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Alice et Julien

Ils trottent menus, à petits pas. Se parlent à voix basse. Ont des gestes de porcelaine, des regards de bonté.
Leurs sourires plissent leurs visages de mille sillons d’or. Leurs yeux rieurs et diamantés font voir les étoiles qui reluisent au fond de leurs prunelles. Leurs cheveux, gris et clairsemés, leur font un toit de chaume. Et leurs mains, fines et veineuses, lorsqu’elles se dénouent, ressemblent à des vagues marines.
Ils veillent tendrement l’un sur l’autre. Ils sont enlacés, tendus, noués, comme le seraient deux branches au même pommier fleuri. Ils sont fragiles et pourtant forts. Et grands, bien que minuscules. Ils sont à la fois l’ombre et la lumière. Deux barques amarrées au même quai.
S’il arrive à Alice (70 ans) de tomber, Julien (77 ans), qui est petit, la prend dans ses bras, elle qui est plus petite que lui. À ses yeux, il devient alors un géant. Aux siens, elle n’est plus qu’un petit oiseau niché au creux de ses bras comme dans un nid.
Ils ont mille ans et pourtant leur amour est encore jeune. Pour toute éternité.
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La vraie vie est ailleurs
— Arthur Rimbaud