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(Laissez moi écrire un poème
Pas pour la postérité
Juste parce que j’aime)


Divaguer sur l’éther de ce ciel si bleu
Sur l’écume de mon café enragé
Sur ces mots si beaux qu’on ne sait plus les aimer

Laisser moi chanter Rimbaud pleurer Verlaine
Mêler dans un son discordant plaisir et peine
Passion et éternité

Et si je vous dis que vos yeux vous trompent
Qu’ils ne savent que vous mentir
Si je vous dit les roses sont noires et que la terre est bleue
Que la joie de l’instant n’est que celle de l’adieu

Que lys et chardon brûlent dans un même feu
Pour qui sait écouter les choses muettes

Me croirez-vous?

Pourtant dans la chaleur de ce soir
Le gel au dehors me guette
Et la folie des mots tournant dans ma tête
N’a d’égal que le calme du désespoir

Et pourtant je le sais
La mer est verte
Et le soleil n’a jamais été aussi bleu
Le feu est de glace dans la cheminée
Les arbres pleurent les malheureux
Et toutes les fleurs sont déjà fanées

Les trois coups se font entendrent
Cela n’a pas commencé que l’acteur doit descendre
Il laissera Ophélie étendue à leurs pieds
Roméo est mort, arrêtez de chanter

Avec Yanek, Lorenzo et Phèdre
C’est l’amour qu’on assassine

J’aimais Gavroche plus que Paris même
Être ou ne pas être telle est la question

Peu importe théâtre ou vie
On reste toujours victime
A Moscou comme à London

Si dans un verre bleu je me noie
Si je tombe coté jardin
Si Merteuil aimait Valmont
S’il n’y avait plus de demain
Si hier n’était que songe
Si ces mots n’étaient qu’à moi


Si la mer était rouge
Et le ciel plus que noir
A l’aurore les chrysanthèmes
Lèveront leur étendard
Buvons à l’instant qui s’achève
Pleurons- le
Il ne reviendra pas
Laissez mourir les justes et les « je t’aime »
Si rien ne vaut la peine ici-bas

Déjà les mots se glacent
Mon souffle est court
Le feu qui s’éteint ne recevra plus de bois

Dehors il gèle
Il me semble, depuis longtemps déjà
Tombent les feuilles mortes
Tournent les chevaux de bois

En partant, fermez la porte je vous prie
Laissez-moi
Oui, tout va bien
Non ne pleurez pas, je n’ai pas froid
Ma folie me tient chaud
Oui, j’ai le mal des mots
Et un peu de toi…

Mais le ciel est blanc
Et mes rêves sont bleus
Plutôt mourir de folie
Que pleurer l’adieu

…En un mot tout se crée…
…En un mot tout disparaît…