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HippopotameLe 03/08/2010 à 19:01
Folco (./221) :
c'est loin de la réalité.

C'est en tout cas la réalité juridique et l'opinion partagée par la réalité des français jusqu'à Chirac. (Le revers de Chirac n'a toutefois pas modifié la situation juridique)
"favorable à la poursuite de la guerre" => "favorable à la capitulation sans conditions de l'armée" (donc à la défaite) => "favorable à l'exil du gouvernement en Afrique du Nord" => "favorable à laisser le peuple français, sans armée et sans gouvernement, sous la botte allemande sans le moindre contre-pouvoir".

Je vais répondre, tout en faisant remarquer que ça n'a rien à voir avec la question de départ (qui était la légitimité et la légalité en 1940) ; c'est un débat totalement différent.

- Il y avait en 1940 un courant puissant favorable à la poursuite de la guerre à partir de l'Afrique du Nord. Il ne s'agit donc pas de capitulation mais de déménagement (de l'armée, des institutions et du gouvernement). Il se trouve par ailleurs que depuis plusieurs années est conduite un ensemble de simulations politico-militaires qui montrent que cette stratégie était parfaitement crédible, et qu'elle aurait ouvert des perspectives très intéressantes pour la France et ses alliés.

- D'après ce qu'on sait de Hitler, il n'y aurait pas eu de Gauleiter en France. Les allemands auraient cherché sur places des hommes pour constituer un gouvernement fantoche. La situation en France métropolitaine aurait donc été tout à fait semblable, à la différence que le déshonneur et l'illégitimité ne risquaient pas d'emporter la France comme elles ont failli le faire.

- La théorie du "bouclier" est une vieille lune vichyste qui a été démontée depuis belle lurette. Même en admettant qu'il ait eu le désir de le faire, Pétain n'a jamais protégé la population française. Il n'avait pas la capacité de le faire.
De manière générale, tous ceux qui ont tenté d'entrer dans les bonnes grâces d'Hitler en pensant arriver à l'influencer se sont gourés. Sur ce plan il n'y a guère de différence entre Pétain ou un cocu comme Degrelle.
De toute façon, pour l'essentiel, le régime de Vichy a choisi d'être un pouvoir auxiliaire plutôt qu'un contrepouvoir aux allemands.
La raison pour laquelle l'occupation en France a été moins dure que l'occupation à l'est découle uniquement des représentations de Hitler. Pour lui la guerre à l'ouest était une guerre politique, de revanche, tandis que la guerre à l'est était une guerre raciale, d'extermination.
Quant au "coup de force de Pétain", tu m'expliques où il est ?

Le vote des pleins pouvoirs, qui était illégal.

Lebrun qui, comme tu le soulignes, était parfaitement respectueux de la constitution, en plus d'être favorable à la poursuite du combat, a refusé de démissionner. Il a donc mis Pétain face à ses responsabilités : s'il voulait trahir la France, alors il était contraint de le faire dans l'illégalité. Lebrun n'avait pas la capacité de s'opposer à la trahison de Pétain, mais il avait la capacité de dédouaner la République de cette trahison.



Je trouve tout à fait regrettable que l'historiographie actuelle aborde Vichy presque uniquement sous l'angle des crimes ultérieurs (notamment, mais pas uniquement, contre les juifs) alors que la nature et le comportement du régime est déjà présent en germe dans juin 40. En outre juin 1940 est un épisode complexe et fondamental de l'histoire politique française, il ne se résume pas à l'appel du 18 juin.
Il a succédé au socialiste Reynaud à sa demande expresse !

Entre parenthèse, l'attitude de Reynaud est un point clef de ce drame de juin

Reynaud était intimement convaincu de la nécessité de poursuivre la guerre (et il a appuyé cette position en faisant entrer de Gaulle dans le gouvernement - de Gaulle qui était à la fois l'un des partisans notoires de la continuation, l'un des rares officiers à avoir combattu victorieusement les allemands, et dont les vues exprimées dans le débat militaire de l'entre-deux-guerres venaient d'être confirmées) mais il s'est aussi entouré de personnalités politiques persuadées du contraire, qui ont fini par le déborder.

Ces choix de Reynaud sont assez étranges et ont été une grave erreur !
illéga
-> la démonstration juridique est à ta charge hein...

C'est un débat vieux de 70 ans et tu peux trouver des sources partout. La question est controversée même si la majorité des auteurs jugent le vote illégal.

Je ne vais pas entrer dans les arguties juridiques fines, je n'ai pas les compétences pour ça et d'innombrables pages ont été écrites sur le sujet, je me contente de relever quelques conclusions :

À la suite de J. Laferrière, la plupart des auteurs ont considéré que la délégation du pouvoir constituant au gouvernement sous l'autorité et la signature de Philippe Pétain était irrégulière en vertu d'un principe du droit public français interdisant la délégation d'une compétence sans disposition expresse. En effet, si la loi constitutionnelle du 25 février 1875 accorde au Parlement réuni en Assemblée nationale l'exercice du pouvoir constituant dérivé, elle ne l'autorise nullement à déléguer un tel pouvoir.

L'article 2 de la loi constitutionnelle du 14 août 1884 affirmant que « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision » a ponctuellement été relevé, en dehors de la doctrine, comme un motif d'irrégularité de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, en tant qu'elle confiait des « pouvoirs dictatoriaux » au gouvernement.

Selon la loi constitutionnelle votée le 10 juillet 1940, Pétain doit élaborer une nouvelle Constitution qui devrait « garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie » et être ratifié par la nation souveraine. Or, si le maréchal institue effectivement une commission chargée de rédiger un projet de Constitution, aucune Constitution ne sera jamais promulguée.
trahi l'armée

Mi-juin 1940, l'armée française est toujours au combat.
Bien entendu elle a subi de lourdes défaites et une victoire en métropole n'est plus envisageable. Mais l'armée n'est pas dispersée, elle continue vaillamment le combat et a les hommes, le matériel et la motivation pour rendre des coups aux allemands.

Le 17 juin Pétain prononce sa célèbre déclaration : "C'est le cœur serré que je vous dis qu'il faut cesser le combat bla bla bla #pleure# #pleure#"
Ce jour est le lendemain de sa désignation comme président du conseil, à ce moment là l'armistice ne fait pas encore consensus. Mais l'armée française, en écoutant les déclarations du chef de gouvernement, s'effondre complètement. En quelques jours les allemands feront plus de prisonniers que pendant tout le début de la campagne. A partir de là, l'armistice devient effectivement impératif.

Pétain a donc sciemment détruit le moral et les positions de l'armée française, pour rendre inéluctable sa politique. C'est une trahison qui vaut bien celle de Bazaine.

Il faut savoir que si l'armée française a les reins brisées, l'armée allemande est elle-même exténuée. Outre les importantes pertes essuyées au cours de son avance éclair, elle subit des difficultés logistiques importantes, et la Luftwaffe n'a pas encore les bases aériennes nécessaires pour atteindre le sud de la France. Les allemands ne pourront pas échapper à une période de consolidation et de ravitaillement d'au minimum un mois, et si l'invasion allemande de toute la métropole est inéluctable, arriver jusqu'à la Méditerranée sera une tâche autrement plus difficile et longue que la première partie de la campagne. C'est pourquoi l'armistice est pour Hitler une divine surprise. Il la saisit comme une occasion inespérée et contraint Mussolini à réduire ses prétentions, de peur que les Français retirent leur offre.

Un armistice proposé pendant la pause dans l'armée allemande aurait pu être négocié dans de bien meilleures conditions, et aurait été davantage conforme à l'honneur (Même si je pense qu'on pouvait et qu'on devait poursuivre la lutte depuis l'empire).
qu'aurais-tu voulu qu'il se passe d'autre ?

Le transfert de l'essentiel de l'armée, avec le gouvernement et les institutions, en Afrique du Nord. Les simulations dont je parlais plus haut ont montré que nous en avions les capacités logistiques. A partir de là la guerre prend un autre visage. Elle est méditerranéenne. Les flottes françaises et britanniques ont suprématie maritime en Méditerranéenne et la Lybie italienne peut être conquise dès l'été 1940, la cible ensuite est le débarquement en Italie.

La situation militaire pour les alliées est à tous points de vue meilleure qu'historiquement.

Mais c'est un long débat et de longues études...
de Gaulle a déserté bien avant le nouveau régime, bien avant.

Le général de Gaulle a été envoyé à Londres sur ordre de Reynaud, et il n'allait évidemment plus rentrer se mettre dans les mains d'un gouvernement s'apprêtant à trahir la France. Dès le 17 juin à 12h30 il devient clair que Pétain est prêt à sacrifier l'armée française pour imposer son pouvoir personnel.
Pour finir, je te conseille ce passionnant bouquin. Faut vouloir lire, ça fait plus de 1000 pages : http://www.amazon.fr/Soixante-jours-qui-%C3%A9branl%C3%A8rent-lOccident/dp/2221502027

Bah évidemment, quand on regarde sa biographie.
Benoist-Méchin fut successivement un admirateur d'Hitler, un doriotiste et un collaborateur. Au sein de Vichy, il était même partisan de Laval contre Darlan et appelait à combattre les armées alliées aux côtés des allemands. A la fin de la guerre il est condamné à mort (peine commuée) et à la dégradation nationale.

T'as de ces lectures, vraiment...


Histoire de cross-troller, je me permet de ricaner bêtement devant cette déclaration pas étonnante du tout du bonhomme :
Je n'ai jamais été germanophile dans le sens où on voudrait le faire entendre aujourd'hui, à savoir que j'aurais préféré l'Allemagne à mon propre pays [...] Quand je suis de passage à la SDN, à Genève, avec Briand, et que Briand parle de fédération européenne, je l'écoute et je pense qu'il a raison
De plus, ton discours ressemble furieusement à la description que donne de Gaulle dans ses mémoires (que j'ai et que j'ai lus).

Comme je l'ai dit, c'est la construction gaulliste que j'ai exposée plus haut. C'est aussi celle qui a juridiquement court en France, et bien entendu je la fais mienne.
Je ne peux que te conseiller l'ouvrage de Weygand à ce sujet :

Weygand qui est aussi un traître qui a refusé d'obéir aux ordre de son gouvernement.
Ca revisite ce que prétend de Gaulle qui a bien tordu les faits,

Ah ça c'est encore un n-ième autre débat.

Les Mémoires ne sont pas fondamentalement faux, mais ils ont été écrits dans un but d'exemplarité et d'édification. Pas de vérité historique brute. Il s'agit au fond de présenter au pays qui a failli "une certaine idée de la France" à travers le parcours d'un homme qui, lui, a réellement fait don de sa personne à la patrie. Mais il est clair qu'on n'y trouvera pas, par exemple, toutes les saloperies qui se sont déroulées dans l'ombre entre de Gaulle et Giraud, ce genre de choses..
Une désertion devant l'ennemi, t'appelles ça comment ?

Mais enfin, où vois-tu une désertion, de Gaulle étant resté le seul à se battre? Drôle de logique, vraiment.