Le contenu de ces dossiers se limitera probablement à l'adresse IP du bateau soupçonné de piraterie, les nom et prénom théoriques du capitaine, la liste des fichiers volés associés aux dates et heures de l'abordage présumé. Des éléments comme la situation professionnelle, la composition du foyer, la possession éventuelle d'un routeur Wifi sécurisé, ou encore l'emploi du temps de l'accusé, seront inconnus d'Hadopi et ne devraient logiquement pas figurer au dossier.
Comment le juge pourra-t-il trancher entre coupable et non coupable sur appréciation de ces seuls éléments ? Le juge, consciencieux et indépendant des ministères, ne choisira pas la voie accélérée car elle reviendrait à condamner à l'aveugle. Il ouvrira une enquête, et on retrouve alors la situation qui perdure depuis l'avènement d'Internet, où très peu de dossiers sont traités chaque année par manque de temps. S'il choisit la voie accélérée, on peut s'attendre à ce que le juge, consciencieux et indépendant, ne condamne pas, à cause de l'absence de preuve. Cette procédure judiciaire accélérée ne servirait alors qu'à innocenter. L'action la plus risible du gouvernement Fillon sera-t-elle d'avoir décrédibilisé la justice Française qui classera 1000 dossiers par jour à longueur d'année ?
Si les circulaires du ministère encouragent les juges à condamner à la chaîne et que ceux-ci s'exécutent, alors ils ne serviront qu'à doser la peine, à savoir la durée d'amarrage forcé du bateau ou, au choix, le montant de l'amende et la durée de l'incarcération. On ferait face à une présomption de culpabilité et à une absence de procédure contradictoire, des notions pourtant rejetées respectivement par le conseil constitutionnel et par le parlement européen. L'UMP est un étrange ensemble où tout est possible. Mais plaçons nous dans la nouvelle situation que veut instaurer Christine Albanel, la seule a priori efficace. Admettons que les sanctions soient prononcées à la chaîne. Après la condamnation, d'après le ministère de la culture, l'accusé pourra faire appel. Il aura 10 jours pour déposer son recours. On savait Hadopi 1.0 bourré de failles juridiques, et l'on saura le nouveau texte, le texte ultime, doté d'une faille technique ultime.
Pour profiter de la faille, tout citoyen amateur de culture mais aux poches légères installera préalablement eMule, sans laisser de traces dans la base de registre de son ordinateur, sur un deuxième disque dur. Il téléchargera et partagera ses fichiers uniquement sur ce disque. Pour ne pas laisser de trace dans la mystérieuse base de registre de son ordinateur, l'apprenti pirate trouvera facilement de l'aide sur Internet, n'en doutons pas, puisqu'il est de tradition sur Internet que les citoyens se mettent ensemble pour que tout devienne possible. En cas de condamnation, le pirate n'oubliera pas que nous avons un gouvernement avec qui tout est possible, ce qui expliquera la présence d'une faille énorme dans la loi. Le pirate aura 10 jours pour démonter son ordinateur et extraire le deuxième disque, cachera ce disque, fera appel de la décision, et attendra la procédure contradictoire. Celle-ci donnera lieu à une perquisition, et les experts constateront qu'aucun abordage n'a jamais été effectué et, à fortiori, reconnaitront qu'aucun trésor n'a été entreposé dans les cales. Que doit craindre l'apprenti pirate qui possède une collection de DivX sur ses étagères ou qui profite de ses vacances pour bronzer sur une quelconque île déserte le jour où la sanction tombe ? Le pirate disposera de 10 jours pour rentrer de vacances ou pour exprimer son immense générosité en prêtant à ses amis moult CD et DVD gravés, la générosité étant telle qu'il ne lui en restera même plus un chez lui pour distraire ses soirées, dans l'attente sereine de la perquisition.
Enfin, voici quelques méthodes plus simples qu'un second disque dur interne pour profiter de la faille :
le disque dur USB
la clé USB
la clé USB à cacher dans la salle de bain