Hippopotame (./44) :
C'est bien le signe que l'obstruction se situe à un niveau beaucoup plus profond qu'un petit accident parlementaire de rien du tout.
On a bien vu l'empressement pour adopter le traité de Lisbonne après l'échec du TCE. Si en 50 ans rien n'a été fait pour renouveler cette expérience d'Europe de la défense, c'est que personne n'en veut, c'est tout.
Il existe aujourd'hui des corps européens. Les armées européennes cherchent à s'équiper de manière commune dans une certaine mesure. La France par exemple construit ses frégates avec l'Italie, etc. Ce n'est sans doute pas satisfaisant, mais à défaut de mieux.
Et je citais le discours de Saint Malo de Tony Blair qui avait relancé l'idée. On peut aussi penser au dernier livre blanc de la défense qui met l'accent sur la coopération européenne. Mais la vraie question, c'est la politique étrangère commune, cf le point suivant.
Hippopotame (./44) :
Il faut accepter qu'il existe des nations européennes différentes, qui ont des intérêts nationaux différents, et d'abord dans le domaine militaire : accepter la réalité telle qu'elle est.
Or, la première des alliances étant militaire, j'ai toujours eu du mal à comprendre comment des nations qui ne sont même pas capables d'être sur la même longueur d'onde à propos, mettons, de la guerre en Irak, peuvent se croire capables d'unions plus étroites.
Evidemment, la politique étrangère n'est pas une compétence communautaire. Reprocher à l'Europe son manque d'unité sur cette question n'a aucun sens. C'est comme si l'on demandait aux différentes régions de France de s'exprimer sur nos opérations extérieures... On aurait nécessairement des divergences.
Hippopotame (./44) :
Après la guerre, les pays européens se sont trouvés sur une trajectoire convergente : convergence de rythme démographique, économique, culturel, géopolitique. Mais depuis deux douzaines d'années la tendance s'est totalement renversée, et l'accélération de l'unification (avec la monnaie unique et compagnie) a été décidée complètement à contretemps. D'où le blocage, et même une situation de confusion ahurissante chez les partisans de l'unification.
L'hétérogénéité dans l'Europe est plus dûe aux élargissements qu'a une inversion de la tendance. D'ailleurs avec la mondialisation, tous les pays ont de toute façon tendance à converger. Mais j'admet qu'une union à 27 est difficilement gouvernable. Mais après la fin du rideau de fer (j'allais écrire la fin de l'histoire ! Fukuyama sort de ce corps !) l'intégration de l'Europe de l'Est était le seul choix. Aujourd'hui, même si je rêve d'une Europe fédérale, je dois bien dire que les chances sont faibles, mais je suis toujours convaincu qu'un système de coopérations renforcées donnerait d'excellents résultats. L'Eurozone en est un exemple, la monnaie unique nous a protégé lors de la guerre d'Irak d'une spéculation sur le franc, et nous a couvert pendant la crise. Alors tout n'est pas parfait, mais je vois bien plus d'avantages que d'inconvénients.
De toute façon, on est engagé dans une voie qui ne permet pas de retour, sauf à vouloir causer un effondrement instantané de la France si l'on est souverainiste... Plus d'intégration est la réponse à tous nos problèmes.
Hippopotame (./44) :
Mais ça c'est une vision utopiste qui ne s'applique pas aux états, voire même qui ne s'applique pas du tout.
L'UE est un cadre institutionnel où les états, ces monstres froids, viennent chercher la défense de leurs intérêts, il n'est pas du tout question d'opinion, de courage ou d'idéalisme européen.
Je ne te savais pas nihiliste. L'idéal européen c'est le dépassement de l'Etat nation. Les intérêts des Etats européens sont inextricablement mêlés, pour leur bénéfice commun. D'ailleurs l'Europe a su s'unir véritablement notamment à l'OMC, et la position européenne y est extrêmement forte. On peut tout à fait envisager de répliquer le même modèle dans d'autres instances le moment venu.
Hippopotame (./44) :
L'UE est une machine sans le moindre gramme d'idéalisme. Oh, bien sûr, elle contient en son sein des groupes d'exaltés qui sont là pour soutenir mémétiquement la maison (notamment les députés, qui ne servent à rien), mais l'idéalisme européen n'a qu'une fonction de domination culturelle, c'est un outil pour l'UE, pas un constituant.
L'idéalisme européen est tout à fait vivant. La vraie question qui se pose est celle de la solidarité. Question qui est d'actualité, comment expliquer au contribuable allemand qu'il va devoir payer pour les mensonges des grecs ? Cela dit c'est un cas particulier car la Grèce a vraiment trompé son monde. Mais ça marche aussi bien pour la solidarité entre la "vieille" et la "nouvelle" Europe. Dans les différents pays, on ne se pose pas trop ces questions, idéalement il devrait en être de même en Europe.
J'ai toutefois conscience qu'on est loin d'en être là, mais si on ne se donne pas d'idéal, on n'ira pas bien loin.
Hippopotame (./44) :
Tout simplement qu'ils ne le veulent pas.
Tiens essaie voir d'imposer une politique économique française aux allemands. Ou vice versa.
La France et l'Allemagne sont pourtant les deux pays d'Europe qui ont les plus fortes convergences, avec des populations vieillissantes, un chômage structurel fort, des Etats-providence et des poids démographiques qui se valent plus ou moins. On peut aussi citer un grand nombre de différences, mais je pense qu'il y a plus de choses nous rapprochent que de choses qui nous séparent. Si les gouvernements respectifs s'entendent, on pourra aller vers une convergence plus grande encore
Hippopotame (./44) :
D'autre part, de quelle politique économique parlons nous exactement? Si on veut une vraie politique industrielle, ce qui serait urgent après toutes ces années de désindustrialisation dans la joie, on aimerait au minimum une protection commerciale contre l'extérieur de l'Europe, et des aides de l'état. Toutes choses que l'UE interdira, justement.
L'UE l'interdira parce qu'elle est signataire de l'OMC, et ça va de même pour tous, même la Chine et les Etats-Unis, il n'y a qu'a voir le nombre de litiges commerciaux...
La réindustrialisation n'est qu'un mirage... Pour connaître extrêmement bien l'Asie et particulièrement la Chine, je ne vois aucune chance d'avoir des relocalisations, si ce n'est sur des marchés de niche haut de gamme...
Hippopotame (./45) :
(Ah sinon n'oublions pas le rôle des gaullistes dans le rejet de la CED. Quand les gaullistes et les communistes sont du même avis, ils ont rarement tort. Ce qui est drôle c'est que deux ans plus tard Guy Mollet voulait abdiquer la souveraineté française et intégrer une Union franco-britannique ; les anglais ont refusé. Une époque où les élites ne croyaient plus en la France, comme aujourd'hui...)
Les gaullistes avaient des problèmes avec l'OTAN plus qu'avec une défense européenne. Si la CED n'avait pas été prévue sous la tutelle de l'OTAN, ils l'auraient probablement voté. Tandis que le PCF trahissait purement et simplement la France pour rendre service au Komintern.