Un peu de politique fiction
2057, une centenaire heureuse
A quoi ressemblera l’Europe dans cinquante ans ? The Economist l’imagine prospère, puissante… et forte de cinquante membres.
C’est avec une satisfaction paisible que l’UE fête son centième anniversaire. Quand elle a eu cinquante ans, certains avaient prédit qu’elle serait condamnée à être insignifiante dans un monde dominé par les Etats-Unis, la Chine et l’Inde. Ils étaient loin du compte. Le tournant a été l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis et l’effondrement du dollar au tout début de la présidence de Barack Obama, en 2010. Mais les efforts entrepris un peu plus tard dans cette décennie par l’Allemagne et la France, respectivement gouvernées par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, pour imposer des réformes économiques ont joué un rôle plus crucial encore.
Ces réformes ont entraîné une forte baisse du chômage, alors même que l’Europe commençait à bénéficier d’un pic de productivité lié à la diffusion des technologies de l’information. Cela a eu finalement pour résultat une pénurie croissante de main-d’œuvre, qui n’a trouvé de solution qu’avec l’entrée de la Turquie et de l’Ukraine comme membres à part entière en 2025. L’adhésion, peu après, du premier pays d’Afrique du Nord, le Maroc, a contribué à prolonger le boom européen.
Bien sûr, tout cela ne s’est pas fait sans mal. La grande crise italienne de 2015, quand le gouvernement de Gianfranco Fini [le chef d’Alliance nationale, droite] est sorti de la zone euro au moment précis où la Grande-Bretagne de David Miliband [actuel ministre de l’Environnement] se préparait à y entrer, a eu des répercussions durables. Mais, bien que les petits porteurs italiens en aient subi les contrecoups et que l’économie italienne ait été dépassée par celle de l’Espagne, les marchés financiers ont résisté. Le gouvernement de Walter Veltroni [actuel maire de Rome, gauche] a ainsi pu réintégrer l’euro assez rapidement. Depuis, aucun pays ne s’est risqué à répéter la douloureuse expérience italienne.
L’autre source de satisfaction paisible tient à la politique étrangère de l’UE. Pendant la deuxième décennie du siècle, époque de dangers au cours de laquelle Vladimir Poutine a obtenu un troisième mandat de président de la Russie et été sur le point d’envahir l’Ukraine, c’est l’Union qui a poussé le gouvernement Obama à brandir la menace de représailles nucléaires massives. La crise ukrainienne a été un triomphe pour le ministre des Affaires étrangères de l’UE, Carl Bildt [actuel chef de la diplomatie suédoise], et il s’en est suivi une nouvelle vague d’adhésions. Ironie du sort, moins de dix ans plus tard, la Russie elle-même faisait acte de candidature.
Dans le même temps, les politiciens de Bruxelles et de Washington, aux prises avec le processus de paix toujours enlisé au Proche-Orient, ont eu une inspiration soudaine. Le statut de membre avait fini par fonctionner pour Chypre, réunifiée en 2024. Pourquoi ne pas recommencer ? C’est ainsi qu’Israël et la Palestine sont devenus les 49e et 50e membres de l’Union.
Que faire de la Russie ? Tel est le grand défi auquel il faut désormais faire face. Sa candidature est à l’étude depuis quinze ans. Certains affirment que c’est un pays trop vaste, trop pauvre et pas assez européen pour pouvoir entrer dans l’UE. Mais, aujourd’hui que la monarchie tsariste a été symboliquement restaurée, la Russie est dotée d’un gouvernement irréprochablement démocratique. C’est un tsar qui avait sauvé l’Europe de Napoléon, il y a de cela presque deux cent cinquante ans. Quelle meilleure façon de célébrer cet anniversaire que d’accueillir à nouveau la Russie dans le giron européen ?
Source :
Courrier International