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HippopotameLe 09/02/2010 à 11:49
(développement de topics/28116-jeu-poster-le-plus-tard-possible/1622#48639 )
Alors voilà.

Le cerveau humain et le langage ne sont pas forcément un avantage reproductif.

Le cerveau humain est immensément gros (trois fois plus gros que les autres primates, proportionnellement au poids du corps). C'est un gros investissement énergétique pour le construire et pour l'alimenter. Il rend l'accouchement extrêmement difficile. En fait il est à la limite de viabilité, et il est possible qu'un cerveau deux fois plus petit soit plus avantageux du point de vue reproductif.

Comment expliquer son apparition?
hint :
Le mème "il faut se reproduire avec le partenaire le plus intelligent possible" est un mème gagnant (il a tendance à se diffuser sur le long terme), alors qu'au bout d'un moment il n'est que partiellement corrélé aux impératifs de survie.

L'histoire commence il y a quelques millions d'années, quand une espèce africaine de primates, nos ancêtres, mise à fond sur les outils et les techniques. Cette espèce apprend à imiter. Les individus sachant imiter une technique de chasse ou un comportement utile ont un avantage évolutif, donc les gènes sélectionnent de bons imitateurs.

Tout ça fait du cerveau pré-humain une boîte à mèmes, et l'évolution mémétique commence (ou plutôt elle accélère considérablement, par rapport au reste du règne animal).
Le pool de mèmes s'agrandit, et les mèmes commencent entre eux une compétition analogue à la compétition génétique. Leur téléonomie (c'est à dire leur finalité, leur intention apparente) n'est cependant pas la même que celle des gènes. Les premiers recherchent la reproduction des mèmes, les seconds des gènes. Le mécanisme génétique s'assure seulement que les mèmes ont une téléonomie au moins partiellement corrélée à celle des gènes (sinon c'est l'extinction immédiate).
Toutefois les mèmes suivent leurs propre buts égoïstes.

On voit ainsi apparaître à côté des mèmes utiles pour la reproduction (tailler des pierres ou faire un feu) des mèmes inutiles ou parasites (faire des peintures sur les murs, inventer des rites sexuels compliqués au lieu de faire directement des bébés).

Du point de vue des gènes, comment contraindre l'évolution mémétique ? C'est très difficile :
1) Les mèmes évoluent avec une échelle de temps bien plus rapide que les gènes.
2) Il est de toute façon difficile de discriminer par de la biochimie de bas niveau des mèmes abstraits de haut niveau.
La seule bonne stratégie que peuvent adopter les gènes, c'est de sélectionner les meilleurs imitateurs, parce que ceux là auront plus de chance d'avoir des mèmes utiles parmi leur pool de mèmes inutiles.

En fait il faut se rendre compte qu'à partir d'un certain niveau de complexité, ce sont les mèmes qui ont pris le pouvoir et qui contraignent l'évolution génétique. Si tel partenaire paraît plus séduisant et a une descendance plus nombreuse, c'est parce que les mèmes l'ont voulu ainsi, et les mèmes ont donc le pouvoir de sélectionner les gènes. En fait les mèmes se servent des gènes comme outil dans leur lutte contre d'autres mèmes (mais ce n'est qu'une petite partie des stratégies de luttes inter-mèmes).

Le but du mème est de se reproduire, donc d'avoir les meilleurs réplicateurs. D'où la course au plus gros cerveau, et au langage (d'où aussi le développement de l'écriture, puis des réseaux d'information, jusqu'aux réseaux informatiques).

Nous sommes une espèce qui a d'abord utilisé des mèmes pour remplir ses buts génétiques, puis qui a été sélectionnée et contrôlée par une masse de plus en plus grande de mèmes viraux. Ce qui fait de nous des machines artistiques, religieuses, musicales, littéraires, sans que tout cela ait le moindre avantage reproductif. (Remarque : les mèmes qui se balladent sur la planète terre sélectionnent aussi des gènes bien au delà de l'espèce humaine : par exemple les pis des vaches.)


TLDR : Nos cerveaux sont des boîtes à mèmes construits par et pour les mèmes, et pas pour les gènes. Dès lors, une vision trop "premier degré" de l'evopsy tombe complètement à l'eau.


Quant aux différences hommes/femmes : Certes la couche génétique a pu introduire quelques différences biologiques. Genre les nanas seront statistiquement moins bonnes en 3d mais meilleures pour distinguer une forme cachée dans un buisson. mais bon il ne faut pas pousser trop loin non plus :
1) Il s'agit de quelques fonctions de très bas niveau, souvent noyées dans le bruit de fond des différences culturelles (on voit mal, par exemple, comment les performances en vision 3d auraient un rapport avec le fait qu'il y a peu de femmes patrons)
2) le cerveau humain, contrairement à tous les autres organes, est formidablement plastique et se construit en fonction des stimulus. La geekette qui passe ses soirées à jouer à Portal sera championne du monde en 3d ; le mec qui ramasse des framboises toute la journée sera meilleur que les nanas non entraînées.
Bref l'essentiel des différences psychologiques homme/femme est du aux contraintes sociales et non aux contraintes biologiques.