3Fermer5
anna13Le 14/06/2016 à 23:08
Le corpus est constitué :
Texte A : Jean-Pierre Claris de Florian, « Le Voyage », Fables, IV, 21 (1792)

PARTIR avant le jour, à tâtons, sans voir goutte
Sans songer seulement à demander sa route,
Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu'à près de midi ;
Voir sur sa tête alors s'amasser les nuages,
Dans un sable mouvant précipiter ses pas,

Courir, en essuyant orages sur orages,
Vers un but incertain où l'on n'arrive pas ;
Détrempé
vers le soir, chercher une retraite
Arriver haletant, se coucher, s'endormir :
On appelle cela naître, vivre et mourir.
La volonté de Dieu soit faite !

TEXTE B : Alphonse de Lamartine, « Les Voiles », poème publié en 1873 dans Œuvre
posthume

Quand j'étais jeune et fier et que j'ouvrais mes ailes,
Les ailes de mon âme à tous les vents des mers,
Les voiles emportaient ma pensée avec elles,
Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers.

Je voyais dans ce vague où l'horizon se noie
Surgir tout verdoyants de pampre
et de jasmin
Des continents de vie et des îles de joie
Où la gloire et l'amour m'appelaient de la main.

J'enviais chaque nef
qui blanchissait l'écume,
Heureuse d'aspirer au rivage inconnu,
Et maintenant, assis au bord du cap qui fume,
J'ai traversé ces flots et j'en suis revenu.

Et j'aime encor ces mers autrefois tant aimées,
Non plus comme le champ de mes rêves chéris,
Mais comme un champ de mort où mes ailes semées
De moi-même partout me montrent les débris.

Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste,
Ma fortune
sombra dans ce calme trompeur ;
La foudre ici sur moi tomba de l'arc céleste
Et chacun de ces flots roule un peu de mon coeur.
Ischia 1844, septembre.

Texte C : Jean de La Ville de Mirmont, L’horizon chimérique, recueil posthume (1920)

Vaisseaux, nous vous aurons aimés en pure perte ;
Le dernier de vous tous est parti sur la mer.
Le couchant emporta tant de voiles ouvertes
Que ce port et mon cœur sont à jamais déserts.

La mer vous a rendus à votre destinée,
Au-delà du rivage où s’arrêtent nos pas.
Nous ne pouvions garder vos âmes enchaînées ;
Il vous faut des lointains que je ne connais pas.
Je suis de ceux dont les désirs sont sur la terre.

Le souffle qui vous grise
emplit mon cœur d’effroi,
Mais votre appel, au fond des soirs, me désespère,
Car j’ai de grands départs inassouvis en moi.

Texte D : Jean-Michel Maulpoix, L’instinct de ciel, section III, extrait (2000)

Je suis cet homme tout bossué de sacs et de valises qui va et vient dans sa propre vie,
avec des départs, des retours, portant au cœur des coups, et des bleus plein la tête, traînant des
cartables de cuir remplis de phrases et des serviettes bourrées de lettres, toujours rêvant de se
blottir dans le sac à main d’une femme, parmi les tubes de rouge à lèvres, les miroirs, les
photos d’enfants et les flacons de parfum.

Cet homme hérissé d’antennes essaie de capter son amour sur les ondes et tend vers lui
des fils où il se prend les pieds. Cet homme-là ne sait pas auprès de qui il dormira le soir
même, ni en quel sens demain matin s’en ira la vie.

Tic-tac de l’encre et du désir… L’existence balance son pendule entre le côté des
10 livres et le côté de l’amour, les tickets d’envol et les longues stations dans la chambre, le dos
tourné et les bras ouverts, l’homme immobile et le piéton, celui qui ne croit plus au ciel et
celui qui l’espère encore, celui qui fabrique des figures et celui qui veut un visage.

Il fut un temps où je poussais dans mes racines de par ici, ne connaissant des lointains
que la rêverie et de la langue les mots les plus approximatifs. Mais j’ai quitté l’allée de buis1
et le petit jardin. Je ne m’alimente plus en eau par les racines mais par le ciel.

J’ai fumé la cigarette du voyage. Elle m’a piqué les yeux et fait battre le cœur plus
vite. Elle a laissé sur mes réveils un goût de tabac froid. J’ai toussé, j’ai perdu ma voix. J’ai
deux grosses valises sous les yeux. Je suis un voyageur brumeux qui n’y voit plus très clair et
qui croit encore nécessaire de s’en aller plus loin.

J’ai fui, j’ai pris le large. L’habitude surtout de n’être nulle part, en apnée dans ma
propre vie. Portrait du poète fin-de-siècle en créature d’aéroport, avec cette tête bizarre qu’a
l’homme des foules en ces lieux-là : cerveau de gélatine blanche, œil à demi ensommeillé
tourné vers le dedans, mais de la fièvre au bout des doigts.

Je m’en suis allé de par le monde, à la recherche de mes semblables : les
inconnus, les passagers, les hommes en vrac et en transit que l’on rencontre dans les aéroports
et sur les quais des gares. Ceux dont on ne sait rien et que l’on ne connaîtra pas. Ceux que
malgré tout on devine, à cause de leurs tickets, leur fatigue, leurs bagages. Ceux de nulle part
et de là-bas, qui s’en vont chercher des soleils en poussant leur vie devant eux et en perdant
mémoire.

Pour ce qui est des textes exclus, comme c'est un corpus, on m'a apprit qu'il ne fallait pas utiliser tous les textes pour chaque axes et en classe, la prof ne nous a pas précisé qu'il fallait dire la cause de cette exclusion, est-ce donc obligatoire ?
Après que vous m'ayez parlé de récit initiatique, j'ai trouvé cela intéressant mais je me demande si c'est un problème de ne pas en avoir parlé ou si je peux laisser mes axes comme ceci ? Merci de votre aide.
J'ai un autre service, serait-il possible de vous transmettre l'ensemble du corpus pour avoir un avis ?

Je commence avec l'intro :
Ce corpus est composé de quatre textes. Nous y trouvons une fable "Le Voyage" de Jean-Pierre Claris de Florian datant de 1792; un poème de 1873 "Les Voiles" de Lamartine. Il y a également un extrait du recueil posthume L'horizon chimérique de Jean de la Ville de Mirmont, datant de 1920 et enfin un extrait de L'instinct du ciel, écrit par Jean-Michel Maulpoix en 2000. Chacun de ces textes correspond à un siècle différent mais traite néanmoins d'un thème commun : le voyage. Nous allons montrer comment la conception du voyage peut-être envisagée différemment. Dans un premier temps, nous étudierons un lieu propice au voyage : la mer. Ensuite, nous nous interrogerons sur la fuite vers l'inconnu. Enfin, nous verrons le voyage lié à l'évolution de la vie avec naître, vivre et mourir.