Hippopotame (./56) :
D'autre part, l'Europe n'est pas aux états nations ce que la France est aux régions.
Le siège de l'identité et du pouvoir se trouve dans les nations, et il restera encore là au moins quelques générations.
Le siège du pouvoir est là où l'on a décidé qu'il était... Pour ma part je trouve qu'il y a un plus grand pas dans le transfert de la souveraineté du corps du roi vers le peuple que dans le transfert d'une assemblée nationale à une assemblée européenne.
Hippopotame (./56) :
Il n'en est pas de même des rapport entre les régions et la nation. La nation, concrétion géographique, historique, juridique, culturelle, s'ancre dans l'épaisseur des siècles et est la seule incarnation du pouvoir. C'est pourquoi il ne peut pas y avoir de politique étrangère faite par les régions, ou par l'Europe.
Alors la nation, c'est la fin de l'Histoire pour toi ?
Hippopotame (./56) :
Démographiquement, économiquement, c'est évident. Après la guerre tout la monde a connu le baby boom. Tout le monde a connu une période de forte croissance, la normalisation de la démocratie parlementaire et du capitalisme.
Aujourd'hui l'Allemagne ou l'Italie vivent un krach démographique très inquiétant, alors que la natalité française reste vigoureuse, avec même un mini baby boom au passage de l'an 2000.
L'Allemagne est l'une des plus puissantes nations industrielles et exportatrices du monde, la France est fortement importatrice.
Tous ces faits, et bien d'autres, correspondent à des différences de mentalité, des différences sociologiques qui vont en s'accentuant.
La natalité française est artificiellement gonflé par l'immigration :
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCI02204®_id=0. La constitution de l'immigration en France favorise cette hausse puisque les immigrés viennent majoritairement de pays musulmans (1 enfant supplémentaire par femmes en moyenne !).
Cela n'empêche que l'on peut superposer les pyramides des âges françaises, italiennes et allemandes et s'aperçevoir qu'elles coïncident très fortement.
Ensuite les questions de tissu industriel ne prouvent rien d'irréconciliable. Comme entre la Bretagne et l'Ile-de-France on a des différences économiques, on en a entre pays européens. Ce qui est significatif en revanche est le PIB moyen par tête et l'IDH qui eux montrent l'homogénéité.
Hippopotame (./56) :
Dans une économie fermée (mais non autarcique, et capitaliste bien sûr), chaque pays doit prendre garde à équilibrer à peu près sa balance commerciale, et à couvrir à peu près toutes les branches essentielles de la production. On voit donc s'épanouir des modèles de production relativement semblables : keynésiens, raisonnablement industrialisés et à grosso modo autosuffisants. C'est l'univers des 30 glorieuses.
J'en parlais avant, c'est la théorie des avantages comparatif de Ricardo qui veut le libre échange, et la spécialisation des pays, ce qui justifie d'ailleurs les différences entre la France et l'Allemagne à ce niveau. L'autosuffisance n'est pas optimale.
Hippopotame (./56) :
Mais en économie ouverte et complètement dérégulée, les différents tempérament nationaux peuvent s'épanouir sans contrainte, apparaissent ainsi des économies nationales radicalement différentes et déséquilibrées de façon ridicule :
- L'économie américaine (plus généralement anglo-saxonne), pour qui le but théorique de l'entreprise est le profit, et qui privilégie le consommateur, sacrifie complètement son industrie, au profit de la dette et de l'importation de masse, et d'un modèle basé sur la domesticité et l'arnaque financière.
- Les économies allemande ou japonaise, pour qui le but théorique de l'entreprise est la conquête de parts de marché, et qui privilégient le producteur, sont les plus puissantes industries exportatrices du monde, et développent un modèle basé sur la discipline et le masochisme économique et social.
- Des économies émergentes comme la Chine subissent un développement complètement déformé par l'ampleur démesurée du commerce extérieur, qui empêche le développement de la consommation intérieure et perpétue donc la dictature.
Jamais de telles hétérogénéités n'auraient pu se développer sans mondialisation.
Pour un optimum de Pareto mondial, une économie ouverte est une condition essentielle. La mondialisation n'est que le corollaire de la spécialisation des pays (j'en reviens aux bases, cf Ricardo). Toute entrave conduit à un optimum de second rang dans le meilleur des cas.
J'admet toutefois que cela n'est que de la théorie économique pure, mais elle n'en est pas fausse pour autant, et la mondialisation l'a prouvé (augmentation du PIB mondial).
Hippopotame (./56) :
Le TCE (donc le traité de Lisbonne) pose d'ailleurs des contraintes et des interdits (notamment au nom de la concurrence) qui rendent ces coopérations renforcées peu praticables. Il est impossible de monter dans l'Europe d'aujourd'hui des projets industriels avec des partenariats public-privé, donc il est interdit de faire quoi que ce soit d'intéressant (Le Cern, l'Airbus, Ariane seraient impossibles aujourd'hui).
Je te rejoins sur le fait que les coopérations renforcées devraient être facilitées.
Hippopotame (./56) :
La faiblesse de l'architecture de l'euro a contribué aux déséquilibres monétaires et financiers du monde et a été une des causes de la crise (certes pas la principale).
Forces et faiblesses hein, après on choisit de présenter le côté qui arrange nos thèses.
Hippopotame (./56) :
Et comme l'intégration n'est pas possible, ça revient à l'abdication du politique, à la situation d'anomie que nous connaissons depuis bien des années.
L'Union Européenne, c'est la ruse inconsciente d'une classe politique fatiguée pour endormir une action gouvernementale désormais perçue trop lourde, et la remplacer par du people et des bons sentiments.
Il est bien entendu faux qu'il n'y a rien en dehors de l'Europe, ou même rien en dehors de l'étroite version de l'Europe qu'on nous impose. La politique est infinie.
C'est vrai qu'il y a une insuffisance d'Europe politique et surtout une apparente absence de choix. Mais la faute en revient aux Etats qui maintiennent la supériorité du Conseil sur la commission et le parlement. Mais ce que tu dis reviens à jeter le bébé avec l'eau du bain.
Hippopotame (./56) :
Comme le communisme, qui est d'ailleurs l'idéologie dont l'européisme se rapproche le plus.
La fin de l'état nation, c'est la fin de la démocratie, la fin de la chose publique, la fin du plus grand progrès politique depuis des siècles.
Mais ça n'arrivera pas, parce qu'à l'échelle mondiale est en train de se produire un nouveau printemps des nations, et les pays qui montent vous balaieront si vous continuez dans votre erreur.
Alors là je ne comprends pas le parallèle que tu fais, où alors c'est une accusation de cosmopolitisme ?
Quant à la fin de l'Etat-nation, je t'encourage à (re)lire Fukuyama.
Hippopotame (./56) :
Maintenant, si on veut vraiment construire psychologiquement autant que concrètement une identité européenne, nous pouvons utiliser cette force pour imposer un protectionnisme européen, au lieu de rester dans une optique libre échangiste nihiliste.
Je suis à titre personnel partisan d'une préférence communautaire, mais il faut que cela soit cohérent avec les valeurs prônées. Enfin, le libre échangisme nous a tous profité, qui n'est pas content de payer moins cher ses biens parce qu'ils ont été produit dans des conditions plus avantageuses d'un point de vu économique. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
Hippopotame (./56) :
Il n'en est pas de même, parce qu'il n'y a pas de sentiment d'identité.
pour un allemand, un grec est un étranger, et il a raison de penser ainsi.
Il n'a ni raison ni tord. Le sentiment d'appartenance européenne existe malgré tout, sans doute à des degrés divers. J'ai conscience en moi d'appartenir à une civilisation européenne, dont l'Union européenne est la concrétisation la plus poussée malgré ses défauts. Et je me sens 100x plus proche d'un grec que d'un marocain.
La question de l'identité est liée à la question de la solidarité. Une fois que l'on a pris conscience que nos destins sont inextricablement liés, on se rend compte qu'aider la Grèce est avant tout dans notre intérêt (pour rester dans l'actualité). Je rappelle qu'il y a 20 ans, l'Espagne était l'un des pays les plus pauvre d'Europe et sortait de 50 ans de dictature fasciste. Ce sont les fonds structurels européens qui ont permis le développement espagnol (ainsi qu'Irlandais). Je vois mal en quoi la France y aurait perdu.
Hippopotame (./56) :
L'erreur est de croire que la politique (et même la politique des vÅ“ux pieux) est capable de faire ou défaire les grandes identités nationales, sur des temps de l'ordre de la décennie. C'est du délire. Ces identités vivent à l'échelle des siècles, et elles échappent au politique, en fait ce sont elles qui influencent le politique et non l'inverse.
Pourtant la France de l'Ancien Régime était faites de provinces et d'identités diverses. On ne le dira jamais assez, mais le véritable acte fondateur de la France est l'ordonnance de Villers-Coterêt signé par François 1er qui imposait le français comme langue unique. C'est un acte éminemment politique, et qui a durablement fondé la nation.
Hippopotame (./56) :
L'idéal est mort, probablement à la fin des années 90, et probablement à jamais (sauf chez une poignée de l'élite, qui souffre de fausse conscience).
Je me souvient, quand j'étais à l'école primaire, on devait subir de la propagande européenne. C'était la grande époque Mitterrand, c'est bien loin maintenant.
Un certain idéal est peut être mort, mais pas l'idée européenne. D'ailleurs les souverainistes sont souvent ceux qui parlent le plus de culture européenne...
Hippopotame (./56) :
Et bien, voilà un objectif pour que l'UE existe : utiliser son poids à l'OMC pour changer les règles du jeu, quitte à mettre complètement les pieds dans le plat. Quand la première région économique du monde parle unie, on écoute.
Ce serait une façon exaltante et positive de construire l'Europe !
Je suis absolument d'accord là dessus, mais justement, je ne m'explique pas tes critiques contre la construction européenne qui nous a pourtant apporté tant de succès.
Hippopotame (./56) :
Effectivement, si on reste dans un régime libre échangiste. C'est pourquoi le retour au protectionnisme est indispensable.
Le protectionnisme est une arme à double tranchant. Dans ce cas là tu verras surgir des protectionnismes anti-européens et tout le monde y perdra. Que le commerce mondial s'effondre, et les pays européens en seront les premières victimes.
Hippopotame (./56) :
Tututut.
Les traitres à la France sont ceux qui veulent supprimer la souveraineté française et désarmer leur pays. Donc pas les communistes, en l'occurrence.
C'est vrai que l'allégeance passée au Komintern est une grande preuve de patriotisme.
Enfin tu parles de supprimer la souveraineté, mais personne n'a évoqué cela. Tout au plus il y aura un transfert de compétence...