
Les troupes américano-britanniques tentent d'éviter des combats urbains
WASHINGTON (AFP) - Les forces terrestres américano-britanniques poursuivaient samedi leur progression vers Bagdad, en contournant ou "isolant" des villes au sud de l'Irak sans chercher à les prendre, une tactique visant à éviter des situations de combats urbains potentiellement dangereuses.
"Nous essayons d'éviter les combats dans les villes en raison des effets sur les victimes civiles et aussi les dégâts potentiels aux infrastructures", a affirmé le général-major Stanley McChrystal, vice-directeur des opérations à l'état-major interarmes, lors d'une conférence de presse samedi au Pentagone.
Selon des informations de sources militaires américaines, la ville de Nassiriyah, qui se trouve à quelque 180 km au nord-est de la frontière koweitienne, serait tombée aux mains des forces américano-britanniques.
Peu de détails étaient disponibles cependant sur les circonstances exactes de la prise de contrôle de cette localité, qui constitue un point de passage stratégique sur le fleuve Euphrate.
"Notre objectif très clairement est de briser la colonne vertébrale du régime irakien, tout en causant le moins de dégâts collatéraux que possible", a souligné la porte-parole du Pentagone, Victoria Clarke.
Les forces terrestres ont d'ailleurs déjà traversé "avec beaucoup de succès" l'Euphrate et poursuivaient samedi leur progression vers Bagdad, s'est félicité le général McChrystal.
Ces forces, dont les troupes de la 3ème Division d'infanterie (DI) mécanisée, ont déjà dépassé la ville de Nassiriyah, poussant vers le nord jusqu'à 240 km à l'intérieur du territoire irakien, a-t-il précisé.
Interrogé spécifiquement par un reporter sur les raisons pour lesquelles ces forces n'étaient pas entrées dans Bassorah ou dans Nassiriyah, le responsable a expliqué qu'une telle décision était prise "dans les cas où nous pouvons contourner et isoler (une ville) et continuer l'opération, en espérant que cette (ville) tombe sans combats féroces".
"Je pense que c'est dans l'intérêt de chacun", a-t-il ajouté, en précisant qu'il revenait aux commandants sur le terrain d'évaluer si oui ou non les forces ennemies dans la ville représentent une menace quelconque à ses propres lignes de communication".
Les forces américano-britanniques resserraient par ailleurs l'étau sur Bassorah, la deuxième ville d'Irak dans le sud, défendue notamment par la 51ème division mécanisée irakienne.
Mais elles n'entendent pas la "traverser" et y "créer des confrontations", avait indiqué plus tôt dans la journée le chef du commandement central des forces américaines (Centcom), le général Tommy Franks, qui dirige les opérations militaires.
"Nous essayons d'(y) négocier une reddition pacifique", a souligné un porte-parole britannique, le colonel Al Lockwood.
Mais, en usant d'une telle tactique de contournement ou d'isolement des villes et en poursuivant leur progression, les troupes au sol ne prennent-elles pas le risque de laisser derrière elles des unités irakiennes potentiellement dangereuses?
"C'est au commandant sur le terrain d'évaluer la situation", a estimé le général McChrystal.
Pour l'ancien colonel de l'Armée de terre américaine Bill Taylor, cette tactique est, en réalité, tout à fait sensée, l'objectif étant de minimiser au maximum les pertes civiles.
"Cela relève d'une "combinaison de guerre psychologique et d'opérations militaires", explique à l'AFP le colonel Taylor, en évoquant les moyens technologiques déployés sur le terrain qui permettent aux commandants de disposer d'une image en temps réel du champ de bataille.
"Si une unité irakienne tente d'avancer pour couper nos lignes de communications ou de ravitaillement en munitions, eaux et vivres, elle va devoir le faire comme en plein jour. Nous les voyons en permanence et nous les tuerons. Ils n'attaqueront pas", ajoute-t-il.
HALABJA (AFP) - Un journaliste australien, Paul Moran, 39 ans, a été tué samedi au Kurdistan irakien dans l'explosion d'une voiture piégée, tandis que dans le sud de l'Irak, trois membres d'une équipe de la chaîne indépendante britannique ITN étaient portés disparus après que leur voiture eut essuyé des coups de feu.
Le sort de trois membres de l'équipe d'ITN restait inconnu samedi soir et représentait "une source d'inquiétude croissante", 14 heures après que leur voiture eut essuyé des coups de feu dans le sud de l'Irak, selon la chaîne.
Le véhicule où se trouvaient le reporter britannique Terry Lloyd, le cameraman français Fred Nerac et l'interprète libanais Hussein Osman, tous travaillant pour ITN, a été pris samedi matin sous les balles alors qu'il se trouvait à Iman Anas, près de Bassorah.
"Quatorze heures après l'incident, nous n'avons toujours aucun élément concluant sur le sort de trois hommes portés disparus", a indiqué ITN dans un communiqué lu pendant le journal télévisé du soir.
"Cependant, les quelques éléments dont nous disposons représentent une source d'inquiétude croissante", a ajouté la chaîne.
"Dès que nous disposerons d'éléments concluants, nous informerons d'abord les familles, puis nous ferons une annonce", a précisé ITN.
Un autre cameraman de l'équipe, Daniel Demoustier, a été blessé mais il a réussi sauter de sa voiture en feu. L'équipe se rendait vers Bassorah dans deux véhicules séparés.
Selon l'hebdomadaire tabloïd Mail on Sunday, dont la journaliste Barbara Jones s'est portée au secours du caméraman, l'équipe d'ITN se serait retrouvée sous le feu d'une colonne de tanks "amie".
Citant un témoignage de Daniel Demoustier, le caméraman survivant, le Mail on Sunday affirme que les deux jeeps de l'équipe se sont retrouvées face à un groupe de soldats irakiens qui apparemment souhaitaient se rendre.
L'équipe d'ITN a immédiatement fait demi-tour, mais les tanks de la coalition américano-britannique commençaient déjà à tirer.
"Immédiatement, les tanks amis ont commencé à tirer à l'arme lourde dans notre direction. Les balles touchaient directement la jeep, faisaient exploser les vitres et trouaient la carosserie", a raconté Daniel Demoustier, cité par le Mail on Sunday.
"Je suis vraiment furieux que ce soit les alliés qui nous aient tiré dessus. Il est possible que les Irakiens aient été leur véritable cible, mais je suis sûr qu'ils se rendaient, et de toutes façons, ils sont tous morts en quelques secondes", a-t-il ajouté.
Sautant de sa voiture en feu, le cameraman s'est accroupi dans un fossé où il est resté tapi de longues minutes avant qu'une voiture transportant d'autres journalistes ne lui vienne en aide.
"Des forces britanniques et irakiennes se trouvaient dans la zone" au moment où l'incident est survenu, a indiqué une porte-parole de la chaine. "Des sources militaires irakiennes et de la coalition ont été dans l'incapacité d'indiquer où se trouvent les journalistes", a-t-elle ajouté.
ITN n'a pas évoqué les accusations de son caméraman dans son journal du soir.
Par ailleurs, selon des témoins et des journalistes, le journaliste australien Paul Moran, 39 ans, a été tué samedi matin, et trois peshmerga (combattants) kurdes et un autre journaliste blessés, quand une voiture a explosé à un poste de contrôle à l'extérieur du village de Khormal, où se trouve la base d'un groupe kurde islamiste qui venait d'être bombardée et détruite par des missiles de croisière américains. Les journalistes attendaient de pouvoir entrer dans le village quand un taxi est arrivé derrière eux et a explosé. Selon des témoins, le chauffeur a réussi à s'enfuir avant l'explosion.
Un correspondant de la chaine de télévision australienne ABC Eric Campbell a survécu à l'attaque mais souffre de légères blessures liées à des éclats et est en état de choc, a indiqué une porte-parole d'ABC à Sydney.
"Nous marchions vers la base et il (Paul Moran) marchait à 50 mètres devant moi pour faire une prise lorsqu'un taxi est arrivé à grande vitesse et a explosé. Nous avons été projetés en arrière, et Paul est mort", a déclaré Eric Campbell à ABC radio.
Paul Moran a longtemps travaillé comme caméraman freelance au Moyen-Orient, basé à Bahrein, avant de déménager à Paris l'an dernier. Il laisse une femme et un bébé, une petite fille.
La porte-parole d'ABC n'a pas pu préciser si d'autres journalistes se trouvaient parmi les neuf personnes présumées blessées dans l'attaque.
Paul Moran est la première victime australienne de la guerre contre l'Irak, dans laquelle sont engagées les forces australiennes.