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HippopotameLe 04/04/2011 à 22:49
iwannabeasushi (./234) :
Les romains étaient avant tout des pragmatiques

Ils sont pragmatiques, donc ils prennent ce qui leur convient parmi tout ce que leur cadre mental autorise. Or leur cadre mental est universaliste.
Exemple : L'édit de Caracalla peut être formidablement opportuniste, et en même temps formidablement universaliste.

D'un autre côté, les japonais qui veulent bâtir une sphère de coprospérité en Asie sont aussi des pragmatiques. Leur cadre mental est différentialiste. Aussi rationnels soient-ils, ils ne monteront pas un empire universaliste.
Mais ils n'ont jamais imposé de force un modèle de société sur les vaincus

Peu importe les vélléités conscientes ou inconscientes d'assimilation, ce n'est pas ça qui fait l'universalisme.

La preuve du pudding c'est qu'on le mange : le Domaine gallo-romain et la Maurétanie sont les dernières entités romaines d'occident.



la logique des choses

Je vais l'expliquer un peu, la logique des choses, parce qu'il y a un truc qui t'échappe.
L'universalisme est un trait des peuples, des cultures. C'est un trait de longue durée, on ne voit pas une valeur si fondamentale basculer.

Ce n'est pas la conséquence d'une idéologie (communisme?) ou d'une religion (christianisme?) mais l'inverse : un peuple universaliste est porté à adopter des idées universalistes, ou à en fabriquer. Il peut aussi être implicitement universaliste dans les périodes où il n'a pas de tel discours à répandre - mais il reste universaliste, assimilateur, croyant en l'égalité des hommes et des peuples.

Le bassin parisien est une bonne illustration des vagues idéologiques qui peuvent se succéder en deux millénaires sur un substrat universaliste : domaine gallo-romain, catholicisme, contre-Réforme, Révolution, anarchisme, communisme électoral.

Inversement les terres allemandes voient se succéder sur une longue durée des phases de différentialisme implicite et explicite : les particularismes des villes et principautés du Saint-Empire, la colonisation sans assimilation à l'est, la Réforme (cette reformulation différentialisme du christianisme), le pangermanisme, la conscience ethnique, le nazisme, et puis le retour à un ethnocentrisme apaisé.

Des cultures différentalistes (Cambodge, Corée) ont même réussi à développer des versions non universalistes du communisme.
C'est le communisme qui est universel, et la Russie bolchévique le devient alors un temps.

La Russie est de tempérament universaliste.

Du XVième au XIXème siècle, cet universalisme est implicite à travers l'expansion russe.

Pendant la Révolution, quand les masses russes apprennent à lire et s'éveillent, elles adoptent naturellement une idéologie universaliste (dont elles font une lecture autoritaire, correspondant à un autre aspect de eur tempérament). L'universalisme russe devient explicite.
Les russes n'auraient pas pu être nazis, de même que les allemands n'auraient pas pu être communistes.

En 1990 le communisme s'effondre. La Russie repasse en mode implicite, mais elle continue à parler au monde sur un mode universaliste.
La Russie est avant tout impérialiste

Oui, la plupart des peuples universalistes donnent des nations impériales, c'est logique.
Parce que les indigènes des français n'étaient pas l'autre ?

Non il y a une véritable différence.
Elle se mesure par exemple avec les mariages mixtes. Partout où sont passés les colons français il y a des métis. (Sauf l'Algérie mais c'est une question bien spécifique)
Ce n'est pas le cas de la colonisation anglo-saxonne. Le colon américain n'épouse pas une apache. Blancs et noirs américains sont génétiquement séparés.


Avant la Grande Guerre en France, on voit un député sénégalais noir discourant à l'assemblée en faveur de l'union de tous les français et affirmant que l'Alsace-Lorraine est française. Quand les allemands voient ça ils sont fous, et les anglais ne comprennent pas très bien non plus.

Plus tard, l'occupation de la Ruhr par des troupes françaises noires déclenche en Allemagne des réactions paranoïaques hystériques. Le français moyen ne perçoit même pas le problème.

James Baldwin trouvera en France une échappatoire au carcan racial américain.

Voilà des valeurs françaises, et ce ne sont pas des valeurs occidentales...

L'universalisme anglo-saxon diffère sans doute de l'universalisme français

Je veux bien toutefois nuancer mes propos : il existe bien un universalisme anglo-saxon limité. Après tout, les Etats-Unis sont construits par immigration !

Mais c'est un universalisme limité : il a besoin de rejeter une figure de l'autre, pour pouvoir intégrer. Rejeter les indiens, les noirs, pour intégrer les européens, les asiatiques.

C'est aussi un universalisme qui fluctue selon les époques. Dans la compétition avec les soviétiques il a atteint son envergure maximale, embrassant la planète dans un espoir de liberté, donnant l'égalité aux noirs.

Mais depuis quelques décennies il est en recul. On a vu émerger le multiculturalisme, qui affirme l'inégalité et l'inassimilabilité des cultures. Des doctrines économiques obtuses, qui prétendent trouver une utilité sociale à l'inégalité des richesses. Et puis cette nouvelle figure de l'autre : le musulman.
Et l'universalisme n'est que le propre des grandes nations.

Non.
Au départ Rome n'était qu'une ville.

Par contre c'est certain que les peuples universalistes ont tendance à s'agrandir. Beaucoup de peuples différentialistes, à force de se regarder le nombril et refuser toute assimilation, sont démographiquement minuscules, comme toutes ces mini nations régionalistes qui parsèment l'Europe.
Les principautés germaniques n'étaient que des confettis qui ne pouvaient avoir la moindre de prétention.

Voilà.
Une culture commune, mais une fragmentation politique due à un différentialisme implicite.
Comme les cités grecques de l'Antiquité, une autre culture différentialiste.
La pensée allemande du XIXème est au contraire tout à fait universaliste.

Non non non non non il faut être complètement à côté de ses pompes pour affirmer un truc pareil.

Une grande partie du travail de la pensée allemande c'est de définir l'Allemagne.

Fichte théorise un Volkgeist qui n'est pas sans évoquer le kokutai japonais. Il développe l'idée d'une nation-mère allemande, opposé aux nations latines bâtardes, et se fait précurseur du pangermanisme. Mais chez lui l'identité allemande n'est encore qu'une langue et une culture.

Hegel avec ses sympathies napoléoniennes est bien gentil, il commence néanmoins le travail sur les qualités et l'intériorité de l'"âme germanique" et il va même broder sur la qualité biologique allemande et surtout sur son absence de métissage : "L'Allemagne proprement dite s'est gardée pure de tout mélange, sauf sur sa frontière méridionale et occidentale où la bande de territoire en bordure du Danube et du Rhin fut soumise aux romains. La région d'entre l'Elbe et le Rhin est restée absolument indigène". Sans oublier que "l'erreur la plus fatale, pour un peuple, est d'abandonner ses caractères biologiques.".

Bon enfin on ne peut pas résumer en deux lignes des siècles de philosophie, mais c'est délirant de voir la pensée allemande comme universaliste.
Mais as-tu mis les pieds en Chine ?

Je n'ai absolument pas besoin d'une machine à voyager dans l'espace pour étudier la Chine, pas plus que je n'ai besoin d'une machine à voyager dans le temps pour étudier l'empire romain.
C'est une entité culturelle ? Avec ses 56 minorités reconnues alors !

Oui. Et oui.
Une écriture ?Une langue ?

Oui bien sûr, il y a une identité très forte de ce côté là. Le sinogramme, comme entité culturelle, ça se pose là.
L'impérialisme linguistique remonte d'ailleurs presque aussi loin que l'histoire de Chine. Et il dépasse largement les frontières chinoise : Japon, Corée, plus des influences au Vietnam, en Mongolie...
Ce sont des épiphénomènes. Les empereurs romains "étrangers" sont les enfants des familles patriciennes expatriées qui gouvernent les provinces.

Oui bien sûr.
Qui n'ont aucun problème à se métisser, et la société romaine n'a aucun problème à reconnaître comme patricien un noir. Pour elle c'est effectivement un épiphénomène, et un noir n'est pas un étranger. Voilà l'universalisme en action.
Que le gouvernement central ait déplacé des hans pour conforter son pouvoir oui, mais c'est de la colonisation, à l'instar de ce qui se passe en Israël, pas de l'assimilation.

Le but de l'état chinois, c'est que les tibétains soient chinois : c'est de l'assimilation.

Israël ne souhaitent pas du tout que les palestiniens soient israéliens : ce n'est pas de l'assimilation (Israël manant une politique différentialiste, ça risque pas).
Prétendre pouvoir classifier dans un modèle universel et unique tous les modèles de gouvernement qui furent, qui sont et qui seront, je trouve ça présomptueux car ce n'est pas une "science dure".

Une fois de plus, tu ne fais montre d'aucune rigeur : ici il n'est absolument pas question de classifier les modèles de gouvernement.