iwannabeasushi (./869) :
Enfin le libéralisme, ce n'est pas que de l'économie. C'est avant tout un mouvement philosophique, celui des Lumières, et c'est aussi ce même libéralisme que l'on retrouve dans notre droit avec la présomption d'innocence et la détention comme exception notamment. Alors taxer le libéralisme de vacuité d'idée, c'est ou de l'ignorance ou de la mauvaise foi.
À noter que dans ce sens là, tu n'es pas libéral.
C'est montrer une méconnaissance du fonctionnement des institutions européennes.
On s'en fout un peu du fonctionnement des machins européens (sauf pour ceux dont c'est le métier).
Pas besoin de plonger dans les subtilités du politburo ou de tel ou tel organe du Parti pour comprendre le fonctionnement de la Russie soviétique.
Ce qui marche le moins bien, ce sont les processus intergouvernementaux, où chaque pays fait primer ses intérêts domestiques à l'intérêt commun, et au final tout le monde y perd. Les votes à l'unanimité à 27, ça n'a jamais été un franc succès. Et même lorsque tout le monde est d'accord, on en trouve un pour prendre un vote en otage car il est opposé à une autre directive et essaye de négocier un accord d'un côté en échange de concession sur un autre sujet. Bref l'intergouvernemental, c'est le grand marchandage.
En fait ce sont les coopérations gouvernementales entre petits groupes de pays qui sont à l'origine des *seules* réussites européennes en matière industrielle (ariane, airbus...). C'est parce les traités interdisent subventions et coopérations renforcées (sauf sous des conditions délirantes) que l'Europe n'a pas créé d'innovation similaire depuis des lustres.
Ben oui, l'économie libérale aime les mécanismes perdant perdant
Mieux vaut dire néo-libérale, ou néo-classique : l'économie libérale est très vaste et admet bien d'autres modèles. List, Keynes, le protectionnisme, sont d'autres variantes de la pensée libérale.
Mais oui, bien entendu, tout est très simple. Quand on empêche un pays A de subventionner son industrie et un pays B à côté de faire de même, on empêche arbitrairement l'investissement, c'est une règle du jeu perdant-perdant décrétée au nom d'une idée de l'équité trop tordue pour être honnête.
Alors que justement c'est plutôt l'inverse puisqu'elle cherche à maximiser la production de valeur ajoutée...
Tout à fait, c'est une économie de l'offre.
Or tous les penseurs sérieux depuis plus d'un siècle ont compris (et conceptualisé sous différentes formes) que le problème fondamental du capitalisme, c'est l'insuffisance structurelle de la demande, pas du tout de l'offre.
Depuis les années 70-80, l'économie néolibérale n'a pu progresser, bon an mal an, et malgré bien des souffrances sociales, que grâce à deux régulateurs :
- le gouffre industriel américain, incapable de produire pour la demande nationale, et qui génère donc une demande mondiale et sert de régulateur keynésien involontaire à la planète.
- la "créativité" financière, c'est à dire essentiellement des techniques sexy de trucage de comptes et de création de fausse monnaie.
Bien entendu un tel système, qui déséquilibre l'offre et la demande, les échanges internationaux, les systèmes financiers et monétaires, tout en organisant des méthodes d'esquive de ces déséquilibres, n'est pas tenable sur le long terme.
30 ans après on récolte les montagnes de dettes, les bulles en séries, les instabilités monétaires et financières, et de l'autre côté on a un tissu industriel délabré et un monde du travail pressuré et révolté.
Quelle efficacité propose tu ?
Le seul cadre économique (au sens large) qui ait montré son efficacité, c'est l'économie listienne et keynésienne, avec protectionnisme éducatif, intervention de l'état et forte régulation financière (notamment séparation des banques d'investissement et de dépôt).
Celle des dictatures ?
=> école maternelle.
Tous les pays du monde se convertissent au libéralisme économique, en commençant par le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine.
Attention à nouveau à ne pas confondre libéralisme, dans lequel on peut mettre tout et n'importe quoi, et néolibéralisme, ce qui est beaucoup plus spécifique.
La Russie n'a vraiment adhéré au modèle néolibéral que dans les années 90, et ce fut une catastrophe immédiate. Depuis elle est sortie de sa crise par des méthodes non conventionnelles. Aujourd'hui elle a un système économique particulier qui ne saurait être assimilé au néolibéralisme ou à la théorie néoclassique.
La Chine doit au système néolibéral une situation de déséquilibre absolument catastrophique, à tel point qu'on peut se demander si les dirigeants chinois ont vraiment acquis une rationalité économique ou s'ils sont en train de jouer à un nouveau Grand Bond en Avant.
Je ne me prononcerai pas sur les autres émergents, mais à mon avis il ne faut pas s'attendre à les voir s'engluer dans nos dogmes économiques périmés. Ces nations jeunes et pragmatiques nous dépasseront de la même façon que l'Allemagne listienne a dépassé l'Angleterre libre-échangiste au tournant du XXième siècle. À l'époque l'Angleterre, économie mondiale dominante et fatiguée, n'a pas su réagir face aux économies émergentes et est resté coincée dans ses présupposés idéologiques ; saurons nous nous secouer?
Bah, je ne cherche pas à briser des réalités nationales et culturels, mais je suis assez étonné par ta croyance en l'Etat nation comme fin de l'Histoire. Car c'est bien de ça qu'il s'agit. Tu considères que l'on a atteint le modèle ultime, et que l'Histoire en restera là.
Ben non, je ne crois rien de tout cela.
J'ai une vision mémétique, et donc pragmatique, des évolutions culturelles. Ayant vécu dans une époque anti-nationiste, je n'ai pu reconsidérer la nation qu'après l'avoir entièrement déconstruite.
La nation n'est ni le début du la fin de l'Histoire, on constate simplement sa permanence : sa fin n'est pas de notre époque. Nous n'avons pas plus le pouvoir de changer cette réalité là que les communistes n'avaient celui de créer une société nouvelle. De plus, avec l'émergence et la réémergence des géants russe, chinois, indien, et de tous les anciens pays du tiers-monde, nous assistons au niveau mondial à un renouveau de l'idée nationale, de la prospérité économique et de la souveraineté. Sur les 9 milliards d'humains que comptera le monde, nous sommes moins d'un milliard à vivre dans des nations assoupies et bientôt rattrapées. Il faut se rendre compte à quel point le dépassement de la nation, qui est bien peu avancé chez nous, est carrément inexistant dans le monde.
Parce que toi tu ne penses pas être aveuglé par ta vision "patriotique" et souverainiste (ce qui est quand même d'un conservatisme rare) ?
Oui bien sûr, je m'attendais à "c'est çui qui dit qui y'est".