Ethaniel (./13245) :
Tout à fait !
Mais y avait-il des grammairiens à l’époque ?
Et je ne doute pas que nos grammairiens et académiciens finiront par plier sous le nombre et à accepter « s’avérer vrai » et l’oxymore « s’avérer faux », marquant une nouvelle victoire inéluctable de l’ignorance des masses, un nouveau pas vers l’idiocratie.
Pourquoi condamnes-tu la volonté de retarder cette victoire et l’avènement de cette idiocratie qui se fait chaque jour plus réelle ?
Je ne sais pas s'il y avait des grammairiens du français à l'époque (il y avait des grammairiens du latin), mais peu importe...
Bon alors :
— le renforcement d'expressions par ce qui est au départ un pléonasme est un phénomène *extrêmement* courant (c'est ce que je voulais illustrer par mon exemple) et naturel, qui se produit non seulement tout au long de l'histoire du français mais aussi, avant cela, au cours de l'évolution du latin, aussi bien que dans d'autres langues. Alors oui c'est moins élégant que les évolutions de sens par métaphore et métonymie, parce qu'un pléonasme, ça a toujours l'air un peu con, mais bon le fait est. Si accepter ce phénomène naturel c'est céder devant l'idiocratie...

— ce n'est pas une question de correction mais de style. Un pléonasme pas plus qu'un oxymore ne sont incorrects grammaticalement, et du point de vue sémantique, le pléonasme ne pose pas de problème (il est juste redondant), quant à l'oxymore, il ne s'agit que d'un effet qui n'implique normalement pas une réelle contradiction logique (la vraie contradiction est un autre problème). Effectivement, le pléonasme est généralement mal vu stylistiquement, l'oxymore, ça dépend, mais la grammaire n'a rien à voir là-dedans.
— par ailleurs, s'agit-il réellement d'un pléonasme ? ça se discute. Je pense que tu mélanges deux expressions différentes. Récapitulons :
emploi transitif (et sens initial) : avérer = établir la véracité de
emploi impersonnel : il s'avère que <proposition> = <proposition> est avéré
ensuite on a deux emplois pronominaux :
s'avérer, employé absolument (rare ou littéraire) = être avéré
<sujet> s'avère <attribut> (courant) = il s'avère que <sujet> est <attribut>
Ces deux derniers emplois sont deux choses différentes — deux sens différents du verbe. En fait, ce qui se passe c'est que le second emploi a complètement occulté le premier (qui franchement est quasiment inusité, probablement en partie à cause de ça) : si tu dis juste « cela s'avère », on a l'impression qu'il manque un mot, parce que ce n'est pas l'emploi usuel. Idéalement, ce qu'il faudrait dire du coup est « cela est avéré ». Mais peut-on dire « cela s'avère vrai » ? Tu dis que c'est un pléonasme parce que ça signifie la même chose que « cela s'avère », mais c'est de la triche : ce n'est pas le même sens du verbe avérer qui est utilisé dans les deux cas. Du coup, il est faux que le mot « vrai » n'apporte aucune information, il ne s'agit donc pas d'un pléonasme stricto sensu. En effet, on peut dire « cela s'avère faux », et ce n'est pas contradictoire. Cela signifie simplement : il est établi comme vrai que cela est faux. On peut le qualifier d'oxymore si on veut puisque ça met côte à côte un mot qui provient de « vrai » et le mot « faux », mais c'est un oxymore discret (la relation entre « vrai » et « avérer » n'est pas ressentie comme très flagrante, ce n'est pas comme si tu disais : « c'est vraiment faux », qui est tout aussi correct sémantiquement mais est pour le coup un oxymore bien marqué).
Bref, on peut critiquer le style, ça frise le pléonasme, certes, mais ça n'en est quand même pas vraiment un, ça n'est pas dépourvu d'une certaine logique, c'est correct grammaticalement et sémantiquement, et c'est loin d'être hideux (bon ok « s'avère vrai » ça sonne pas très bien, mais y a pire)...