./255> Ben tu cites le livre
Soixante jours qui ébranlèrent l'Occident. L'auteur, Jacques Benoist-Méchin, était bien un collaborateur. Même s'il n'était pas un historien complètement bête, faut quand même avoir ce petit détail en tête quand on interprète ses écrits..
Nil (./256) :
Effectivement, le gouvernement de Vichy est anticonstitutionnel, c'est un fait. Sa légitimité, par contre, est plus une histoire de point de vue.
Ah ben je suis tout à fait d'accord sur la relativité des points de vue, y compris, dans une certaine mesure, pour l'aspect légal. (Je ne suis pas d'accord avec la suite : la France Libre a revendiqué la légitimité républicaine sans discontinuer et depuis le départ, il n'y a donc aucun abandon. La géographie n'a rien à voir là dedans, et Vichy a quitté autant que la France Libre la capitale . Que Vichy soit devenu gouvernement de fait, c'est clair, mais ça n'est fait décidément pas un gouvernement de droit)
La légalité, aussi bien que la légitimité, sont des constructions humaines. Elles ne sont pas totalement arbitraires (on ne peut pas tordre la logique à l'infini), mais il y subsiste quand même une part de liberté qui laisse la place à des interprétations concurrentes.
Sur notre sujet il y en a deux et deux seulement :
- l'interprétation pétainiste, pour laquelle Vichy est l'état français légal (qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore), de Gaulle étant un traitre.
- l'interprétation gaulliste, pour laquelle la République survit pendant la guerre dans un état d'exception, Vichy étant un gouvernement de fait, arrivé au pouvoir anticonstitutionnellement
(*).
Bien sûr il y a des positions qui ne rentrent pas dans ces deux cases. Pour François Mitterrand, Vichy n'est pas la France légale mais de Gaulle non plus, la République était entre parenthèses pendant la durée de la guerre. Mais ces interprétations secondaires ne donnent pas lieu à des constructions juridiques et politiques aussi détaillées que les deux premières. Du côté de Pétain, on a l'acte du 10 juillet 1940, et toute la production législative de Vichy. Chez de Gaulle, on a le boulot de juristes comme René Cassin, l'ordonnance du 9/8/1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, et tout le contexte juridique ultérieur.
Pour trancher, outre l'argumentation juridique elle même (et pour moi c'est décidément la position gaulliste la plus logique), on est bien obligé de faire appel à des critères subjectifs :
- moraux : vers qui nos tripes sont-elles le plus attirées ?
- historiques : l'histoire a tranché, et en droit positif Vichy est nul.
- politiques : il faut doter la France de l'historiographie qui lui profitera le mieux : la grandeur nationale plutôt que la repentance. Et il faut lier la forme républicaine à la France moderne.
(*) Ô Joie