représenter la culture musicale occidentale, mais on trouve déjà de très importantes différences dès qu'on va dans les musiques trad et populaires). Et non ceulement ces degrés sont moindres, mais aussi ils ne correspondent pas forcément aux mêmes divisions de la gamme que chez nous (les gammes indiennes, asiatiques, africaines, arabes... sont loin de se ressembler... lorsqu'un muezzin chante, il n'emploie pas les mêmes sons que ceux contenus dans notre gamme, idem pour les musiques traditionelles asiatiques).
L'évolution des techniques instrumentales occidentales a fait que la gamme de 12 sons que nous employons aujourd'hui est une gamme dont on dit qu'elle a un tempérament égal, ce qui signifie que l'intervalle entre chaques notes est (à peu de choses près) 12 fois le même (ça aussi n'a pas toujours été le cas, jusqu'à la période baroque, les gammes suivaient des règles d'accords bien plus complexes que ce que l'on connaît aujourd'hui... mais je ne vais pas m'étendre là-dessus, notons simplement que les canons esthétiques et acoustiques n'ont pas toujours été les mêmes qu'aujourd'hui).
Qu'avons-nous mis en valeur jusqu'à présent ? Que d'une période à une autre, mais aussi d'une région à une autre, un des premiers éléments musicaux (à savoir la gamme) va varier.
Autre point : la rythmique
Chaque pays a des rythmiques, des séquences répétitives, qui vont avoir une grande influence sur la musique. Par exemple, la samba se construit sur une rythmique très particulière (dont je n'arrive pas à retrouver le nom... j'avais clava en tête, mais google me dit "non"), de la même façon, chaque pays va construire sa musique sur des séquences rythmiques construises au fil des temps. En Europe, pendant très longtemps, le canon rythmique était ternaire (division du temps en trois)... pourquoi ? Parce que c'est sur ces rythmes que l'on dansait.
L'harmonie
Nous avons vus que les degrés varient en nombre et en hauteur suivant les civilisations... l'harmonie (superposition de notes visant à créer une couleur particulière) va donc différer d'un pays à un autre. Les civilisations donc les pricipes musicaux sont basés sur des gammes très simples vont être limités à ce niveau, et vont - le plus souvent - développer des jeux rythmiques plus complexes (reprises, ajouts, imitations, décalages...), comme ce que l'on peut entendre chez les pygmés ou dans des tribus africaines.
Le timbre, les instruments
C'est aussi ce qui va déterminer l'esthétique et la couleur d'une musique, et ce de façon bien plus complexe que ce que l'on peut penser. Les instruments vont dépendre des qualités de manufacture des civilisations, mais aussi des matières premières et de la richesse des peuples. Certaines régions vont donc avoir une culture basée sur les percussions, d'autres sur des éoliphones... tout ceci est source de différences.
On peut donc voir que ce qui nous renverse ne va pas renverser quelqu'un dont la sensibilité est mise en avant par d'autres phénomènes culturels. Chez les pygmés, l'acte musical est avant tout un acte social. En europe, choisir entre Sinsemilia, Bartok, Mozart, NTM, Cabrel ou Ligeti est aussi un marqueur social.
Plus vrai encore : c'est la musique que l'on connaît que l'on aime. Une personne qui va écouter de la musique contemporaine va se construire des repères dans cette musique, va définir des critères d'évaluation, de préférences, qui vont eux aussi influer sur les goûts de cette personne.
Au conservatoire de Montpellier, quand j'étais en classe de composition, nous avions 1h30 d'écoute obligatoire. Pendant cette plage horaire, le prof nous faisait écouter de la musique essentiellement contemporaine, mais d'esthétiques très différentes. Nous avions le droit d'avoir une écoute passive (même de dormir) ou active. Mais le fait d'avoir écouté pendant plus d'un an une musique sur laquelle on discutait pendant quelques minutes par la suite, a fait qu'elle est rentré dans mon champ d'évaluation esthétique (et je viens d'ailleurs de dépenser pour 50€ de musique contemporaire à cause de ça
).
La musique n'est donc pas un langage universel. C'est un langage culturel, social, construit sur des habitudes et une éducation.
Par contre, à mon humble avis, l'acte muical, lui, est universel. On ne connait (que je sache) aucune société dans laquelle cet acte est inexistant. Bien au contraire, il semble omniprésent quelle que soit la richesse, la culture, les traditions des sociétés.
(ça vous suffit ? désolé si la première partie semble technique, c'est assez dur sans matériel de faire une vraie démonstration)