Avant même que la loi sur la LEN passe, en allant sur le site d'hébergement d'Ouvaton, petite coopérative qui héberge le site du ladder j'ai été assez choqué de les voir en butte à des attaques juridiques de MetroBus sous le prétexte qu'il hébergeait un site anti-pub.
Rappel chronologique
1- je suis gros et fort donc j’intimide
Le 6 novembre 2003, Métrobus-Publicis fait porter par huissier à la coopérative Ouvaton un courrier particulièrement menaçant dans lequel il est demandé à l’hébergeur de cesser immédiatement l’hébergement du site stopub.ouvaton.org ainsi que de communiquer les coordonnées de ses auteurs. Ce courrier évoque d'éventuelle Ouvaton poursuites d'Ouvaton pour complicité s’il n’y est pas donné de suite favorable.
Rigoureux dans l’application du droit, Ouvaton fait savoir à Métrobus-Publicis qu’il ne peut être répondu positivement à cette intimidation grossière. Par ailleurs, Ouvaton s’étonne que ce procédé indigne, relayé par des professionnels du droit, puisse être utilisé par une société respectable.
Différents témoignages montreront que cette pratique d’intimidation est le plus souvent couronnée de succès puisque les hébergeurs y cèdent la plupart du temps, lorsque le poids économique du plaignant laisse présager un harcèlement économico-judiciaire comme celui qu'Ouvaton a connu par la suite.
2- je suis vexé qu’on ne m’ait pas cédé donc je cogne
Alors même que Métrobus-Publicis ne s’est pas portée partie civile de la plainte contre X qu’ils ont déposés suite aux dégradations et que la procédure de l'ordonnance sur requête leur permettait d’obtenir les informations souhaitées sans assigner Ouvaton, Métrobus-Publicis demande un référé contre Ouvaton. Dans son ordonnance du lundi 1er décembre 2003, le tribunal rejette les demandes d’indemnisation présentées par Métrobus-Publicis et demande à Ouvaton de transmettre à Métrobus les informations dont la coopérative dispose. L’ordonnance indique bien qu’Ouvaton n’a pas failli et a respecté la réglementation qui s’applique à son activité (interprétation de Juriscom.net). Le soir même, Ouvaton transmet à Métrobus la totalité des informations en sa possession.
Dans cette première procédure qui aurait pu être évitée si Métrobus-Publicis n’était pas aveuglée par le désir de punir Ouvaton, « un peu responsable quand même » comme l’a dit à la presse à plusieurs reprises son PDG Gérard Unger, la coopérative a dépensé plus de 4 500 euros pour qu’au final soit reconnu qu’elle n’avait commis aucune faute et ne pouvait faire autrement que de suivre sa ligne de conduite.
3- je n’y connais rien et je suis en colère, donc je deviens de très mauvaise foi
Mi janvier, Métrobus-Publicis demande au TGI de Paris une nouvelle audience en raison de prétendues difficultés posées par les informations transmises par Ouvaton. Dans le texte des conclusions de leur avocat comme dans le Journal du Dimanche du 25 janvier 2004, Métrobus-Publicis exprime clairement l’idée selon laquelle Ouvaton aurait volontairement agi pour protéger les responsables de stopub.ouvaton.org. Ces affirmations sont mensongères et diffamatoires, elles portent atteinte à la probité de l’hébergeur Ouvaton et de ses dirigeants.
Les demandes présentées par Métrobus-Publicis expriment une grande méconnaissance du sujet. Les conclusions présentées en réponse par Marc Lipskier du cabinet Bird and Bird,l'avocat d'Ouvaton, conduisent Métrobus-Publicis à ne plus évoquer la plupart de ses demandes lors de l’audience, l’argumentation de leur avocat se concentrant sur le souhait de voir condamner Ouvaton pour ne pas avoir vérifié (comment ?) l’identité d’un de ses utilisateurs. Métrobus demandait également une condamnation d’Ouvaton pour résistance abusive ainsi que le paiement des dépends. Face à cette procédure supplémentaire et à la charge nouvelle (5 500 euros) qu’elle représente pour la coopérative, Ouvaton demandait une condamnation pour procédure abusive.
Dans le jugement, Métrobus est déboutée de la totalité de ses demandes mais la condamnation pour procédure abusive n’est pas accordée en raison des « précisions et explications que méritaient les informations fournies ». Les spécialistes du droit, de la chèvre et du choux, apprécieront l’argument permettant de justifier ce refus et se cotiseront pour transmettre au cabinet Kohn et associés, avocat de Métrobus, la littérature utile à leur instruction élémentaire.
Appel à l’aide
Ainsi, à deux reprises, le tribunal a reconnu que la coopérative d'hébergement Ouvaton n'a commis aucun acte répréhensible et s'est comportée strictement comme l'exige la loi. Néanmoins, simplement respecter le droit de la République sans céder à la loi du plus fort va coûter à Ouvaton le tiers de son chiffre d'affaire annuel !
Sauf à penser que les avocats de Métrobus-Publicis sont particulièrement mauvais, on comprend bien qu’à travers ces multiples procédures qui mobilisent inutilement temps et énergies, leur objectif est bien de sanctionner lourdement au portefeuille un hébergeur indépendant (il n’appartient qu’à ses 2 200 sociétaires) qui a eu l’imprudence de simplement respecter la loi. Ouvaton s’étonne qu’une société du groupe dont le conseil de surveillance est présidé par une personnalité telle qu’Elisabeth Badinter cautionne une telle instrumentalisation du service public de la justice. Cette situation est terriblement inquiétante car elle ouvre des perspectives de pression inadmissibles.
Forte de plus de 2 100 sociétaires, la coopérative Ouvaton a atteint sont point d’équilibre et attendait cette décision de justice pour lancer un nouveau plan d’investissements. Même si la ponction financière injustement subie pour avoir affirmé des principes de bon sens est un fardeau, Ouvaton entend renforcer plus encore son développement. La coopérative a donc besoin de renforcer son capital en toute indépendance et va demander à ses sociétaire un effort de souscription de parts sociales supplémentaires. Cet appel est élargi à l’ensemble des utilisateurs d’internet soucieux de l’application du droit.
Et demain ?
Si Ouvaton sort détroussée mais debout de cet épisode juridique, c’est parce que les intermédiaires techniques demeurent protégés par une loi juste et équilibrée. Une loi qui affirme l’indispensable arbitrage des différents entre particuliers par une justice indépendante. Mais une loi qui protège également les citoyens contre les délits dont ils pourraient être victimes par l’intermédiaire de sites web, quitte à en demander la fermeture immédiate en référé, chose que Métrobus n’a pas jugé utile de faire.
On le voit, même avec la loi actuelle, des mercenaires du droit agissent pour intimider les hébergeurs. Combien sont à même de résister à de telles attaques ? Combien de temps ? C’est bien le contexte législatif actuel, avec le projet de loi ahurissant proposé par le gouvernement, qui donne des ailes à des aventuriers du barreau, sans doute pour prendre leur part du prochain marché qui s’ouvre à eux : celui d’une justice privée sur internet, un espace dans lequel la loi du plus fort régnera.
Cette perspective n’est pas satisfaisante. Tour à tour, pour répondre à des craintes légitimes mais agitées telles des épouvantails devant des intérêts bien différents mais moins avouables, les députés de la majorité ont fait appels à deux boucs émissaires bien connus : l’Europe (qui n’a rien demandé) comme à chaque fois qu’il est question de faire avaler un texte au goût amer ; le dieu Technique lorsqu’il est question de faire prendre des vessies pour des lanternes. Le mode de régulation des conflits liés à des contenus en ligne est un sujet trop important pour qu’il fasse les frais d’un débat biaisé. C’est une question éminemment politique qui mérite d’être débattue de nouveau.
Si demain la LcEN passe, les hébergeurs n’auront pas d’autre choix que de s’incliner sans même se poser la question de savoir qui est dans son bon droit. Les tribunaux ont du mal à trancher les affaires de diffamation, de droit des marques et de propriété intellectuelle mais les députés pensent que les hébergeurs feront mieux. Ouvaton renouvelle ses protestations contre ce projet de loi qui ne fera qu’inciter les sociétés d’hébergement à fuir la France, non pas pour y héberger des contenus répréhensibles, mais simplement pour ne pas avoir à jouer un rôle qu’elles n’ont pas à tenir. Est-ce bien là le but de Nicole Fontaine, Ministre de l’industrie ?
Si le projet actuel devait être mis en œuvre, Ouvaton convoquerait en assemblée générale extraordinaire ses sociétaires afin de statuer sur les mesures à prendre, y compris les plus définitives ou exotiques
Plus d'info et pleins d'articles réelement intéressant sur le fonctionnement de la justice dans cette affaire ici:
http://metrobus.ouvaton.coop/P7
http://metrobus.ouvaton.coop/P78
chris.
chris.