The_CUrE Le 01/11/2014 à 00:55Edité par The_CUrE le 01/11/2014 à 14:46 I. La déconstruction
La déconstruction est un vieux concept, Schopenhauer en parle indirectement dans L'art d'avoir toujours raison en proposant de pousser la thèse adverse jusqu'à l'extrême, jusqu'aux contradictions les plus intenables. Pousser la thèse adverse jusqu'à l'absurde pour en faire ressortir les incohérences est une vieille tactique qu'on retrouve depuis toujours (la dispute entre Saint Anselme et Gaunilon sur la preuve de l'existence de Dieu par exemple, et même dès Socrate et Platon).
Elle trouve un nouveau sens avec Heidegger, qui la nomme en allemand Abbau (ce qui veut dire litéralement déconstruction, bauen veur dire bâtir, construire, et ab- veut dire "vers le bas" ou "dé-" en tant que préfixe). Il trouve ce terme en essayant d'appliquer son bagage phénoménologique, hérité de son travail avec Husserl, à l'histoire et au temps (ses grandes obsession, quels sens ont-ils vis-à-vis de l'étant, du Dasein -l'existant, litéralement l'Être-là), en en faisant une réduction, non pas juste pour trouver l'εποχη, mais pour remonter jusqu'à elle. Il ne s'agit pas de détruire, mais de démonter pièce par pièce pour pouvoir remonter ensuite (on peut comparer ceci au bricoleur qui démonte un appareil en prenant soin de pouvoir le réparer à l'identique).
Petit point de phénoménologie: Husserl cherche à atteindre l'instant 0 de la conscience du phénomène, le moment de la donation primordiale, le phénomène dans sa phénoménalité, quand il se donne à ma conscience et quand ma conscience lui donne son sens. La réduction consiste à dépouiller le phénomène des souvenirs (la rétention) et des anticipations (la protention), afin d'en arriver à l'origine de la perception dudit phénomène, la donation (Gegebenheit) dans cet instant 0, qu'il appelle l'εποχη (êpokê -la mise entre parenthèses). Mais là où Husserl veut en faire une annihilation complète du monde et du temps pour ne garder que la conscience et sa double donation avec le phénomène, Heidegger lui veut présenter ce rebours, d'où sa déconstruction.
Passons maintenant à la philosophie française d'après-guerre, plus précisément de la fin des années 60 et du début des années 70, avec Jacques Derrida. Il emprunte à Heidegger la déconstruction, mais lui apporte un nouveau champ, la critique littéraire. Il s'agit ici non plus de se limiter à ce que dit un texte, mais d'aller farfouiller dans les non-dits, les sous-entendus contextuels, culturels, syntaxiques et ainsi de suite. Ainsi chercher dans le texte son contexte et ce qu'il nous dit de lui-même et de l'époque qui a permis son apparition. Les analyses littéraires faites jusqu'au bac, qui s'obsèdent avec les assonances, allitérations, métriques et figures parfois sans jamais parler des images-mêmes conjurées par les tournures sont des commentaires déconstructivistes.
Ainsi, la déconstruction héritée de Derrida et Heidegger pose comme principe qu'on va chercher non pas ce qui est dit, mais ce que ça dit du message.
Cette notion est très utilisée en sociologie. Prenons un exemple simple: la présence de plus en plus inévitable des téléphones portables. Une lecture positiviste de ce fait de société dirait que c'est normal, tout progrès finit par se démocratiser, c'est mieux qu'avant, tout le monde communique avec tout le monde, on est plus libres, plus réactifs, il n'y a plus de temps d'attente ou de doute.
Une lecture déconstructiviste regarderait dans quelles conditions s'est faite cette "démocratisation", comme dit la comm' officielle, et chercherait de qui est venue l'impulsion de l'apporter au grand public, du contexte d'origine, et de ce que ça nous dit de la société actuelle. On verrait alors comment ce sont les diplomates et le business, à la suite du téléphone satellite militaire, qui ont poussé, et que cette désormais porosité entre soi, la société, le travail, le temps, mène aujourd'hui à une omniprésence de l'écran et du téléphone, au détriment du silence, du soi, et du contact avec l'autre, qui finit par s'opérer par le truchement de l'accessoire, et non plus face à face, avec le silence entre les communications, qui permet de penser.
Peu importe que vous soyez d'accord ou pas avec ces thèses, il s'agit d'exprimer les mécaniques de la déconstruction face à l'explication utilitariste (celle des experts PR média).

"- Nigga you know what the fuck I want, nigga: I want your motherfuckin' Daytons, and your motherfuckin' stereo! And I'll take a double burger with cheese!
- WHUT?"
I LOVE TO HATE/I HATE YOUR LOVE -AND I CAN'T FEEL AFFECTION FOR PEOPLE LIKE YOU!
CAALGOOONNNNN [TELLMESOMETHINGIDONTKNOW SHOWMESOMETHINGICANTUSE PUSHTHEBUTTONS CONNECTTHEGODDAMNDOTS] (Si Dieu existe il doit me détester...)