55Fermer57
HippopotameLe 27/02/2010 à 17:57
iwannabeasushi (./46) :
Evidemment, la politique étrangère n'est pas une compétence communautaire. Reprocher à l'Europe son manque d'unité sur cette question n'a aucun sens.

Mais je ne reproche rien du tout, je constate c'est tout.
C'est comme si l'on demandait aux différentes régions de France de s'exprimer sur nos opérations extérieures... On aurait nécessairement des divergences.

D'une part, je ne le pense pas.

D'autre part, l'Europe n'est pas aux états nations ce que la France est aux régions.
Le siège de l'identité et du pouvoir se trouve dans les nations, et il restera encore là au moins quelques générations.

Si on va au fond des choses, le pouvoir européen est une illusion. Il n'existe que par la volonté de Paris et Berlin de croire qu'il existe, et l'on peut lire les institutions européennes comme un mécanisme calculé par les élites nationales pour court-circuiter le jeu démocratique. Mais si un jour les grandes capitales européennes décident de ne plus croire au pouvoir européen, celui ci s'évaporera comme s'il n'avait jamais existé.

Il n'en est pas de même des rapport entre les régions et la nation. La nation, concrétion géographique, historique, juridique, culturelle, s'ancre dans l'épaisseur des siècles et est la seule incarnation du pouvoir. C'est pourquoi il ne peut pas y avoir de politique étrangère faite par les régions, ou par l'Europe.

En fait toutes ces choses étaient bien comprises, de façon intuitive et évidente, par les fondateurs de la démocratie. Un démocrate du XIXème siècle aurait trouvé parfaitement absurde l'idée de séparer démocratie, politique et nation comme tente de le faire l'européisme. Cette expérience n'a été rendue possible que par la crise de la démocratie (nous ne savons même plus ce que c'est).
L'hétérogénéité dans l'Europe est plus dûe aux élargissements qu'a une inversion de la tendance.

L'élargissement n'a rien arrangé, bien sûr, mais même (et surtout - car c'est lui qui compte) le noyau dur de l'Europe diverge complètement.

Démographiquement, économiquement, c'est évident. Après la guerre tout la monde a connu le baby boom. Tout le monde a connu une période de forte croissance, la normalisation de la démocratie parlementaire et du capitalisme.

Aujourd'hui l'Allemagne ou l'Italie vivent un krach démographique très inquiétant, alors que la natalité française reste vigoureuse, avec même un mini baby boom au passage de l'an 2000.

L'Allemagne est l'une des plus puissantes nations industrielles et exportatrices du monde, la France est fortement importatrice.

Tous ces faits, et bien d'autres, correspondent à des différences de mentalité, des différences sociologiques qui vont en s'accentuant.
D'ailleurs avec la mondialisation, tous les pays ont de toute façon tendance à converger.

Je pense que c'est exactement l'inverse.

Dans une économie fermée (mais non autarcique, et capitaliste bien sûr), chaque pays doit prendre garde à équilibrer à peu près sa balance commerciale, et à couvrir à peu près toutes les branches essentielles de la production. On voit donc s'épanouir des modèles de production relativement semblables : keynésiens, raisonnablement industrialisés et à grosso modo autosuffisants. C'est l'univers des 30 glorieuses.

Mais en économie ouverte et complètement dérégulée, les différents tempérament nationaux peuvent s'épanouir sans contrainte, apparaissent ainsi des économies nationales radicalement différentes et déséquilibrées de façon ridicule :
- L'économie américaine (plus généralement anglo-saxonne), pour qui le but théorique de l'entreprise est le profit, et qui privilégie le consommateur, sacrifie complètement son industrie, au profit de la dette et de l'importation de masse, et d'un modèle basé sur la domesticité et l'arnaque financière.
- Les économies allemande ou japonaise, pour qui le but théorique de l'entreprise est la conquête de parts de marché, et qui privilégient le producteur, sont les plus puissantes industries exportatrices du monde, et développent un modèle basé sur la discipline et le masochisme économique et social.
- Des économies émergentes comme la Chine subissent un développement complètement déformé par l'ampleur démesurée du commerce extérieur, qui empêche le développement de la consommation intérieure et perpétue donc la dictature.

Jamais de telles hétérogénéités n'auraient pu se développer sans mondialisation.
Mais j'admet qu'une union à 27 est difficilement gouvernable.
mais je suis toujours convaincu qu'un système de coopérations renforcées donnerait d'excellents résultats.

Bon, là au moins on est complètement d'accord. C'est d'ailleurs l'agenda de la plupart des souverainistes.

Le TCE (donc le traité de Lisbonne) pose d'ailleurs des contraintes et des interdits (notamment au nom de la concurrence) qui rendent ces coopérations renforcées peu praticables. Il est impossible de monter dans l'Europe d'aujourd'hui des projets industriels avec des partenariats public-privé, donc il est interdit de faire quoi que ce soit d'intéressant (Le Cern, l'Airbus, Ariane seraient impossibles aujourd'hui).

la monnaie unique nous a protégé lors de la guerre d'Irak d'une spéculation sur le franc,

Ça c'est tout à fait saugrenu, comme l'a fait remarquer moumou.

Et c'est une vision complètement déformé des états unis et de leur pouvoir.

Ils n'ont pas de pouvoir de rétorsion, c'est tout (à part vider dans l'évier un litre de pinard à la télé).
et nous a couvert pendant la crise.

La faiblesse de l'architecture de l'euro a contribué aux déséquilibres monétaires et financiers du monde et a été une des causes de la crise (certes pas la principale).
De toute façon, on est engagé dans une voie qui ne permet pas de retour, sauf à vouloir causer un effondrement instantané de la France si l'on est souverainiste... Plus d'intégration est la réponse à tous nos problèmes.

Et comme l'intégration n'est pas possible, ça revient à l'abdication du politique, à la situation d'anomie que nous connaissons depuis bien des années.

L'Union Européenne, c'est la ruse inconsciente d'une classe politique fatiguée pour endormir une action gouvernementale désormais perçue trop lourde, et la remplacer par du people et des bons sentiments.

Il est bien entendu faux qu'il n'y a rien en dehors de l'Europe, ou même rien en dehors de l'étroite version de l'Europe qu'on nous impose. La politique est infinie.
Hippopotame (./44) :
Je ne te savais pas nihiliste.

réaliste.
L'idéal européen c'est le dépassement de l'Etat nation.

Comme le communisme, qui est d'ailleurs l'idéologie dont l'européisme se rapproche le plus.

La fin de l'état nation, c'est la fin de la démocratie, la fin de la chose publique, la fin du plus grand progrès politique depuis des siècles.

Mais ça n'arrivera pas, parce qu'à l'échelle mondiale est en train de se produire un nouveau printemps des nations, et les pays qui montent vous balaieront si vous continuez dans votre erreur.
D'ailleurs l'Europe a su s'unir véritablement notamment à l'OMC, et la position européenne y est extrêmement forte.

Tout à fait.
Maintenant, si on veut vraiment construire psychologiquement autant que concrètement une identité européenne, nous pouvons utiliser cette force pour imposer un protectionnisme européen, au lieu de rester dans une optique libre échangiste nihiliste.
On peut tout à fait envisager de répliquer le même modèle dans d'autres instances le moment venu.

C'est déjà le cas dans l'OTAN, on l'a vu au moment de la crise irakienne : l'organisation n'a plus obéi au doigt et à l'œil aux états unis, et le front de la paix a même empêché les américains d'utiliser les bases turques, à leur grand dam.

Ce qui illustre d'une part, comme je le disais plus haut, l'incapacité américaine. Il ne faut pas surestimer leur puissance. D'autre part, la puissance potentielle de l'Europe, qui ne peut se construire, psychologiquement comme concrètement, que par une opposition aux États-Unis.
L'idéalisme européen est tout à fait vivant.

Il existe dans des microcosmes déconnectés de la société réelle (parti socialiste, divers cénacles européens, journalistiques ou médiatiques), et instrumentalisés par les institutions européennes.
La vraie question qui se pose est celle de la solidarité. Question qui est d'actualité, comment expliquer au contribuable allemand qu'il va devoir payer pour les mensonges des grecs ? Cela dit c'est un cas particulier car la Grèce a vraiment trompé son monde. Mais ça marche aussi bien pour la solidarité entre la "vieille" et la "nouvelle" Europe. Dans les différents pays, on ne se pose pas trop ces questions, idéalement il devrait en être de même en Europe.

Il n'en est pas de même, parce qu'il n'y a pas de sentiment d'identité.
pour un allemand, un grec est un étranger, et il a raison de penser ainsi.

L'erreur est de croire que la politique (et même la politique des vœux pieux) est capable de faire ou défaire les grandes identités nationales, sur des temps de l'ordre de la décennie. C'est du délire. Ces identités vivent à l'échelle des siècles, et elles échappent au politique, en fait ce sont elles qui influencent le politique et non l'inverse.
mais si on ne se donne pas d'idéal, on n'ira pas bien loin.

L'idéal est mort, probablement à la fin des années 90, et probablement à jamais (sauf chez une poignée de l'élite, qui souffre de fausse conscience).

Je me souvient, quand j'étais à l'école primaire, on devait subir de la propagande européenne. C'était la grande époque Mitterrand, c'est bien loin maintenant.
L'UE l'interdira parce qu'elle est signataire de l'OMC, et ça va de même pour tous, même la Chine et les Etats-Unis, il n'y a qu'a voir le nombre de litiges commerciaux...

Et bien, voilà un objectif pour que l'UE existe : utiliser son poids à l'OMC pour changer les règles du jeu, quitte à mettre complètement les pieds dans le plat. Quand la première région économique du monde parle unie, on écoute.

Ce serait une façon exaltante et positive de construire l'Europe !
La réindustrialisation n'est qu'un mirage... Pour connaître extrêmement bien l'Asie et particulièrement la Chine, je ne vois aucune chance d'avoir des relocalisations, si ce n'est sur des marchés de niche haut de gamme...

Effectivement, si on reste dans un régime libre échangiste. C'est pourquoi le retour au protectionnisme est indispensable.
Les gaullistes avaient des problèmes avec l'OTAN plus qu'avec une défense européenne. Si la CED n'avait pas été prévue sous la tutelle de l'OTAN, ils l'auraient probablement voté. Tandis que le PCF trahissait purement et simplement la France pour rendre service au Komintern.

Tututut.
Les traitres à la France sont ceux qui veulent supprimer la souveraineté française et désarmer leur pays. Donc pas les communistes, en l'occurrence.


(plein de cross)