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"Horus, prince du soleil" : naïfs et émouvants, les premiers élans épiques de l'animation nippone
LE MONDE | 03.02.04 | 14h12
Trente-cinq ans après sa sortie au Japon, la découverte d'une œuvre fondatrice d'Isao Takahata , qui annonce les grands dessins animés du studio Ghibli.

Voilà un dessin animé plein de ressources. Il y a le prime abord : l'histoire d'un jeune garçon qui acquiert une épée magique et qui traverse des épreuves initiatiques, un conte un peu naïf qui séduira les plus jeunes. Il y a aussi l'histoire du film Horus, prince du soleil, réalisé par Isao Takahata (avec la collaboration du jeune Hayao Miyazaki), premier long métrage de l'histoire du cinéma d'animation japonais à dépasser les limites de l'amusement enfantin, en d'autres termes, un jalon de l'histoire du cinéma mondial. Plus tard, les auteurs du film se ligueront pour acquérir leur indépendance en créant le studio Ghibli.

Le film a été produit en 1968 par le studio Toei, et sa conception fut marquée par des affrontements violents entre créateurs et gestionnaires. Ces derniers ont eu le mérite d'avoir cédé assez de terrain pour qu'Horus appartienne à cette catégorie d'œuvres d'art qui transcendent un modèle quasi industriel pour le faire entrer dans la beauté.

Curieusement, la beauté d'Horus préfigure plus l'univers de Miyazaki que celui de Takahata. Ce dernier est un cinéaste à l'aise dans la description de la vie quotidienne (fût-elle apocalyptique, comme dans son chef-d'œuvre, Le Tombeau des lucioles, chronique déchirante des derniers mois de la seconde guerre mondiale au Japon). Or, on découvre dans Horus un univers épique dans lequel les forces du cosmos et de la nature prennent l'apparence de créatures magiques avec lesquelles les humains doivent apprendre à vivre en bonne intelligence, sous peine de défigurer le monde.

Cette vision, Hayao Miyazaki l'a portée très haut dans Princesse Mononoké, dessin animé animiste, dont Horus est comme la prophétie. Certes, l'animation reste parfois sommaire et les humains se tiennent aux frontières de la mièvrerie, avec leurs traits mal différenciés. On peut de toute façon trouver un charme certain au statut hybride du graphisme, qui emprunte par moments à l'univers des robots (les méchants sont des humains qui semblent sur le point de se transformer en machines), et à la naïveté de certains artifices de scénario.

VISION HUMANISTE

Mais ces imperfections ne sont que les témoins des origines humbles du film (issu d'ateliers produisant des dessins animés au kilomètre pour la télévision et le cinéma). Ce que l'on retient d'Horus, prince du soleil, c'est le syncrétisme étrange qui mêle des thèmes graphiques issus des cultures nordiques et slaves aux figures du chamanisme d'Extrême-Orient. C'est la fougue épique qui anime les grandes séquences d'affrontement. C'est le mystère profond qui entoure le principal personnage féminin et, enfin, c'est l'affirmation d'une vision humaniste, à laquelle resteront fidèles à la fois Takahata, peintre de la vie quotidienne du Japon (Mes voisins les Yamada, Shie la petite peste) et Miyazaki, explorateur audacieux de mondes nés d'une imagination nourrie de toutes les cultures.

En 1968, Horus, prince du soleil promettait que le dessin animé japonais serait un jour en mesure de prendre la relève de ses aînés occidentaux. Il est assez émouvant de découvrir ce serment bien après en avoir éprouvé les conséquences.

Thomas Sotinel

Dessin animé japonais. (1 h 22.) • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 04.02.04