Ces derniers mois j'ai subi du harcèlement par ma cheffe.
Ça a commencé assez simple : je crois que quelque chose lui dérangeait dans ma façon d'être, assez direct, "soi-même", pas peur de dénoncer des défauts dans nos produits histoire de brainstormer des solutions. Elle a commencé, lors de nos "1 on 1" (des entretiens chaque semaine qu'elle fait avec chacun, officiellement pour savoir comment on va), à dire que ça pourrait nuire à mes relations dans l'équipe. Au début j'ai trouvé un peu bizarre mais je me suis dit pourquoi pas, c'est vrai que ça peut paraître négatif que je signale les défauts, quand tout le monde veut croire qu'on fait de la perfection. Et puis, les gens autour de moi pensaient que c'était juste que j'avais de la peine à accepter les remarques (dans certains cas j'ai ce défaut ; en gros comme je travaille déjà à améliorer des tas de choses sur moi, quand on me parle d'un défaut pas lié à ce sur quoi je bosse actuellement, je fais savoir que je garde le fix pour plus tard).
Alors que je travaillais dessus, chaque semaine elle venait avec des trucs plus spécifiques. Ça ne suffisait jamais. Au début elle me reprochait de ne pas systématiquement dire merci dans toutes les conversations publiques. Puis ça devenait par exemple d'avoir dit "merci, mais ça ne marche pas chez moi, on peut regarder", car le "mais" donnait l'impression que mon merci était faux. Bref ça a continué pendant un moment, sa manipulation prenant, car je ne m'étais pas rendu compte qu'elle dépassait les bornes. Quand j'ai commencé à me sentir un peu mal, plus envie d'aller au boulot et productivité moindre (donc satisfaction moindre dans la vie), j'en ai reparlé à mon entourage, qui là m'a dit qu'elle était complètement folle.
Alors, au lieu de dire oui à sa manipulation, qui consiste à t'isoler avec les 1:1 et te faire croire que "la team" pense ce qu'elle pense. Te dire que tu crées des problèmes avec tes collègues, qu'elle a des plaintes sur toi lors de ses 1:1 avec les autres (chose facile car en 1:1 tu demandes "est-ce qu'il y a une personne avec qui ça se passe un peu moins bien ?") mais sans jamais donner de noms. J'ai commencé à repousser, et dire qu'il y avait peut être un malentendu avec mes collègues, et que j'avais envie d'en discuter. J'ai pris rdv avec le seul que je sentais en froid, pour lui dire que je ne souhaitais pas de mal, etc. tout s'est bien passé et il m'a compris, et a même été sympa. Mais la semaine d'après la cheffe me tombe dessus très grave, comme quoi que c'est inacceptable d'avoir un "argument" avec un collègue, etc. je ne sais pas ce qu'elle lui a dit, mais depuis cela, il est redevenu en froid contre moi.
Je dis alors un peu non à tout ça, en disant que je n'étais pas convaincu que mon comportement posait tant de problème avec les autres, surtout qu'il n'y avait ni preuve ni nom, et que les gens autour de moi ne comprenaient pas non plus. Alors, probablement sentant qu'elle perdait le contrôle psychologique sur moi, tout s'est escaladé en une matière de deux jours, pendant lesquels j'ai essayé de temporiser en lui demandant de m'écrire par e-mail et non par Slack, et en prenant un jour à répondre au mail (honnête je trouvais). Elle est venue par mail avec tout un tas de raisons selon lesquelles mon travail serait insuffisant par rapport aux exigences de l'entreprise, et a proposé un "performance improvement plan" et m'a mis la pression pour l'accepter d'ici le lendemain matin ou me barrer volontairement. Le plan contient plein de tâches très difficiles à réaliser sous 10 jours, et exigeant une perfection jugée sur des critères subjectifs ("une grande qualité de code et d'expérience utilisateur, tel qu'il sera jugé par la team").
Sous pression et ayant juste la soirée pour répondre, j'ai contacté un avocat selon les conseils d'une connaissance (et here comes la partie Nilesque, c'est grâce à un pote qui a rencontré un chef de syndicat dans une soirée réunissant couples en relation libre, j'ai eu ses contacts et son union travaille avec des avocats). La réponse a été de dire que je réservais ma réponse pour après analyse du plan avec mon avocat, car il ressemblait à une tentative de licenciement illégal.
Depuis c'est open warfare. Même si je ne dis rien et je ne fais rien pour attiser, elle observe mes faits et gestes, tous mes commentaires publics (elle le faisait déjà avant) et me reporte sur Slack chaque "faute" que je fais, en précisant "que ce sont des attentes que l'entreprise a de tous les collaborateurs". Elle m'a enlevé bien sûr le droit de faire du remote entièrement (alors qu'il y a genre 10% du personnel au "bureau", un espace de coworking) et m'a assigné des tâches pas mal plus merdiques. Je tente de survivre jusqu'à mercredi, date où j'ai enfin rendez-vous avec mon avocat, et je vais évaluer mes chances de gratter de la thune avec les maigres preuves que j'ai (ses mails et Slack pour l'instant ; pour la suite je vais enregistrer constamment), et sinon j'arrêterai les frais au plus vite.
Je sais qu'une bonne partie de la boîte (des hommes) sont aussi harcelés, mais ils ne souhaitent rien entendre, surtout pas témoigner ou faire quoi que ce soit. Ils sont malheureux, disent vouloir se barrer, mais ils sont encore là et jouent selon les règles de Madame, car son intimidation est bien réelle. Il y a encore une INFINITÉ d'efforts à faire pour que les hommes commencent à oser reporter les abus. Je pense qu'alors on verra que les femmes sont juste une sous-classe d'humains, tout autant capables de narcissisme et d'abus, avec les armes qu'elles ont.
