11Fermer13
HippopotameLe 22/07/2009 à 17:13
very (./11) :
Ce qui va distinguer les totalitarismes des autres régimes, c'est le fanatisme, l'absolutisme dans cette nouvelle religiosité.

Pas d'accord du tout. Certes, le totalitarisme en action est toujours un fanatisme. Mais la réciproque n'est pas vraie.
Genre, le franquisme est un fanatisme sauvage, mais n'est pas totalitaire. Le fanatisme n'est pas un critère pertinent pour comprendre la mécanique totalitaire.
(donc, en un certain sens, les totalitarismes sont les formes "achevées" des idéologies modernes, les plus complètes et cohérentes )

Pas plus que les autres.
La Grande Nation, ou la IIIème République et son laïcisme ; la conquête de l'ouest et la Destinée Manifeste ; l'épanouissement de la social-démocratie scandinave, sont aussi des idéologies mûres et cohérentes.
( avec par exemple cette même interdiction de l'église, etc. )

La Révolution proclame la liberté de conscience en 1789. Il n'y a certainement pas d'interdiction du christianisme (sans quoi ils n'auraient pas mis en place de constitution civile du clergé...). Il y a un bref épisode de lutte contre toute les églises (y compris constitutionnelle) en 1793, vue comme supports de l'ancien régime, ces excès seront étouffés par des lois garantissant la liberté de culte, ainsi que par le bref épisode de l'être suprême toussa.

En revanche il y a bien tentative d'extirper l'Eglise, comme organisme de contrôle social de l'Ancien Régime, de la vie publique. La frontière entre la liberté de conscience et le démantèlement de cette autorité bureaucratique oppressive est parfois mince, elle sera franchie à bien des reprises, mais le mécanisme de la Constitution civile du clergé témoigne des bonnes intentions de l'Assemblée Constituante.
on la retient parce que cette citation est.... énorme.

Bof.
Même en démocratie, quand on est en état de guerre ou de subversion, les dirigeants sont amenés à prendre des positions dures.
Those who deny freedom to others deserve it not themselves, and under a just God can't keep it.

L'innovation par rapport à l'ancien régime consiste plutôt en ce que le peuple devient une entité politique qui a une importance, et même d'où découle toute légitimité.
C'est un discours de guerre

De fait, la France est en guerre depuis avril 1792, et les monarchistes s'identifient aux coalitions européennes. Il y aura des débarquements militaires français en France pour renverser le régime.
On a enfermé et tué en masse, pour des raisons idéologiques.

Le nombre de victimes de la Terreur est comparable à celui de l'épuration sauvage en 1945 (les deux périodes me semblent pouvoir être mises en parallèle).
Ce n'est pas comparable au volume totalitaire, qui veut sculpter la société nouvelle en effaçant x % de la population.

La publicité de l'exécution montre aussi une grande différence avec la pensée totalitaire. Elle contribue, même deux siècles après, à magnifier l'horreur (d'autant plus que la loi du 22 prairial abolit les tribunaux révolutionnaires en province et les condamnées doivent monter à Paris), mais le débit est très faible comparé aux secrètes et massives usines de mort totalitaires, qui effacent les hommes en silence.

Enfin, il n'y a pas comme au XXième siècle de mécanisme de déshumanisation des condamnés, Louis XVI est condamné en tant que "citoyen Louis Capet", on veut plutôt en faire un français comme les autres.
Bref, peut-être pour la simple raison que c'est le premier régime moderne "violent", la Terreur va préfigurer pas mal d'éléments du totalitarisme.

Et bien si tu veux.
Mais je suppose que tu te rends compte que c'est extrêmement faible? Le premier machin moderne truc va préfigurer les machins modernes bidule ultérieurs, soit.
Sauf que c'est une invention totalement nouvelle... Il y a toujours eu des ennemis au pouvoir à l'intérieur du pays....

Non, la lutte politique était absolument originale. Depuis combien de temps la France n'avait-elle pas connue de subversion dont le but était de renverser le régime lui même? Même dans le chaos des guerres de religion, les huguenots n'avaient nullement pour but de renverser la monarchie, mais plutôt de s'imposer au roi, ou d'imposer leurs rois. Aucune jacquerie n'a jamais théorisé de changement de régime. La Fronde ne comptait pas supprimer le trône.
l'expression « ennemis de l'intérieur » signifie que tout comme des ennemis externes, ces gens sont fondamentalement contre la France.

De fait, la contre révolution (dans l'ensemble) considère qu'une défaite française, y compris avec pertes territoriales, est acceptable pour un changement de régime. La famille royale a manœuvré en ce sens. Elle considère avoir un lien affectif plus important avec l'aristocratie européenne qu'avec la nation française politiquement constituée (C'est un classique de l'histoire de France, de la trahison de Bazaine à la "divine surprise" de Maurras).

C'était d'ailleurs un mème commun, qu'on a un peu oublié aujourd'hui. Dans l'historiographie de l'époque, le tiers état est sensé descendre des gallo-romains, et l'aristocratie des envahisseurs francs. On retrouve sous la plume de l'abbé Sieyes : "Mais le tiers ne doit pas craindre de remonter dans les temps passés. Il se reportera à l’année qui a précédé la conquête ; et puisqu’il est aujourd’hui assez fort pour ne pas se laisser conquérir, sa résistance sans doute sera plus efficace. Pourquoi ne renverrait-il pas dans les forêts de la Franconie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants et d’avoir succédé à leurs droits ? La nation, alors épurée, pourra se consoler, je pense, d’être réduite à ne se plus croire composée que des descendants des gaulois et des romains."
Bref, ce serait des gens à l'intérieur du pays qui seraient résolument décidé à agir et lutter contre leur propre pays dans l'absolu...
En pratique, « ennemis de l'intérieur » désigne des dissidents politiques qui sont en général pour leur pays mais contre le régime en place.

Ce n'est pas le cas (d'une bonne parte) des contre révolutionnaires. Ou disons qu'ils n'ont pas encore le concept moderne de pays, de nation. Ils sont loyaux à la France identifiée à la maison royale, mais ce n'est pas la France organique, ça n'inclut pas le peuple dans sa conception moderne.
Cette notion d'ennemis de l'intérieur est caractéristique de ces mouvements au fond religieux fanatiques: on la retrouve dans les totalitarisme, et aujourd'hui encore dans une partie de l'extrême-gauche et une grande partie de l'extrême-droite.

Bof bof bof.
Ni l'extrême gauche ni l'extrême droite ne sont fanatiques aujourd'hui.
À titre purement personnel, je considère par exemple qu'un merveilleux réactionnaire comme Joseph De Maistre participe plus à la grandeur et au rayonnement de la France qu'un bouffon comme Robespierre.

A vrai dire je considère Robespierre comme une sorte d'homme politique idéal, vertueux (effectivement "incorruptible"), qui combine le talent rhétorique, le talent gestionnaire, et en même temps la capacité d'agir ; l'homme à choisir pour naviguer en des temps troublés. Jugement quand même tempéré par sa fin précoce, on n'a pas pu voir ce qu'il aurait donné sur le long terme. Sur sa fin je rejoins le jugement de Napoléon : « Robespierre a été culbuté parce qu'il voulait devenir modérateur et arrêter la Révolution. Cambacérès m'a raconté que, la veille de sa mort, il avait prononcé un magnifique discours qui n'avait jamais été imprimé. Billaud et d'autres terroristes, voyant qu'il faiblissait et qu'il ferait infailliblement tomber leurs têtes, se liguèrent contre lui et excitèrent les honnêtes gens soi-disant, à renverser le "tyran", mais en réalité pour prendre sa place et faire régner la terreur de plus belle »