D-étonnant, lent et sombre comme une eau de lac l'hiver, déterminé comme un détonateur et traître comme un volcan oublié, le style de ce roman, 'Marche, arrêt, point mort', deuxième ouvrage signé Laurent Trousselle m’a troublé.
Je précise que ma capacité d’émerveillement devant la nouveauté littéraire – fond et forme confondus – me semblait plus qu’émoussée jusqu’à il y a peu...
C’est fort, ça arrache, comme l’on dirait d’une boisson alambiquée dans quelque coin de montagne reculé – l’action se passe à Zurich, y a des montagnes à Zurich ?? Pas sûr.
Le personnage ne parle presque pas, il n’a plus de famille, il n’a pas d’âge, et il vit seul dans un palais, semblant s’ennuyer toute la journée et laissant peu à peu tomber la rééducation… La police, quant à elle, ne verra que son handicap. Pourtant la nuit, il s’en passe, des choses, dans les caves dudit palais…
Et c’est tellement pathétique que ça en devient véridique, la façon dont l’arbre – le handicap – cachera la forêt – les activités terroristes – à cause même de ce handicap, et du milieu socio culturel auquel appartient le personnage central…
On ne se sent pas trop bien protégé par les forces de l’ordre, quoi…
Alors comme ça, les terroristes n’auraient pas toujours une barbe et une djellaba, vous m'en direz tant ?
La démonstration est cynique, intelligente, amusante aussi, au point qu’à l’instar des machines infernales mises au point par le personnage central du roman, le livre apparaît comme une machine à penser : qu’est-ce qu’un terroriste ? Et si un jour les cellules terroristes en venaient à se limiter à un seul individu déterminé, donc sans plus de fuites possibles vers les réseaux de contrespionnage, qu’adviendrait-il de nous ?
Laurent Trousselle a aussi publié un recueil de nouvelles en 2006. Je l’attends.