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prehistoLe 04/01/2009 à 22:37
very (./10102) :
Prehisto (./10097) :
Bof. "Primitif", "naturel", pour moi tout ce qui est issu de la pensée n'est pas naturel. Par conséquent, la morale ne peut pas l'être. Primitif ... pas sûr, il me semble que le constat de Lévi-Strauss sur les sociétés primitives est que leur seul point commun est le rejet de l'inceste (ce qui est assez restreint comme vision du "mal").


Les anthropologues, ethnologues, sociologues te montreront surtout que *tout* groupe possède une "morale" interne. Plus ou moins construite intellectuellement. Qui répond globalement à des besoins sensiblement identiques (naturels) à un stade de développement technique semblable. Mais elles peuvent biensur avoir des différences notables (même à dev. technique égal): l'homme peut trouver différentes solutions aux même problème, plus ou moins adapté à son environnement..
Y'a quand même certains problèmes qui trouvent une solution évidente, et donc souvent partagé par toutes les morales (genre: "sauf exception légale (justice,sacrifice divin, ..) tu ne tueras pas, violeras pas la femme de ton voisin, ne voleras pas, etc. " )
D'autres problèmes (famille, couple, rapport au religieux, à l'individu, appartenance, structure de la famille, ..) ont trouvé des solutions très différentes...

C. LS, avec son structuralisme, montre justement l'incroyable unité "de fond" ( au sens: c'est la même chose à une permutation près, ça répond aux mêmes besoin, rempli le même rôle. Pour toile de fond: mêmes besoins et même cerveau => choses semblables... ) de bien des aspects culturels (notamment les mythes, supports de la morale ) de groupes très différents...

Mais le plus convainquant, c'est le raisonnement par l'absurde: vu que l'homme est un animal social incapable de vivre seul, il *doit* vivre en groupe. Et le groupe sans aucune morale commune, ça donne qqch d'intenable. Les plus forts prennent le pouvoir. Les règles vont se créer de fait. Mais sans morale (l'acceptation et l'intériorisation de règles sociales définies ), les plus faibles se révoltent, agissent contre l'intérêt du groupe, se barrent ailleurs, contestent à la première occasion, ça risque d'imploser... ton groupe est sous-performant... Alors que si t'as une morale et un groupe un minimum soudé, ton groupe va être 10 fois plus fort, par ce que tu peux faire confiance à l'autre, croire en l'autre, par ce que ça ne va pas passer son temps à s'entre-tuer, ...

Pour faire plus dans la psycologisant, j'ai l'impression qu'au fond la morale vient de la compassion: pas le fait de voir du Bien dans l'autre, mais le fait de se reconnaitre dans l'autre (notion de semblable... ça donne vite le groupe) et donc quand il souffre on se rappelle nous souffrant, etc..
Les enfants offrent un bel exemple: jeune, ils sont totalement amoraux, peuvent tuer un animal ou un camarade sans même s'inquiéter, persécuter les copains, etc. A 20 ans ils sont bien plus éduqués: ils ont soufferts eux-même, mais se rendent compte surtout que l'autre ressent la même chose que toi, que c'est un semblable...

Bon après y'a différents "niveaux" de la morale, et bien sur ça a une nature très mémétique, ça bouge avec les idées, ça peut se construire intellectuellement, etc. Mais ça repose, au fond, sur un impératif presque biologique, sur la nécessité du bon fonctionnement du groupe composé de gens intelligents et a priori autonomes..
Quand Houellebecq prévoit un futur où chaque homme est absolument isolé alors que précédemment il annonçait le mort de de tout rapport social, ça peut se lire comme ça: l'individu qui par le progrès technique a enfin réussi à se débarrasser de cette contrainte du vivre-ensemble.

Tu illustres bien ce que je disais : la morale n'a rien de naturel, c'est une création humaine (cf. ton exemple des enfants, qui, jeunes, et donc dépourvus de toute éducation, règles et autres contraintes morales, sont totalement amoraux, capables de faire le bien comme le mal sans s'en rendre compte).
L'impératif reste presque biologique, ça reste fondé sur la notion de société (et de sa création par l'homme), aussi primitive soit elle.

Pour en revenir au débat de départ (la morale est-elle issue du sens commun ?) je maintiens ma réponse "non", d'autant plus que les règles morales peuvent varier d'une communauté à une autre.