Bon alors j'ai essayé de faire quelques dessins

(uniquement pour le trou noir statique, parce que c'est facile de dessiner une singularité qui est un point

j'essaierai peut être de représenter le trou noir de Kerr demain...)
Alors d'abord il faut parler de l'espace temps tel que le décrit la relativité.
Pour simplifier je suppose qu'il n'y a qu'une dimension d'espace, donc l'espace temps peut être représenté par un dessin en dimension 2.
Avant Einstein, on se représentait l'espace temps comme ça :

Il y a un axe (absolu) de temps, un axe (absolu d'espace).
Une particule qui se trouve en A voit autour d'elle une "tranche d'espace" (c'est la fine ligne bleue). Au dessus de cette tranche d'espace, il y a l'univers futur : c'est là qu'elle peut aller. En dessous, il y a l'univers passé (c'est là d'où elle vient).
L'ensemble des points où elle s'est trouvé à telle date forme la grosse courbe rouge : sa trajectoire dans l'espace temps. Cette trajectoire obéit à quelques contraintes, par exemple elle ne peut pas faire de boucle, il faut toujours aller du passé au futur.
Depuis la relativité restreinte en 1905, on sait que tout ça était faux. l'espace et le temps sont intrinsèquement mêlés. Dans l'espace temps, il n'y a pas un axe de temps et un axe d'espace absolus, chaque objet "voit" ses propres axes, et d'un objet à un autre ces axes peuvent différer.
Exemple :

La particule A "voit" (*) autour d'elle la ligne d'espace en bleu et ressent l'écoulement du temps le long de la ligne noire.
J'ai tracé en vert le cône de lumière : il s'agit de la trajectoire que parcourrait un rayon lumineux venant en A, ou un rayon lumineux arrivant en A.
Comme on ne peut pas aller plus vite que la lumière, ce cône sépare l'espace temps en trois régions :
- Le futur : l'intérieur de la partie supérieure du cône, c'est là où A peut aller.
- Le passé : l'intérieur de la partie inférieure du cône, c'est là d'où A est venue.
- L'Ailleurs : ce sont les points de l'espace-temps qui sont déconnectés causalement de A.
La trajectoire de A doit rester à l'intérieur du cône de lumière.
Prenons maintenant une particule B qui se déplace à grande vitesse par rapport à A (c'est à dire que sur le dessin en 2 dimensions, sa trajectoire est bien inclinée). Alors B aura des axes d'espace et de temps inclinés par rapport à A. C'est pour ça que A verra B (et B verra A) avec une longueur diminuée, et un temps propre ralenti : dans l'absolu leur longueur et leurs horloges n'ont pas changé, c'est un effet de perspective dû à l'inclinaison des axes.
(*) le terme est impropre, elle ne le "voit" pas au sens où elle reçoit des photons de là : c'est plutôt que c'est comme ça qu'elle se représente l'espace autour
Alors maintenant il faut dire ce qui change dans la relativité générale : grosso modo l'espace est courbé, et ça se traduit par le fait que les courbes de lumière sont courbées.
Quand on a une particule, elle a toujours un "cône" de lumière. Au voisinage de la particule, c'est un vrai cône. Mais à grande distance, ces rayons lumineux ne vont plus forcément en ligne droite.

Là j'ai représenté une particule qui tombe dans un trou noir statique.
A chaque étape j'ai mis en bleu l'axe d'espace, en noir la flèche orientée vers le futur. La trajectoire est en rouge épais, des trajectoires *possibles* sont en rouge fin ; je n'ai pas mis les cônes de lumière, mais il faut imaginer qu'au départ de la particule ce sont les bissectrices des axes.
L'horizon des évènements est, dans l'espace à 1 dimension, un point. Donc dans l'espace-temps c'est une ligne. Par contre la singularité est un point unique de l'espace-temps (en réalité, il ne faudrait pas faire le dessin sur une feuille plate, mais sur une surface gauche, avec à un endroit une pointe (comme le sommet d'un cône) qui serait cette singularité).
Voilà ce que voit la particule :
A) L'horizon des évènements, et donc la singularité derrière, est dans l'espace, à sa droite.
B) La particule s'est rapprochée, ses axes penchent. Un observateur resté en A verrait le temps de B ralentir et sa longueur diminuer.
C) la particule est très près de l'horizon maintenant. Presque toutes ses trajectoires possibles tombent dans le trou, il y en a très peu qui s'échappent. En outre, l'horizon est en train de devenir parallèle à l'axe d'espace. Ca veut dire qu'au fur et à mesure qu'elle s'approche, la particule voit l'horizon de moins en moins comme un point de l'espace situé dans *une* direction, mais le voit de plus en plus dans *toutes* les directions : elle voit l'horizon se mettre à l'entourer.
D) Au moment du passage de l'horizon, l'horizon a totalement entouré la particule, puis a disparu de l'espace. La singularité, quant à elle, n'est plus non plus dans l'espace. Elle est le futur inéluctable après un court intervalle de temps : toutes les trajectoires possibles y vont.
La particule voit un espace sans horizon ni singularité, mais au fur et à mesure de l'écoulement du temps (et donc du rapprochement de la singularité), cet espace se contracte, jusqu'à ce que, crouic, on soit arrivé.
momotte (./167) :
hm, interessant. mais je doute quand meme que d'un coup, quand tu passe l'horizon des evenements, paf, la singularite ne t'aparaisse plus comme a un endroit precis de l'espace, mais comme un endroit dans le futur.ca me paraitrait plus logique que ca soit progressif.
Oui, c'est progressif d'une certaine façon : en s'approchant de l'horizon, on voit l'horizon nous entourer. Et quand il a totalement occupé toutes les directions de l'espace, c'est qu'on est entré, et là ça n'a plus de sens spatial de parler de singularité : on vit un processus d'écrasement et la singularité est la conclusion future de cet écrasement.
"l'espace qui se contracte autour de toi", ca ne me parait etre qu'un effet secondaire du gradient gravitationnel, qui contracte l'espace.
Le dessin rend peut être ça plus clair, ou pas, mais non. D'abord, si on considère des particules ponctuelles, elles ne subissent pas de spaghettification. Ensuite on peut éviter les inconvénients du gradient en multipliant les dimensions : avec un trou noir un million de fois plus gros, le gradient sera un million de fois plus doux, et il y a bien un moment où il sera suffisamment doux pour nous... sauf au voisinage immédiat de la singularité. Enfin, la spaghettification (qui vient de la structure du gradient) n'est pas qu'une contraction : c'est une contraction le long d'un axe, une expansion de l'autre, si je me souviens bien. Bref c'est pas la spaghettification le phénomène primordial.
l'espace est aussi contracte a l'exterieur de l'horizon des evenements. c'est juste que lorsque tu le depasses, ca devient de plus en plus "apparent",
donc non, ya vraiment une inversion des axes espace/temps au niveau de l'horizon, même si le voyageur ne remarque rien de particulier.
et la singularite peut justement etre vue comme une region ou l'espace est infiniment contracte
Oui, c'est un point de l'espace temps où la métrique tend vers l'infini.
c'est comme les vieux trucs qui approximaient les radiations des corps noirs (dsl j'ai oublie le nom (des dits trucs, pas du "blackbody radiation"
), qui petaient totalement en dehors d'un certain range de longueurs d'ondes, mais qui restaient valides pour des ranges proches du visible.
catastrophe de l'ultraviolet

certains facteurs secondaires d'habitude insignifiants peuvent evidemment devenir tres significatifs lorsqu'on considere les cas extremes.. bref, j'ai toujours ete un peu perplexe sur ces singularites, ou toute la masse du trou noir est soit-disant concentree dans un espace "infiniment petit"... mais pour le coup au sens mathematique du terme... (apres c'est aussi le risque de switcher en mode "maths pures" lorsqu'on arrive plus a visualiser un truc... ne faire confiance qu'aux formules, balancer quelques nombres, et arriver a des resultats mathematiquement corrects, mais physiquement aberrants...))
Oui c'est clair qu'il y a quelque chose qui ne marche pas, ce modèle du trou noir n'est qu'une approximation (probablement très bonne), mais la relativité est sans doute incapable de décrire correctement le voisinage de la soit disant singularité, il faudra une théorie de la gravitation quantique pour ça (on sait par la mécanique quantique que les trous noirs rayonnent : donc la RG se trompe déjà à ce niveau).
c'est juste que tant qu'on n'a pas depasse l'horizon des evenements, elle sera _peut_etre_ dans le futur, alors que lorsqu'on l'a passe, elle va etre ineluctablement dans le futur, vu qu'on ne pourra de toutes facons pas ressortir, et de plus en plus difficile a localiser, vu l'augmentation demesuree du gradient gravitationnel.
Elle n'est même plus localisée du tout.
Imaginons que toi et ta chambre, vous faisiez le voyage :
- par la fenêtre, de loin, tu "vois" l'horizon devant.
- au moment où tu passes l'horizon, il te semble que l'horizon n'est plus seulement devant mais qu'il t'enveloppe de plus en plus, et quand tu es passé c'est qu'il t'a complètement entouré.
- ensuite, les murs de ta chambre se rapprochent (c'était déjà un petit peu le cas avant d'entrer). Et quand tu es réduit à un point, t'es arrivé à la singularité, mais elle n'est nulle part spatialement, c'est un évènement futur.
vu que l'espace-temps se contracte,
C'est l'espace (c'est à dire la tranche d'espace de la particule) qui se contracte, pas l'espace temps. La relativité générale considère que l'espace temps est déterminé une fois pour toute, passé, présent, futur (qui de toute façon ne sont pas absolus), l'espace temps complet est un truc qui ne bouge pas.
je sais pas, ca doit logiquement devenir "fuzzy", et ou on divise par zero et ou on est englobe par la singularite de facon indefinie
(j'aurais pas du boire autant de bieres ce soir
))

Ben la singularité c'est un peu comme un bord de l'univers : on y arrive, et puis hop, ya plus.