jeudi 19 février 2004, 15h41
Le parti des abstentionnistes, vainqueur annoncé des régionales
PARIS (AP) - Début février, 56% des Français se disaient "peu" ou "pas du tout intéressés" par les élections régionales, selon un sondage TNS-Sofres. A un mois du premier tour, le parti des abstentionnistes s'annonce déjà comme le futur grand vainqueur du scrutin, traditionnellement peu mobilisateur.
Depuis la tenue des premières élections régionales il y a 20 ans, le taux d'abstention a gagné 10 points à chaque scrutin: de 22,1% en 1986, il est passé à 31,4% en 1992, pour bondir à 42,3% en 1998. C'est, certes, encore loin des 69,28% d'abstentionnistes recensés lors du référendum sur le quinquennat en 2000, mais cette "tendance lourde" devrait une nouvelle fois se confirmer en mars prochain, selon Brice Teinturier, directeur du département politique-opinion de l'institut de sondage TNS-Sofres. "On peut déjà parier sur une abstention supérieure à celle de 1998", avance-t-il.
"Ce sont des élections dont les citoyens ne savent pas vraiment à quoi elles servent", souligne le député UDF de la Seine-Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde, à l'origine avec Lionnel Luca (UMP, Alpes-Maritimes) d'une proposition de loi sur l'inscription automatique sur les listes électorales. Vingt ans après les premières lois de décentralisation, "les compétences des régions sont encore floues dans l'esprit des gens", note-t-il.
Sans oublier "une certaine morosité ambiante" des électeurs, mécontents du gouvernement sans que la gauche ne les attire vraiment. Pour 58% des Français, le Parti socialiste n'a pas de réelles propositions alternatives face au gouvernement, selon un sondage BVA rendu public le 10 février.
Et les appels des responsables politiques au civisme ne devraient pas vraiment changer la donne. "La première obligation civique, c'est d'aller voter", rappelait récemment le Premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande. Lors de la seule incursion qu'il ait faite sur le terrain des régionales, le président Jacques Chirac a également souhaité début janvier que les Français aillent "voter en nombre et dans un esprit de responsabilité" les 21 et 28 mars. Même le Front national s'y est mis: "pour le patriote, voter est un devoir", proclame un de ses slogans.
En parallèle, certaines associations comme la Cidem (Civisme et démocratie) ont vu leurs crédits coupés par le ministère de l'Intérieur. Pour la première fois, "nous n'avons pas de budget pour une campagne télévisée" d'incitation au vote, déplore Jean-Marie Montel, délégué général de l'association, qui juge cela "ahurissant". "Rien n'est fait pour inciter à voter, et je ne comprends pas quelle en est la logique".
Faute de crédits, les électeurs reverront donc cette année les spots déjà utilisés pour la présidentielle et les législatives de 2002, diffusés gratuitement par les chaînes hertziennes et du câble. Les mairies qui le souhaitent pourront également commander des dépliants expliquant l'importance du vote et les enjeux des régionales.
De toute façon, "je n'ai pas vu une grande mobilisation de cette association ces dernières années pour faire voter", rétorque Lionnel Luca. Pour Jean-Christophe Lagarde, il est tout simplement "ridicule d'appeler à voter". "Les campagnes d'incitation au vote n'ont pas d'efficacité. Si ce que les candidats proposent paraît crédible, les gens iront voter. Si ce n'est pas crédible, ils s'abstiendront. L'efficacité, elle est dans les mains des politiques", estime le député.
Depuis plusieurs mois, le relais est donc pris, sur le terrain, par des petites associations, pour l'essentiel portées et à destination des populations d'origine étrangère, explique Jean-Marie Montel. Si ces démarches sont "nécessaires pour que le monde politique soit conforme à la réalité de la diversité culturelle française", elles "réduisent l'incitation au vote à des questions d'intégration", regrette-t-il. AP
Ah là là, mais pour qui voter?
