Chacun ses goûts, mais je pense par contre que tu fais une mauvaise analyse psychologique de Céline.
De mon ressenti, l'Oulipo ça pue la condescendance et la branlette théorique infertile, tandis que Céline (dont je n'aime pas tout inconditionnellement), c'est une vision à la fois extrêmement désabusée* et très empathique (il y a, surtout dans Voyage, une coloration humaniste, certes assez déprimée -- mais qui n'est pas revenu déprimé du front de 14, marqué dans la chair ? C'est tellement facile de le juger aujourd'hui... )
Enfin pour moi Voyage c'est l'inverse du verbeux (tandis que Proust c'est magnifique mais soporifique, il faut passer la barrière de l'ennui pour l’apprécier, et Zola est totalement surévalué, et super chiant à lire, comme tout le naturalisme ). C'est léger et rythmé.
Pour finir sur le fond (que nous apporte Céline comme vision ou connaissance sur l'homme par rapport à ses prédécesseurs ? ), c'est un débat éternel et probablement improductif (au fond, tout ce qu'il y a à dire de l'homme est déjà dit dans l'Ancien Testament, entre-autre ). Ou plutôt : c'est une mauvaise façon de poser la question. On devrait plutôt se demander : quelles perceptions, émotions, sensations, visions du monde, réussi-t-il à nous transmettre, à fleur de peau, nous humains contemporains ?
Céline me communique une description de 14 ( et c'est pour ça qu'il débute le siècle littéraire, avant 14 c'était la belle époque, une fin prolongée du XIXém), incroyablement vivante, et me transmet ses hantises des charniers à venir. Malheureusement il a eu raison (mais en France, on rend toujours responsables ceux qui avertissent de la catastrophe en avance... ), donc ensuite il nous fait la description la plus extraordinaire de la seconde guerre, d'un point de vu totalement original et incroyable (l'Allemagne en pleine décomposition), avec une narration proche du délire qui correspond si bien aux événements.
Bref Céline me transmet une description du monde, de son monde, et surtout les extraordinaires émotions qui vont avec, qu'il sait transmettre mieux que personne. Ils nous fait ressentir les éventements. C'est ça qui est important dans Céline, plutôt que sa visions du monde. (assez délirante dans l'ensemble)
ha sinon tu trouves p-t voyage chiant et verbeux etc etc car tu as eu tellement l"habitude de lire les copies modernes (dont l'oulipo, en partie) que l'original te parait classique, donc ennuyeux !
Moi j'apprécie l'original, donc les copies me paraissent fades
Il suffit de lire la presse, les critiques et les avis d'écrivains de l'époque pour se rendre compte à quel point il était extraordinairement innovant. (et désolé si on t'as fait chier à la fac avec la grammaire célinienne, c'est triste )
Enfin je te questionnais uniquement à propos des deux premières pages de Mort à Crédit ( dans le bouquin en entier y'a des longueurs). Essaye de les relire et dis-mois si ce n'est pas magnifique. Vraiment ça vaut le coup.
* : comme tous les vrais désabusés il vient donc d'un fond romantique, même si il n'ose jamais l'avouer.