hibou :
Hippo>Dans tout ton discours, je vois souvent la mise en commun des notions d'égalité et de liberté. Or pour moi, il est difficile de les faire cohabiter pleinement. Car à partir du moment où on cherche à établir un principe d'égalité, on restreint forcément les libertés.
Egalité
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| Russie, Chine, Italie centrale Majorité de la France, de l'Espagne,
| (Sociétés *communautaires*) du Portugal, de l'Italie, du monde latin
| (Sociétés *libérales égalitaires*)
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| Allemagne, Autriche, Suisse, Monde Anglo-saxon en général, Danemark,
| Suède, Corée, Japon, périphérie Hollande
| de la France (Sociétés *libérales non égalitaires*)
| (Sociétés *souches*)
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Inégalité
/ Autorité--------------------------------------------------------------------------------------------> Liberté
Mais ce tableau classifie en fait les mentalités des sociétés, des cultures, et pas la réalisation concrète de ces valeurs d'égalité ou de liberté. Entre les mentalités et leur réalisation concrète, il y a un long chemin qui peut donner des résultats paradoxaux, parce que les principes de liberté et d'égalité peuvent se contredire politiquement, comme tu l'a écrit.
* Les sociétés souches ont une perception très inégalitaires de l'être humain (Cet inégalitarisme se retrouve parfois jusque dans la langue : en japonais ou en coréen, on a une multitude de mots et de nuances permettant de hiérarchiser les personnes selon leur âge ou leur statut social). Mais le puissant principe d'autorité des sociétés souches implique aussi une nation compacte, une forte intégration de l'individu dans le groupe (la sécurité sociale est avant tout une invention allemande), une soumission à l'intérêt collectif. La nation souche n'a pas d'idéal d'
égalité, mais elle a un idéal d'
unité qui fait qu'elle ne peut pas accepter d'inégalités sociales trop intenses. Au final les nations souches sont très égalitaires.
[Et la société allemande n'a jamais été aussi égalitaire que sous le nazisme, qui pourtant était une idéologie très violemment inégalitaire.]
* Dans les sociétés nucléaires absolues (non égalitaires), c'est le contraire. Elles accordent une très grande autonomie à l'individu, et l'idéal de liberté délégitime l'intervention de l'état. Comme il n'y a dans les esprits d'idéal d'égalité, les sociétés nucléaires absolues ont une hétérogénéité maximale.
* Dans les sociétés nucléaires égalitaires, l'idéal de liberté encourage de la même façon les égoïsmes individuels. Mais le puissant idéal d'égalité qui habite la société équilibre cette tendance à l'hétérogénéité : on obtient un niveau intermédiaire d'égalité.
Il y a quelques pages, moumou avait posté une carte du monde représentant le coefficient de Gini, mesurant les inégalités sociales :
http://en.wikipedia.org/wiki/Image:World_Map_Gini_coefficient_with_legend_2.png
Si on se restreint aux Etats-Unis, à l'Europe occidentale et au Japon, c'est à dire les pays de la Triade (on fait cette restriction pour ne considérer que des pays au même stade du développement économique), alors la carte représente avec une bonne précision ce qui est écrit plus haut :
- Le monde souche apparaît en vert.
- Le monde nucléaire non égalitaire apparaît en rose clair.
- Le monde nucléaire égalitaire est en jaune.
Sinon, je pense qu'il y a dans les pays souches une tension spécifique entre l'idéal d'inégalité et celui d'unité, c'est à dire entre les intérêts de classes et la coopération de classes, et c'est cette tension qui est à la base de leurs problématiques politiques : gauche, droite, sociale-démocratie.
Et dans le monde nucléaire égalitaire, il y a une tension différente, entre la liberté des égoïsmes et l'idéal de solidarité, qui est à l'origine de la longue tradition de luttes sociales du monde latin.
le groupe "Majorité de la France, de l'Espagne, (Sociétés *communautaires*) du Portugal, de l'Italie, du monde latin (Sociétés *libérales égalitaires*)", je ne le mettrais pas en haut à droite, mais au milieu, comme un compromis. Pour moi le coin en haut à droite n'est pas possible.
En fait, ce sont plutôt les sociétés libérales non égalitaires qui devraient se situer sur le bord au milieu à droite, et moins en bas à droite.
Dans les sociétés anglo-saxonnes, il n'y a pas dans les mentalités une tendance inégalitaire et hiérarchique aussi franche que dans les sociétés souches, mais plutôt une indifférence à l'égalité, un sentiment que les hommes ne sont pas a priori égaux, sans qu'ils soient non plus a priori inégaux.
C'est ce qu'illustre dans les coutumes d'héritage l'usage libre du testament, alors que dans la famille souche pré-industrielle, seul le frère aîné hérite.
la famille nucléaire égalitaire semble être un héritage de l'empire romain
tiens:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Todd
la famille communautaire exogame (autorité, égalité, masculinité plus ou moins marquée, exogamie), présente en Russie, en Yougoslavie, en Italie centrale, en Chine, au Viêt Nam et dans le nord de l'Inde, ainsi que dans la Rome antique ;
Oui, il y a eu à un moment donné un virage libéral dans le système familial romain.
De même, il y a eu un virage inégalitaire dans ce qui est aujourd'hui la civilisation germanique. Les premiers colons à s'installer sur le territoire de l'Allemagne pratiquaient la répartition égalitaire de l'héritage entre les frères, ce n'est qu'à partir du moment où toutes les terres vierges ont été occupées qu'ils sont passés à l'héritage du père au fils aîné.
Ce que l'on a désigné comme 'libéralisme' pour le RU et les USA n'est pas/n'a jamais été le *vrai* libéralisme. (à vrai dire, c'est plus un mixte libéral-conservateur ).
Ca, ça ne tient pas la route.
Ca fait penser aux micro-mouvements trotskystes qui prétendent incarner seuls le "vrai" communiste..
Bien sûr que les Etats Unis étaient libéraux, le libéralisme n'a pas été inventé il y a 30 ans

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Si, dans une bonne mesure.
Oui, c'est vrai que les penseurs libéraux ont tendance à être libre-échangistes. Et réciproquement, les sociétés souches ont tendance à produire des idées protectionnistes (Illustration par Friedrich List). Mais les anglo-saxons sont des gens pragmatiques, ça ne les empêche pas de savoir être protectionnistes quand c'est nécessaire, et de toute façon le libéralisme n'est pas aussi doctrinal que d'autres idéologies.
Il faut comprendre que ce groupe collectif existe bel et bien, et qu'il s'agit bel et bien des nations actuelles.
La providence et la guerre on magnifiquement fait les choses alors
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Oui, évidemment !
Les guerres d'annexion, surtout ces derniers siècles, sont basées sur une problématique nationale.
Quand Bismarck fabrique l'état allemand, il ne fait que conquérir la nation allemande, qui existait déjà, et il en a bien conscience. Aussi doué soit-il, Bismarck n'aurait pas pu conquérir un morceau de France, un morceau d'Allemagne et un morceau d'Angleterre et réunir ça en un état stable : ça ne correspond pas à une nation.
Quand la France et l'Allemagne se disputent l'Alsace-Lorraine, le problème est de savoir à quelle nation cette région appartient. Mais il ne viendrait jamais l'idée à la France d'annexer la Bavière, ou à l'Allemagne d'annexer le Nord-pas-de-calais : on sait très bien que la première fait partie de la nation allemande, et la seconde de la nation française.
Quand les Etats-Unis envahissent l'Irak, il n'est pas question de l'annexer ! Les irakiens ne font pas partie de la nation américaine.
Tu dis que les guerres ont bien fait les choses, ben oui : ce sont les nations qui ont fait les états actuels, en voulant se libérer des dominations étrangères.
Mais il y a aussi un sentiment local, un sentiment régional, un sentiment continental (européen, amriacains, asisatiques, ..), voir (spécial dédicace Nil) un sentiment mondiale. Sans compter les autres sentiments d'appartenance qui ne se basent pas sur la localisation. (liberaux, marxistes, geeks, écolos, ...)
C'est vrai mais...
C'est aussi la dissolution de la conscience nationale qui est responsable par réaction du repli moderne vers tout un tas de petites tribus de substitution, de la montée des micro-identités religieuses, ethniques, sexuelles, etc...
Je voulais juste dire que ce sentiment populaire ne m'apparaissait pas forcément comme le fruit d'une réflexion un peu cohérente. (plutôt d'un vague seniment/croyance.)
Parce qu'il n'y a pas vraiment de parti politique pour formaliser et conceptualiser tout ça... Alors forcément ça reste vague et non verbal.
D'une part, c'est aussi la politique française, il faut savoir assumer (enfin, pour la politique monétaire désastreuse, c'est sur que c'est Trichet ça..) et vu que d'autres pays européens s'en sont plutôt bien sorti dans le même temps, l'europe apparait (trop) comme une excuse façile (et si bonne pour nos politiciens...pô de leur faute, la faute à l'europe, ils n'y peuvent rien !) , même si elle a aussi ses responsabilités
Mais l'Europe, c'est la politique française !
Ce sont les élites françaises qui sont les principales responsables de la construction européenne telle qu'elle s'est faite. Et il n'y a pas de véritable séparation, je pense, entre la politique nationale et la politique européenne : les élus font à Bruxelles ce qu'ils n'oseraient pas faire à Paris, les institutions européennes sont un moyen pour eux d'échapper aux scrutins ou à l'attention populaire. Il y a à Paris un discours qui dit "c'est la faute à Bruxelles", mais c'est hypocrite...
Hum, non, dès que tu leur en donne la possibilité, les gens se différencient. (enfin, se défférencient des autres tout en se regroupant avec ceux qui leu ressmbles..)
Bof, non. Une fois encore, ça dépend du tempérament des sociétés.
Tu as raison pour les Etats Unis : il y a dans la société américaine une vraie hystérie différentialiste, qui est parfois difficile à comprendre en France (genre, quand un américain se prétend italien parce qu'il a trouvé un italien dans ses ancêtres et parce qu'il sait faire des pâtes).
Mais en France, il n'y a pas d'équivalent à cette soif de différences.
En Allemagne ou au Japon, il y a au contraire une répression sociale des différences : on tape sur le clou qui dépasse.
J'ai entendu à plusieurs reprises que sans cet état de '1/2 guerre' (très forte tension on va dire..) parmanent, Israël imploserait.
Oui, je suis d'accord (je crois que cette question était déjà apparue dans un ancien topic...)
L'état, par définition même (droits régaliens et seul titulaire de la coercition physique), est la figure emblématique de l'oppression.
Non, c'est le contraire :
La Loi, donc l'Etat, libère le faible de la loi du plus fort.
Si l'état, c'est à dire la collectivité, n'a pas le monopole de la force, alors ce sont les forts qui utilisent la force contre les faibles, et les faibles sont opprimés.
Une fois encore, ta vision des choses oublie la dimension collective. Ta vision serait juste si l'état était une entité extérieure à la société. Alors elle serait ressentie comme oppressive. Mais l'état-nation est l'incarnation de la nation, c'est à dire de la collectivité, son "oppression" supposée est une convention sociale de la collectivité.