Disparition de François Chappé, citoyen du monde
Maître de conférences à l'UBS, François Chappé était une figure de la vie politique et sociale à Lorient. Il est décédé dimanche à 60 ans, après trois ans de lutte contre la maladie.
Cette nécrologie n'est pas facile à rédiger. François Chappé était mon ami. Ou, plus modestement, j'étais fier de compter parmi ses amis. Comme le dit avec beaucoup de justesse Loïc Le Meur, autre proche, « François nous donnait toujours plus que nous ne pouvions lui apporter. Il nous aidait à être plus vrais et plus conscients de la complexité du monde ».
François Chappé, citoyen. Rarement un homme aura autant mérité d'être ainsi défini. Et ce citoyen n'était pas un donneur de leçons. Seulement, par sa vaste culture, par son esprit critique et réfléchi, par son humanisme, il savait remettre en perspective les événements du jour, en mesurer la portée réelle, en analyser les conséquences avec une clairvoyance rare.
Maître de conférences à l'Université de Bretagne-Sud, il fut (avec Gérard Le Bouëdec) l'un des pionniers de l'enseignement supérieur en Lettres à Lorient. Il a laissé à ses étudiants le souvenir très fort d'un enseignant rigoureux et chaleureux, aux qualités pédagogiques soutenues par un véritable talent d'orateur. Ce talent, il le mit aussi au service de l'Apéro Philo, dont il fut l'un des animateurs réguliers pendant neuf ans. Sa dernière intervention, en janvier, avait été à l'image de ses cours : fine, drôle, solide sur le fond et brillante dans la forme. A l'écouter, on se sentait plus intelligent, comme s'il insufflait à son auditoire une partie de son exigence intellectuelle.
Avant d'arriver à Lorient, il fut notamment le directeur de la Bibliothèque universitaire du Mans. Sa thèse de doctorat sur « Paimpol et la pêche à Islande » avait provoqué de vifs débats en raison de son approche novatrice du sujet. Ce n'est pas un hasard si Jean-Yves Le Drian, son ami depuis la fac d'histoire, l'avait appelé au ministère de la Mer, pour s'occuper du patrimoine maritime.
Il rêvait d'une société...
Il serait dommage de réduire François Chappé au statut d'intellectuel de référence. C'était aussi un ami d'exception, à l'aise avec tous, quel que soit le niveau d'études de ses interlocuteurs. Il écrivait des pièces de théâtre, jouées l'été dans sa maison de Paimpol, qui tenaient de la farce et du Père Ubu, de la provocation estudiantine et de l'humour à la Pierre Dac. Intarissable sur le cyclisme (« Qui a fini troisième du Tour de France 47 ? », Hé bien, il savait !), supporter convaincu du FCL, il a peut-être mérité de figurer au Guinness Book comme tennisman : il a participé 42 années de suite au même tournoi, pas Roland-Garros, celui de son cher Paimpol.
François aimait la vie et il aimait les gens. Il rêvait d'une société plus juste, plus solidaire, plus libre. C'était un citoyen du monde, qui oeuvrait pour que nous allions tous vers un monde de citoyens.
Et puis, mon pote, qui va maintenant venir à la rédaction en demandant d'un air narquois : « Est-ce qu'il est là, le vieux chauve · » Oui, il est là, en train de pleurer sur son clavier.
Yann LUKAS.
Ouest-France