NilLe 29/03/2006 à 19:47
Non, mais Martial est typiquement dans la déformation du schéma posé par le modèle (empirique) social judéo-chrétien1 qui, s'il a du bon parce qu'il guide sur "ce qui est un idéal du bien" (Mais ce n'est pas le seul à fonctionner ainsi, la quasi intégralité des sociétés, qu'elles soient modernes ou passées, sont fondées sur ce principe. On ne retrouve de fortes déviances ancrées au niveau culturel que dans de rares sociétés, et ça a toujours une explication simple 2 ; on n'a dont explicitement aucune société qui reconnaît un droit au meurtre, à l'inceste ou à l'antropophagie [hors exception expliquée ci-dessous]).
Le problème de la mise en place aveugle de ces interdits est qu'elle peut faire plus de mal que de bien dans de nombreux cas. La mécompréhension de la métaphore de la création du monde a conduit pendant longtemps à voir la femme comme étant un sous homme, et la médecine moderne est un bel exemple de cet héritage3.
Le problème de cette de cette vision n'est pas du tout qu'elle pose des limites - la limite et le cadre sont des éléments indispensables au bon fonctionnement de toute société -, mais qu'elle présente chaque dépassement non comme un cas à étudier en fonction de nombreux paramètres (famille, enfance, entourage, vécu), mais comme une faute qui, à défaut de pouvoir être reconnu, pris en compte (et éventuellement soigné en fonction du trouble), devient frustration (ou pire encore, frustration muette, c'est à dire qu'elle n'est même pas connue mais est en état de latence... les frustrations et les fantasmes que l'on redoute [il y a des fantasmes tout à fait normaux {même si en matière de sexe la normalité n'existe pas} qu'il convient de réaliser si on le désire en couple] sont comme les ennemis : il vaut mieux les connaître pour éviter qu'ils ne prennent le dessus).
Ce qui me porte à conclure rapidement : ce n'est pas parce qu'on a un fantasme qu'il va être réalisé. Comme je viens de le dire (de l'écrire), le fantasme connu que l'on refuse a moins de chance de se réaliser que celui que l'on ignore.
1Par "modèle social judéo-chrétien", je ne mets pas en cause les deux religions qui forment l'expression. Je remet en cause une lecture sans remise en question de textes qui pour certains (dont moi) sont sacrés, mais qui s'étend bien plus qu'aux religions en elles-mêmes : elles touchent l'ensemble des membres de la société occidentale, tout le bassin méditerranéen, et s'étend jusqu'à l'asie mineure et même jusqu'à une bonne partie de l'asie (sauf l'Inde), apportée en même temps que la religion musulmane.
2On retrouve ainsi très fortement ancré dans quelques peuplades amérindiennes (je signale que ça n'a plus cours, hein) du sud l'athropophagie. Mais elle est très particulière. On mange exclusivement les guerriers ennemis morts au combat avec bravoure non par plaisir ni par faim, mais pour en récupérer la force morale et physique.
On a aussi l'exemple très connu dans la Sparte Antique de la pédérastie (lien sentimenal et sexuel entre un jeune homme et un aîné). L'explication est toute simple, avoir les militaires en couples faisaient qu'ils se battaient non seulement pour se protéger mais aussi pour protéger l'autre.
Dernier exemple en tête, il existe une peuplade d'afrique centrale (zut, il faudrait que je retrouve le bouquin de Bourdieu où il en parle) où l'on donne à manger du sperme d'homme aux jeunes enfants mâles afin qu'ils gagnent en maturité et en masculinité.
3Pas la peine d'aller en asie mineure pour voir ça. Il suffit de voir qu'une partie du corps humain de la femme est appellée (médicalement) "nerf honteux" (ce qui est d'ailleurs à mettre en rapport direct avec la petite note de montreuillois sur "le honteux"), rabaissant le sexe à la honte. Ca a ainsi une répercussion non seulement sur l'aspect psychologique (de nombreux cas de vulvodynies [principalement les vaginismes] ont en effet pour cause directe des interdits d'ordre religieux ou sociaux-religieux) mais aussi sur l'aspect médical (accentué par une surmédicalisation systématique, mais c'est un autre débat), avec un traitement de la femme comme étant un objet et pas une personne. L'acte d'accouchement, par exemple, est devenu un travail de routine pour une bonne partie du corps médical (en passant, la France est un des pays qui respecte le moins de points énoncés par OMS au niveau des accouchements et de la prise en charge en général des grossesses).
Note à Martial : ma littérature n'est pas Freudienne. Ni Lacanienne, d'ailleurs. Je connais les grandes lignes de ces deux écoles, mais je ne suis pas du tout partisan de la psychanalyse (en fait, ce n'est pas la psychanalyse que je n'aime pas, ce sont les psychanalystes). Je suis plus dans une vision au niveau social ou anthropologique