TRIVELIN
Oui, j'ai touché le cœur d'une aimable personne, et l'amitié de nos maîtres prolongera notre séjour ici.
ARLEQUIN
Et où est-ce que cette rare personne-là habite avec son cœur ?
TRIVELIN
Ici, te dis-je. Malpeste, c'est une affaire qui m'est de conséquence.
ARLEQUIN
Quel plaisir ! Elle est jeune ?
TRIVELIN
Je lui crois dix-neuf à vingt ans.
ARLEQUIN
Ah ! le tendron ! Elle est jolie ?
TRIVELIN
Jolie ! quelle maigre épithète ! Vous lui manquez de respect ; sachez qu'elle est charmante, adorable, digne de moi.
ARLEQUIN, touché.
Ah ! m'amour ! friandise de mon âme !
TRIVELIN
Et c'est de sa main mignonne que je tiens ces louis d'or dont tu parles, et que le don qu'elle m'en a fait me rend si précieux.
ARLEQUIN, à ce mot, laisse aller ses bras.
Je n'en puis plus.
TRIVELIN, à part.
Il me divertit ; je veux le pousser jusqu'à l'évanouissement. Ce n'est pas le tout, mon ami : ses discours ont charmé mon cœur ; de la manière dont elle m'a peint, j'avais honte de me trouver si aimable. M'aimerez-vous ? me disait-elle ; puis-je compter sur votre cœur ?
ARLEQUIN, transporté.
Oui, ma reine.
TRIVELIN
À qui parles-tu ?
ARLEQUIN
À elle ; j'ai cru qu'elle m'interrogeait.
TRIVELIN, riant.
Ah ! ah ! ah ! Pendant qu'elle me parlait, ingénieuse à me prouver sa tendresse, elle fouillait dans sa poche pour en tirer cet or qui fait mes délices. Prenez, m'a-t-elle dit en me le glissant dans la. main ; et comme poliment j'ouvrais ma main avec lenteur : prenez donc, s'est-elle écriée, ce n'est là qu'un échantillon du coffre-fort que je vous destine ; alors je me suis rendu ; car un échantillon ne se refuse point.
ARLEQUIN jette sa batte et sa ceinture à terre, et se jetant à genoux, il dit.
Ah ! mon ami, je tombe à tes pieds pour te supplier, en toute humilité, de me montrer seulement la face royale de cette incomparable fille, qui donne un cœur et des louis d'or du Pérou avec ; peut-être me fera-t-elle aussi présent de quelque échantillon ; je ne veux que la voir, l'admirer, et puis mourir content.
TRIVELIN
Cela ne se peut pas, mon enfant ; il ne faut pas régler tes espérances sur mes aventures ; vois-tu bien, entre le baudet et le cheval d'Espagne, il y a quelque différence.
ARLEQUIN
Hélas ! je te regarde comme le premier cheval du monde.
TRIVELIN
Tu abuses de mes comparaisons ; je te permets de m'estimer, Arlequin, mais ne me loue jamais.
ARLEQUIN
Montre-moi donc cette fille…
TRIVELIN
Cela ne se peut pas ; mais je t'aime, et tu te sentiras de ma bonne fortune : dès aujourd'hui je te fonde une bouteille de Bourgogne pour autant de jours que nous serons ici.
ARLEQUIN, demi-pleurant.
Une bouteille par jour, cela fait trente bouteilles par mois ; pour me consoler dans ma douleur, donne-moi en argent la fondation du premier mois.
TRIVELIN
Mon fils, je suis bien aise d'assister à chaque paiement.
ARLEQUIN, en s'en allant et pleurant.
Je ne verrai donc point ma reine ? Où êtes-vous donc, petit louis d'or de mon âme ? Hélas ! je m'en vais vous chercher partout.
J'aimerais que vous m'aidier a trouver une problematique et un plan detaillé