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L'anglais ringardisé dans un tokyo ostensiblement francophile
Tokyo, le 15 septembre 2003 (Agence Reuters) - Des enseignes arborant les noms de "Boulangerie", "La Fabrique" ou "Atelier Yamagata" : on pourrait parfois se croire à Paris, mais ce sont bien les rues de Tokyo où l'anglais est devenu ringard et le français à la mode, tout au moins pour les noms de boutiques.
Depuis le quartier huppé de Ginza jusqu'à celui branché de Shibuya, les rues commerçantes de la capitale japonaise fourmillent d'enseignes rédigées dans un français plus ou moins approximatif, et pas seulement celles des restaurants.
Des boulangeries, des boutiques de vêtements ou de meubles, des disquaires et même des supérettes de quartier ont adopté des noms français.
"En l'espace de deux ans, le français est devenu très branché ici", explique Oscar Favre, un porte-parole de l'ambassade de France à Tokyo, qui reçoit régulièrement des demandes de conseils pour baptiser de nouveaux commerces.
"Un homme qui voulait ouvrir trois boulangeries voulait un mot français court et sympa pour dire 'un petit garçon qui tend une miche de pain'. J'ai dû le décevoir", se souvient-il.
Mais la plupart des entreprises ne se soucient pas du respect de la grammaire française et utilisent n'importe quelle suite de mots qui "sonnent" français, comme les Japonais l'ont du reste fait pour l'anglais pendant des décennies.
Le distributeur de vêtements "Comme Ca du Mode" a ainsi fait un carton avec ses vêtements de marque vendus à bas prix malgré un nom qui n'a aucun sens en bon français.
"Ce nom ne veut rien dire en français, mais il est tellement célèbre qu'ils ne peuvent plus en changer", s'amuse Jean Dacher, responsable de l'enseignement de la langue française à l'institut linguistique Berlitz.
"Les gens qui donnent à leur magasin un nom français ne se préoccupent pas de la signification. Tout ce qui leur importe, c'est que ça sonne bien", rappelle-t-il.
LE FRANÇAIS A LA MODE
Et les enseignes au nom absurde sont monnaie courante à Tokyo, notamment dans le nouveau centre commercial de Roppongi Hills, où l'on trouve des magasins "Relâcher trois rounds", "Eté beau" et "Murmure d'air", voire "Musée imaginaire" pour une enseigne d'équipement ménager.
Pourquoi choisir un nom français, alors même que le nombre de Japonais apprenant cette langue n'augmente pas ?
"Parce que c'est cool. Avant, beaucoup de magasins avaient des noms anglais. Maintenant, c'est le français", affirme Rumi Kuriyama, une vendeuse du "Musée imaginaire".
"C'est à la mode"(en français dans le texte), renchérit Junko Inoue, directrice de la "boulangerie-patisserie" L'Atelier, où le menu (rédigé en français) propose une petite "tarte myrtille" à 550 yens, soit plus de quatre euros.
Que les consommateurs japonais le comprennent ou pas, le français est partout dans Tokyo, sur les t-shirts des adolescents, dans les galeries d'art et dans les magasins de disques.
Lisa Ono, une chanteuse japonaise de bossa nova, a publié en juillet un album intitulé "Dans mon île", composé de reprises de standards français comme "C'est si bon" et "La vie en rose".
Un des exemples les plus paradoxaux de cette mode est la chaîne de sandwichs "Prêt à Manger" qui n'est non seulement pas française, mais même pas japonaise puisque détenue en partie par le géant américain de la restauration rapide, McDonald's.
Geert DE CLERCQ (Agence Reuters)