En Flandre, il faudra parler néerlandais pour obtenir un logement social
LE MONDE | 10.12.05
Pour obtenir une habitation à loyer modéré en Flandre, les demandeurs devront prouver leur connaissance du néerlandais ou, à tout le moins, leur volonté de l'apprendre, selon une décision prise par le gouvernement de la région. Tout candidat à l'obtention d'un logement social qui ne parle pas le néerlandais sera dirigé vers un centre où on l'invitera à passer des tests et, le cas échéant, à suivre jusqu'à 240 heures de cours gratuits.
Présenté par le ministre (libéral- démocrate) Marino Keulen comme une mesure sociale destinée à faciliter l'intégration, cette réforme est décriée par les responsables francophones, soucieuxde protéger notamment les quelque 100 000 habitants de langue française qui vivent sur le territoire flamand, à la périphérie de Bruxelles.
Présidente de la Communauté française de Belgique, Marie Arena (PS) annonce "tous les recours possibles" contre ces "provocations". Olivier Maingain, le président du Front démocratique des francophones, parle d'une "politique d'apartheid" et même d'"épuration linguistique". M. Keulen ne "nie pas" que sa loi permettra de freiner la "francisation" de la périphérie de Bruxelles, mais ce n'est pas son but premier, soutient-il.
"DANGEREUX PRÉCÉDENT"
Une série d'organisations flamandes soucieuses de favoriser l'intégration des étrangers critiquent ce "dangereux précédent", mais pour d'autres raisons.
Il aboutira, selon elles, à remettre en question le droit au logement, alors que de nombreux propriétaires privés refusent déjà les étrangers. Certains affirment que, en fermant les portes des logements sociaux à des personnes peu aisées, la Flandre tente, en fait, de renvoyer vers les régions de Bruxelles et de Wallonie des gens qu'elle juge indésirables.
Le ministre Marino Keulen évoque un "énorme malentendu" en soutenant que les cours de néerlandais visent à inclure et non pas à exclure. C'est "une mesure sociale par excellence", affirme- t-il, rejetant toute idée de racisme et de discrimination. Ceux qui ne parlent pas la langue de la société d'accueil ne peuvent s'y intégrer, poursuit M. Keulen.
Accusé par les francophones de faire le jeu de l'extrême droite (le parti Vlaams Belang draine plus de 20 % des voix en Flandre), le ministre objecte que, contrairement à cette formation quine songe qu'à exclure, il entend donner une chance à chacun.
Cette affaire relance, quoi qu'il en soit, les polémiques institutionnelles. La Flandre a très mal accepté que les francophones refusent, il y a quelques mois, la scission de l'arrondissement bilingue de Bruxelles, ce qui a abouti à la préservation des droits linguistiques et administratifs des francophones qui vivent sur le sol flamand. Après cet échec politique, la région a annoncé qu'elle prendrait des mesures pour affirmer le "caractère flamand" de la périphérie de Bruxelles. Des municipalités ont, dans la foulée, interdit les ventes de terrains à bâtir à des non-Flamands ou empêché les affichages en français sur les marchés.
La plupart des partis de Flandre ont annoncé qu'ils remettraient la question de la scission sur la table en 2007, après les législatives. Certains responsables francophones menacent de restreindre la représentation politique flamande à Bruxelles, où le gouvernement régional est paritaire, malgré la faible proportion (10 % à 15

de néerlandophones.
Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant)