smeet Le 21/06/2002 à 15:41 Shaolin soccer :
Olive et Tom en ont rêvé,
Stephen CHOW l’a fait.
C’est la bonne surprise du moment ! Grand succès de l’année 2001 à Hong-Kong, Shaolin soccer marie Kung-Fu et football pour un mélange des genres détonnant, mis en scène avec humour mais surtout une inventivité rare. Le film officiel de la Coupe du Monde ?
Stephen CHOW commence à ne plus nous être complètement inconnu. Acteur, auteur et réalisateur, il s’est illustré dans la fantaisie la plus débridée (sans mauvais jeu de mot) avec Love on Delivery, adaptation live du manga Noritaka, ou encore God of Cookery, qui était au cinéma ce que Le petit chef était au dessin animé. Avec Shaolin soccer, il a jeté son dévolu sur le football, et même si le film n’y fait pas explicitement référence, il n’est pas interdit de penser que son modèle en la matière est bien Captain Tsubasa (Olive et Tom). Mais là où le dessin animé versait, pour notre plus grand bonheur, dans l’irréalisme total, sans autre justification que les prodigieuses capacités de nos héros en culottes courtes, le film de Stephen CHOW part du postulat suivant : et si des artistes martiaux Shaolin s’essayaient au football ? Fung est un ex joueur de foot professionnel, dont la carrière a été stoppée net, après que sa jambe droite ait été brisée par des supporters, furieux de l’avoir vu rater le but de la victoire. Boiteux et ayant perdu tout amour propre, il vit aux crochets de Hung, l’homme qui a manigancé l’incident, devenu entraîneur à succès. La chance lui sourit pourtant à nouveau quand il rencontre « Jambe de Fer », moine Shaolin émigré à Hong-Kong, qui se contente, en attendant de trouver le moyen adéquat de diffuser son art, de nettoyer les rues de la ville. Sa rencontre avec Fung lui ouvre de nouveaux horizons : pourquoi ne pas appliquer son Kung-Fu au football ? Jambe de Fer se met alors à la recherche de ses anciens condisciples pour former une équipe. Ils ont tous renié leur passé pour tenter de s’adapter, avec plus ou moins de bonheur, à la vie dans la métropole.
Qu’il est dur de nos jours d’être un moine Shaolin ! C’est ce que semble nous dire Stephen CHOW, tant sont calamiteuses les tentatives de ses personnages de se reclasser dans la société moderne : laveur de vaisselle, employé d’un grand magasin, petit escroc ou, au mieux, salaryman… Reniant l’enseignement de leurs maîtres, les ex-artistes martiaux restent pourtant des marginaux, humiliés, inadaptés. A l’image du meilleur ami de Jambe de Fer, « Tête d’acier », qui nettoie les toilettes d’un night-club et qui tente un catastrophique, mais hilarant, numéro de « Kung-Fu chanté » sur la scène de l’établissement. Ou de Mui, la jeune fille rencontrée par hasard, exploitée dans une boulangerie, qui pétrit la pâte à pain avec toute la grâce de sa maîtrise du Tai-Chi… Mais, contrairement à ses amis, Jambe de Fer n’a pas fait une croix sur son ambition : prouver au monde non seulement la supériorité du Kung-Fu Shaolin, mais aussi son utilité dans la vie de tous les jours ! Malheureusement, Jambe de Fer et ses amis ne sont pas plus doués pour le football que pour la survie quotidienne. Ce n’est que lors de leur premier match, qu’ils se révéleront à eux-même : l’un est un gardien de but foudroyant, l’autre a un jeu de jambes imparable, le troisième peut aspirer le ballon avec son ventre et le dernier, pourtant obèse, marche sur l’air avec la légèreté d’une plume. Quant à Jambe de Fer et Tête d’acier, ils deviennent des butteurs infaillibles... La « Shaolin Team » prend part au tournoi organisé par Hung. Et quel tournoi ! La règles du football sont bouleversées par cette équipe hors-norme qui se joue des lois naturelles. Le ballon s’envole très haut, virevolte, devient une arme dévastatrice, au service de cette bande d’hurluberlus qui se moque de la dramaturgie habituelle du jeu. Mais de son côté, Hung a entraîné une équipe gonflée aux hormones qui risque fort de leur faire mordre la pelouse…
Le premier atout de Shaolin soccer est son humour incessant, sans grande subtilité, mais mis en scène avec fantaisie. La complicité entre les acteurs est manifeste, ce qu’atteste le bétiser, certaines scènes « ratées » ou improvisées ayant été utilisées telles quelles. Mais la principale réussite du film tient à ses effets spéciaux, non tant leur qualité, assez moyenne, que leur utilisation vraiment intelligente. Stephen CHOW mélange systématiquement, au sein d’un même plan, prise de vue réelle et trucages numériques. Exemple : pour réaliser la pirouette d’un joueur, frappé à pleine puissance par un ballon, il filme d’abord son envol et son atterrissage ; seule la phase intermédiaire sera réalisée en images de synthèse, rendant le trucage, la vitesse aidant, vraiment bluffant. Pendant les matchs, le ballon est réalisé numériquement, chose rendue possible par une très bonne synchronisation des mouvements des acteurs. En effet, la mise en scène a vraiment été pensée, une fois n’est pas coutume, dans l’optique d’une bonne intégration des effets spéciaux et se focalise en priorité sur les mouvements « réels ». D’une manière globale, à part dans quelques plans où ils ne se justifient pas vraiment (le mur qui se brise, le temple modélisé en 3D) et apparaissent du coup grossier, le mérite de Stephen CHOW est d’avoir limité les trucages numériques au strict nécessaire, réalisant « naturellement » tout ce qui pouvait l’être. Pour montrer un stade de foot plein à craquer, plutôt que d’incruster des « faux » spectateurs en images de synthèse dans les gradins (comme dans Gladiator, par exemple), il filme successivement les figurants dont il dispose dans les différentes parties des gradins et les incruste tous dans le même plan. Effet garanti invisible à l’œil nu !
Mais Au-delà de l’humour parfois graveleux et d’effets spéciaux réussis, Stephen CHOW affirme, en filigrane, une vision du monde qui mérite qu’on s’y arrête, notamment en regard de l’énorme succès du film à Hong-Kong. Jambe de Fer propose ni plus ni moins que de renouer avec les traditions (les arts martiaux) pour révolutionner la vie quotidienne. Une glissade sur une peau de banane ? Une voiture à garer ou une haie à tailler ? Le Kung-Fu Shaolin est fait pour vous ! La tradition dans la modernité comme réponse aux interrogations et aux mutations de la vie moderne… Voilà un discours typiquement asiatique, qui n’aura pas échappé au public de l’ex-colonie anglaise, en crise économique et morale depuis sa rétrocession à la Chine populaire. Qui plus est, les 6 joueurs Shaolin, réunis au sein de l’équipe de foot, forment, grâce à l’addition de leurs talents, la structure d’un corps humain : la tête, le ventre, les bras, les jambes, les pieds. C’est cette harmonie, brisée par les contingences de la vie moderne et reformée grâce à Jambe de Fer, qui rend l’équipe invincible. Ou presque… La « Evil team » de Hung incarne les dérives du monde moderne : entraînée grâce aux techniques les plus perfectionnées et modifiée génétiquement, elle bafoue la nature. Heureusement, notre équipe au maillot orange saura trouver au fond d’elle-même, dans le respect de la tradition et non dans des adjuvants modernes, la force de vaincre. La morale, toute asiatique là encore, est sauve…
Malgré des aspects assez discutables (omniprésence des sponsors, Puma et Carrefour en tête) et un rythme pas toujours soutenu, Shaolin soccer est film agréable, point sot, dont la qualité ne se limite pas à l’idée de départ. Il réserve quelques bonnes surprises visuelles à des amateurs d’effets spéciaux pourtant blasés, prouvant que l’impact des trucages numériques est décuplé par une utilisation limitée et réfléchie. Mettant en scène une galerie touchante de laissés pour compte, il arrive même à nous émouvoir et réalise avec bonheur la fusion du quotidien et de fantastique, de la tradition et de la modernité, dans un cadre contemporain. Qui dit mieux ?
Julien BASTIDE
Cinq font un et un font cinq : le tout est UNITE.
C'est dans l'incompréhension que je suscite que je trouve ma raison d'être.
Je suis moi, et je le suis parce que les autres ne le sont pas, et que ce sont eux qui forment ma personne.
Inconscience et déraison sont source d'imagination.
Au delà de ma conscience et de mon inconscient, mes rêves créent la réalité.
l'amerique !
