Kevin Kofler (./3407) :
À mon avis, la mesure de Trump est insuffisante parce qu'elle adresse seulement la partie bureaucratique du processus. Ce qui coûte (et qui limite donc la disponibilité des médecines à celles qui font le maximum de revenus pour les entreprises pharmaceutiques), c'est tout ce qui se passe avant. La FDA ne fait principalement que regarder que les documents issus de ces tests organisés par les entreprises pharmaceutiques.
J'ai déjà proposé à plusieurs reprises de tester les médicaments comme on teste les logiciels libres, en "release early, release often", où toutes les versions prerelease sont disponibles publiquement (et les placébos interdits). À mon avis, les médicaments expérimentaux pourraient sauver beaucoup de vies et éviter beaucoup de souffrance inutile. Et, toujours à mon avis, on arriverait aussi à un choix beaucoup plus grand de médicaments en "version stable" que sous le processus actuel, et à des prix beaucoup plus abordables. Par exemple, actuellement, il est rare qu'une molécule non brevetable soit soumise au processus d'approbation. Avec le modèle ouvert que je propose, les molécules non brevetables seraient celles à passer le plus facilement parce qu'il y aurait un maximum de retours. Et de plus, le coût beaucoup moins élevé des tests serait aussi reflété dans le prix du médicament. Certes, les tests n'auraient probablement pas le niveau de rigueur scientifique du processus actuel, mais ce serait toujours mieux que les "médecines alternatives" dont on ignore complètement l'efficacité, voire dont on a prouvé l'inefficacité.
Il n'y a qu'à voir le nombre de vies qui ont été sauvées avec Zmapp (le sérum anti-ébola) en version expérimentale, où pour une fois l'OMS a fait une exception au protocole. Mais en même temps, des millions de personnes crèvent toujours de cancer sans avoir accès aux thérapies expérimentales les plus récentes. Et on aura aussi de plus en plus besoin d'antibiotiques expérimentaux à cause des résistances envers ceux approuvés officiellement. Si les autorités continuent à interdire leur utilisation, il y aura des millions de morts.
Je vais te raconter une histoire, celle de la thalidomide (vendue sous le nom de Softenon).
Avant 1960 presque n'importe qui avec un labo pouvait produire et commercialiser des médicaments. Les normes étaient peu strictes à l'époque. On vendait énormément, on testait peu. On était en plein boom pharmaceutique.
Et puis en 1961 il y a eu un médicament qu'on présentait comme un sédatif et antinauséeux miraculeux, que les femmes enceintes ont pris en masse. Problème: en bon "release early realyse often" et en prenant les clients finaux pour des cobayes, on s'est rendus compte après coup que le médicament provoquait de graves malformations congénitales. Des gosses naissaient complètement déformés, mais viables et parfaitement conscients. Nombre d'entre eux sont encore en vie de nos jours.
NSFW (pas sûr pour le travail)
NSFW (pas sûr pour le travail)
Après ce drame, les normes de sécurité et d'efficacité médicamenteuses se sont drastiquement durcies. Chaque médicament doit présenter un dossier en béton pour pouvoir être mis sur le marché, avec des études réalisées sur un grand nombre de cobayes d'abord cellulaires, puis animaux et ensuite humains avertis et consentants. Un seul faux pas à une seule de ces étapes et le médicament est jugé trop dangereux, et le dossier est rejeté.
Ce que tu veux finalement c'est en revenir à avant 1960: chacun fait un peu ce qu'il veut dans son coin, et on utilise les patients non avertis et non consentants pour faire des essais cliniques. Combien de règles d'éthique médicale ou de Droits de l'Homme violes-tu avec ça? Vas-tu assumer la responsabilité des vies que tu pourrais ruiner en commercialisant n'importe quoi comme médicament? Non bien sûr. Tu ne pourras jamais te couvrir derrière un: "mais non c'était expérimental, mais merci de votre contribution".
Imagine que tu essaies de développer un super anticancéreux, tu décides de le mettre sur le marché sans vraiment rien connaître de son efficacité réelle ou de ses risques. Tu l'administres à 10 personnes qui pensent sincèrement que tu vas leur sauver la vie. Le cancer régresse, mais deux personnes meurent de décompensation cardiaque et une devient aveugle. "Merci de votre contribution, vos retours vont m'aider à améliorer le traitement". "Quoi donc, des plaintes maintenant? Pensez à toutes les vies que mon médicament va sauver une fois qu'il sera gommé de toutes ses petites imperfections! Votre sacrifice sera loin d'être inutile car il créera un monde meilleur. Vous devriez vous sentir honorés d'avoir servi une cause plus grande que vous! Je rajouterai vos noms dans la liste des contributeurs du projet."