./354 Je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir une symétrie entre des personnages si différents. Et leurs parcours ne sont similaires que très superficiellement.
Parmi tout ce qui sépare ces deux refondateurs de la droite, le général était un fabricant d'Histoire, l'un des quelques génies capables de comprendre son époque et de façonner son époque. Il en était sans doute si conscient qu'il a préféré partir quand l'époque lui a échappé. Pétain n'a jamais eu cette stature. Lui aussi en était certainement conscient. C'est son orgueil et l'amertume de n'avoir pas été le seul à jouir de la gloire de la première guerre mondiale qui l'ont poussé à installer sa dictature pendant la seconde. Et pourtant il est resté l'esclave de l'Histoire... La Révolution nationale était une stupidité sans nom. Au delà de toutes les dérives auxquelles elle a mené, et qui n'étaient pas prévues dans le programme initial, c'est ça qu'on peut lui reprocher en premier : l'idiotie d'une politique qui n'avait aucun sens. Conduire un renouveau national sous l'ombre des fusils allemands ne pouvait mener nulle part : ou l'Axe gagnait la guerre et tous ces cathos conservateurs ranplanplan seraient balayés et remplacés par de vrais nazis, ou les démocraties finissaient par vaincre et son régime était sans avenir. C'est une évidence que seul pouvait ignorer un vieillard sentant venir la mort, incapable dans son orgueil de se projeter au delà des quelques années qui lui restaient.
Bref, dans le fond la première chose reprochée à Pétain, c'est la
bêtise, et dans une guerre la bêtise est un crime. Alors que son rival a l'aura d'un faiseur d'Histoire.
L'autre cause de cette dissymétrie, c'est bien entendu les différences entre les personnages, les différences profondes entre leurs valeurs. Résumer leur idéologie comme "issue du nationalisme maurassien" est tout à fait aberrant. Ces deux personnages sont les chefs de file de deux droites radicalement opposées, l'appel du 18 juin valant bien le congrès de Tour dans la catégorie schismes politiques. Il n'y a pas tellement besoin de détailler : la droite gaulliste transporte des valeurs de liberté et d'égalité, la droite pétainiste de hiérarchie et de soumission ; la seconde étant, en France, structurellement perdante mais toujours renaissante.
Quant à l'aspect moral... Les gaullistes eux-mêmes font semblant d'y croire. Il y a dans le gaullisme une volonté éducative (et après tout, il ne se distingue en rien sur ce point des trois autres grandes idéologies françaises du siècle précédent - droite catholique, anarcho-communisme, sociale-démocratie). Cette volonté est tout à fait consciente et assumée dans les Mémoires de Guerre. Il s'agir d'offrir aux français, qui ont failli, une figure exemplaire, un conte moral et une histoire nationale. Est-ce bien différent d'un catho qui trouve dans la morale chrétienne une critique de l'argent, ou d'un ouvrier qui trouve dans l'eschatologie communiste un guide pour sa vie? Le gaullisme est une idéologie comme toutes les idéologies...
Bon sinon Robespierre est un géant et la Révolution française est l'événement le plus important depuis l'avènement du christianisme
