L'année 1934 est une année charnière, aussi bien pour la marque Citroën que pour son fondateur, André Citroën. Les finances de l'entreprise sont au plus bas. Aussi, Citroën se doit d'innover pour faire remonter les chiffres de production, qui baissent dangereusement et par la même assainir les finances de sa société. La Rosalie se vend bien mais pas assez pour assurer la pérennité de la société. Le modèle qui doit permettre à Citroën de remonter la pente est présenté place de l’Europe, le 18 avril 1934. Officiellement, il se nomme « 7 » pour la puissance fiscale de 7 CV, mais l’histoire le rebaptisera « Traction Avant ».
Modèle 7A de 1934 malle borgneCe nouveau modèle, qui marque une réelle rupture avec la Rosalie, se singularise esthétiquement par sa ligne entièrement aérodynamique, résultat de la mode du Streamline Moderne. Très différente de ses contemporaines, cette ligne permet à la voiture de se singulariser aux yeux du public, interdisant toute confusion avec un modèle à transmission conventionnelle. Dans un premier temps uniquement disponible en berline, la ligne moderne est l’œuvre du designer Flaminio Bertoni à qui le style Citroën devra tout pendant des années. Il dessinera les carrosseries de la Traction Avant, mais aussi les lignes de la 2CV, de l’Ami 6 et de la DS. Les premières Traction Avant se reconnaissent à leur toit avec une partie en moleskine et non entièrement tôlée comme ce sera le cas plus tard.
La conception très rapide (dix-huit mois) n’a pas permis de tester suffisamment le modèle pour le mettre au point. Les premiers clients feront les frais de cette absence de fiabilité. Les cardans cèdent entraînant la perte des roues avant, la caisse monocoque pas assez résistante plie sans parler des problèmes de moteur et de boîte. Par ailleurs, le réseau de service après vente Citroën, pas assez formé, a du mal à prendre en charge et réparer les automobiles. De plus, la Traction ne reprend pas les organes moteurs de la Rosalie et sa conception est entièrement nouvelle.
En octobre 1934, la 7 a déjà été remplacée par une 7B de 1529 cm3 et 35 chevaux, tandis qu'une 7 Sport (vite rebaptisée 11 Légère) de 1911 cm3 et 46 chevaux complète la gamme. Ce moteur se trouve également sur une traction allongée et élargie, la 11, qui récupère en fait une carrosserie agrandie pour une autre : la 22 8 cylindres. Cette dernière partage donc sa caisse avec la 11, mais dans une version bien plus élégante : doubles pare-chocs avant et arrière, calandre plus imposante avec un logo « 8 », cache chromé sur l'emplacement manivelle, roues plus grandes, un seul gros volet orientable sur le capot et non deux petits, baguette chromée sur les portes, et surtout des phares et des avertisseurs intégrés aux ailes avant, profilées.
Un luxueux catalogue est proposé à la clientèle, et montre un éventail complet de carrosseries : berline 5/6 places, cabriolet, faux-cabriolet, conduite intérieur allongée 5/6 places, familiale 7/9 places, coupé de ville 3 places, et coupé de ville allongé 5 places, ces deux dernières variantes n'étant finalement jamais produites sur aucune Traction Avant.
Le V8 Citroën est issu de l'association de deux moteurs de 11 (2 x 11 = 22 bien entendu), disposés en V. Capable de produire quelques 100 chevaux, tandis que le V8 Ford n'arrive qu'à 85 chevaux, il permettait via la boite à 3 rapports seulement d'atteindre par exemple la barre très élevée pour l'époque des 140 km/h, soit au moins 10 de plus que la concurrence. Citroën la présente d'ailleurs dans son catalogue comme étant « la voiture de série la plus sure et la plus rapide du monde ». Peu de gens auront pourtant été capables de le vérifier. En effet, en octobre 1934, la voiture n'est pas encore au point et le constructeur se refuse à en confier le volant à quiconque. Or, sa mise au point sera stoppée trois mois plus tard…
Ceux qui ont pu rouler avec la 22 en parlent encore. Certes, le fait que cette automobile soit devenu un véritable graal automobile enjolive les souvenirs. Néanmoins, tous s'accordent à louer la sonorité du moteur ainsi que sa discrétion, sa souplesse, mais surtout ses inépuisables ressources. Ceci était rendu possible grâce à la tenue de route Citroën ! Cela n'empêchait pas la voiture d'être confortable, même si sur ce point les avis divergent un peu plus. Du côté de la transmission, une boite à 4 rapports avait bien été testée, mais c'est l'habituelle boite 3 rapports qui aurait été lancée sur la 22 en cas de commercialisation. Le train avant aurait vraisemblablement reçu quelques modifications, en adaptant des double cardans, de manière d'une part à mieux résister au couple abondant, et également à régler un défaut de la Traction Avant : le braquage. Ces doubles cardans semblent bien avoir existé, mais les informations sur cette voiture restant faibles, nous ne pouvons le garantir… Un gros défaut en revanche était le freinage. Le système était repris de la 7, trois fois moins puissante. En cas de commercialisation, Citroën aurait peut-être remplacé ce système par un autre mieux dimensionné ?
La 22 aurait du devenir dès sa sortie prévue pour le printemps 1935 la reine de la route, comme le sera d'ailleurs plus tard la 15 Six. Malheureusement, malgré les immenses qualités de la gamme Traction Avant, Citroën va très mal. Les français sont prudents et ne se précipitent pas vers cette nouvelle voiture, et les échos des premiers propriétaires n'arrangent rien. Fin 1934, un petit sous-traitant fait appel au Tribunal de Paris, et la société est mise en liquidation le 21 décembre. Edouard Michelin enverra alors Pierre Boulanger redresser la barre, ce qu'il fera avec talent, mais en limitant les frais au maximum. En remaniant la gamme, la 22 passe à la trappe… André Citroën aussi. L'usine était toute sa vie, il allait mourir quelques mois plus tard.
Environ 12 exemplaires de 22 ont été produits. Les 4 premiers prototypes furent motorisés par un V8 Ford, et toutes les autres voitures par le seul V8 Citroën ayant existé à ce jour. Il semblerait que 8 exemplaires aient été convertis en 11 à la fin de 1934 et vendus au personnel Citroën. Il en resterait donc encore à retrouver, si l'on ne prend bien sur pas en compte la réplique hollandaise de M. Bouwe de Boer, à moteur Ford. Alors si vous ne savez pas quoi faire ces prochaines années, partez à la chasse à la 22. Vous ne serez pas les premiers à le faire, mais vous serez riches si vous en trouvez une : c'est la meilleure voiture du monde…
En miniatures, je vous présenterai une reproduction d'Universal Hobbies issue d'une collection de presse:
Bibliographie
- A connaitre: "Toutes les Citroën", René Bellu
- Référence du genre: "La 22, enquête sur une mystérieuse Citroën", Fabien Sabatès et Hervé Laronde
Sources : Wikipedia et AutoWeb