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Mes iris sur la falaise
Frissonnent dans le vent du soir
Les cormorans sur les rochers
Font sécher leurs ailes
Dans la chaleur du soleil qui décline à l'ouest
On aperçoit leur silhouette en contre-jour
Spectres immobiles
Comme un mauvais présage
Ma rêverie m'emporte sur la mer
J'aperçois les fous de Bassan
Qui pêchent dans le lointain
Il tournoient dans le ciel
Puis s'élancent tels des projectiles
Sur les bancs de maquereaux

Cette scène me ramène toute mon enfance
Enchevêtrée à ma mémoire
Inextriquable
Comme le bois de marée au gravier
Ce temps jadis avant la nostalgie
Quand j'ai appris ces lieux
Comme une bête définit son territoire

Puis il y a eu l'exil
De toute façon devenir un homme
C'est comme s'exiler
Nous regardons le monde de l'extérieur
Les échéances se précisent de plus en plus
Et toutes ces questions sans réponse
La perspective est effroiyable
À s'en crever les yeux

Est-ce que la beauté existe en soi
Ou est-ce que ce sont nos sens qui sont faits pour découvrir
Pour établir une relation entre l'être et son milieu
C'est la nature qui nous a façonnés
Et qui nous soutient depuis toujours
Au départ notre sens de l'esthétique
N'était peut-être qu'un mécanisme de survie

Au cours de leur évolution
Les animaux ont développé des comportements
Qui ont une durée dans le temps
Et qui les conduisent à des résultats
Comme s'ils planifiaient leurs actions

Les oiseaux pêcheurs sont des êtres issus de la nature
Extrêmement efficaces
Capables de se procurer l'énergie nécessaire à leur survie
Mais pourquoi seraient-ils plus importants que les poissons?
Eux aussi proviennent de la nature
Au fond, ce ne sont que des formes différentes
La vie semble explorer toutes les possibilités
De manière à conquérir l'espace
Et exister dans le temps
Mais la nature n'a pas de but ultime
Les formes vivantes aussi fonctionnelles soient-elles
Vont bientôt s'abîmer

Tout ces transferts d'énergie
De ressources
Chez l'être humain
Nous parlons d'énergie créatrice
Est-ce que la nature aurait inventé jusqu'à cela
Pour que l'on puisse à l'aide de symboles
En inventant des abstractions
Et par la pensée notionnelle
Créer l'illusion que notre être ne fait plus qu'un avec le monde
Comme la bête qui accomplit les gestes prévus par la nature
S'intègre au milieu

Nos sens et notre entendement sont avant tout des mécanismes
Nous permettant de survivre sur une planète donnée
Même s'ils nous amènent à nous poser des questions
Certaines réponses ne sont peut-être pas à notre portée

Cette réfléxion que suscite en moi ce paysage
Même si elle ne m'apporte pas de réponse
Me laisse un sentiment d'émerveillement
Face à tant d'ingéniosité
À tant de créativité
De la part de quelque chose que j'appelle la nature
Pour moi il n'y a que cela
L'univers existe
Parce qu'il ne peut en être autrement
Il n'est que l'expression du néant
Dans son impossibilité d'exister

Ma réflexion
Et tout ces souvenirs que ces lieux évoquent en moi
Font que pour un instant
Je peux transcender ma condition d'homme
Mais c'est d'une précarité inouïe
C'est comme exister dans les ombres
Qui s'effacent à mesure que le soir descend
Pour ne laisser que la profondeur de la nuit

Jacques Richard
Québec

Pour mes idée philosophiques, visitez: http://www3.sympatico.ca/j.begon