Yoshi Noir Le 24/04/2017 à 09:50Edité par Yoshi Noir le 24/04/2017 à 10:44 Eh bien, les urnes ont parlé, et le résultat qui en sort est tout sauf rassurant. J'ai presque envie de dire que c'est confirmé, la France a les politiques qu'elle mérite.
Macron : franchement, c'est tout bonnement incompréhensible. Est-ce que c'est sa jeunesse qui a fait sa popularité ? Est-ce que ce sont ses propositions de renverser les paradigmes en trompe-l'œil qui ont séduit ? Pendant cinq ans, on a conchié un président de la République pour tout et n'importe quoi, parfois à tort, souvent à raison : allègements fiscaux pour les entreprises et ceux qui ont un capital, hausse des cotisations retraites, nouveaux cadeaux fiscaux pour les retraités « modestes », état d'urgence, ventes d'armes à des pays alliés instables, loi Travail, etc… Là, on vient juste de donner un ticket pour l'instigateur d'une bonne partie de ces mesures ! Il faut croire que le français moyen croit toujours à cette chimère de la compétitivité et accepte de se faire entuber pour uniquement plaire à des indicateurs économiques abstraits. Pour moi, Macron, c'est le début d'une mutation de la France en deux groupes. D'un côté, une France urbaine avec un immobilier cher et où l'activité économique s'y concentre de sorte que toutes les grandes villes avec un pôle universitaire fort ou une industrie historique fortement implantée se transformeront petit à petit en ce qu'on peut voir à Seoul ou à Hong Kong. De l'autre, une France rurale dans laquelle il sera très difficile de s'en sortir si on a le malheur de foirer ses études, et où il n'y aura point de salut si on ne travaille pas au SMIC dans l'une de ces enseignes nationales ou internationales qui s'implantent dans ces centres commerciaux tout nouveaux tout beaux en périphérie de ces gros villages.
Le Pen : corollaire de ce que j'ai écrit précédemment, elle est la candidate de tous ceux qui ne peuvent pas trouver de boulot manuel dans l'industrie vu qu'on a tué cette dernière en France. Le Pen sait qu'elle ne peut faire de gros scores dans les métropoles dont l'électorat est sensiblement plus cultivé et ayant un meilleur accès à la documentation pour vérifier si ce qu'elle ou ses militants relaient sur Facebook est vrai. Le Pen cible surtout la France des campagnes, celle de ces villes moyennes qui périclitent faute d'attractivité. Pourquoi elle fait des cartons dans le sud-est ? Parce que y'a que dalle là-bas, hormis du soleil et des riches retraités qui attendent de finir leurs jours tout en profitant de leurs rentes. Pas d'industrie. La vie est chère en plus, et nombre de ces habitants sont au chômage ou au RSA. Ils se souviennent que dans un passé pas si lointain, ils pouvaient s'acheter « plus de trucs ». Ce passé pas si lointain, c'était juste avant la mise en circulation de la monnaie en euros. Quoi de mieux que de surfer sur cette détestation de cette Europe des services, qui ruine les habitants du continent et qui impose des règles présumées à la con, tout en se donnant une image de Robin des Bois en se faisant élire au Parlement Européen, sans se douter que c'est le contribuable français qui finance l'UE ? Ajoutons à ça une population aux racines maghrébines en fort nombre dans ces contrées méditerranéennes et il suffit qu'un jour on voit un groupe de ces gens-là faire les cons pour faire ressurgir à chaud le cliche de l'arabe branleur à côté du français qui trime. Comme le disent bien les analystes politiques, Macron vs. Le Pen, c'est avant tout un référendum sur la mondialisation et le capitalisme. Stop ou encore ?
Fillon : aucun intérêt de voter pour lui à moins d'être un baby-boomer qui jouit de ses rentes locatives. Il promettait « du sang et des larmes ». Il promettait un remède de cheval à la Thatcher en oubliant au passage qu'elle a accédé au pouvoir il y a 35 ans, ce qui est plus qu'une éternité en politique et en économie. Il promettait ni plus ni moins que d'augmenter la TVA et les cotisations retraites, tout en exonérant d'ISF ceux qui avaient un patrimoine immobilier conséquent. N'importe qui qui avait lu son programme aurait compris que Fillon n'était PAS le président du pouvoir d'achat ; c'était le président de l'asservissement accru des actifs envers les retraités. D'ailleurs, les vieux l'avaient bien compris, on ne voyait que du cheveu blanc dans ses meetings. Maintenant, parlons de ses multiples affaires dont la publicité a commencé fin janvier. Fillon s'est mis TOUT SEUL dans la merde. Il pouvait balayer l'affaire Penelope d'un revers de main. Ce sont ses explications qui l'ont trahi et qui ont écorné l'image qu'il s'était construite pendant la primaire LR. Les journalistes n'ont fait que leur travail. Les juges n'ont fait que leur travail. Il y a des faits et des interviews accablants qu'on ne pouvait pas interpréter autrement. Fillon a détourné de l'argent pour s'assurer un train de vie insoutenable financièrement, c'est la seule conclusion possible au-delà de tout doute raisonnable. Invoquer du complot par-dessus le complot pour nier cet état de fait, c'est faire preuve d'une incapacité notoire à appliquer le rasoir d'Occam. D'ailleurs, les militants l'ont bien compris en allant agresser des journalistes ou en expulsant des gens dont « la neutralité était suspecte ». Malheureusement, on n'a pas encore tiré la leçon du fait que vieillesse n'implique plus forcément sagesse et que ces vioques se sont comportés dans l'ensemble comme de vulgaires hooligans. Pis encore, vers la fin, Fillon a trumpisé sa campagne par tous les moyens en se mettant dans les pas de la droite décomplexée de Sarkozy et en invitant dans la campagne des groupuscules dont la frontière avec l'extrême-droite était poreuse. Fillon s'est créé son propre monde, s'est creusé sa propre tombe et a fait fuir la droite « modérée » type Juppé. Le seul mérite, c'est que toute cette droite-là a rejoint maintenant Macron, au risque d'entretenir l'UMPS chère à Marine. Ce scrutin a aussi eu l'avantage de montrer définitivement que voter LR juste pour l'étiquette, c'est croire à un bipartisme définitivement obsolète.
Mélenchon : il a fait une excellente campagne. Aucun gros couac à déplorer, si ce n'est le flou sur son positionnement dans l'alliance bolivarienne au détriment du MERCOSUR. Ce qui a coûté sa place au second tour ? Les militants FI, à peu près aussi détestables que des militants UPR. N'importe quelle critique envers Mélenchon, fondée ou non, et c'était le torrent de merde assuré ; Joann Sfar en a fait l'amère expérience.
Hamon : de bonnes idées, simplement développées dans le mauvais pays et avec la mauvaise étiquette, vu la droitisation du parti socialiste qui l'a fait basculer au centre-droit. La France attache encore une trop grande importance au travail. Mon candidat idéal était au final les propositions sociales de Mélenchon mixées avec le positionnement international de Hamon. Tant pis.
Poutou : ses scuds contre Le Pen et Fillon sont restés sans lendemain, et c'est bien dommage.
Asselineau : c'est bien gentil de militer pour lui et de spammer des vidéos Youtube de 2 heures sans esprit de synthèse. C'est bien gentil de faire de la sortie de l'UE le fer de lance du programme avec des interprétations capillotractées de la Constitution. C'est juste très insuffisant, et un programme ne se limite pas à un truc et de voir le reste après. De toutes façons, ayant lu des échanges entre militants UPR et gens « normaux », je peux sans conteste affirmer qu'entretenir une discussion avec les premiers relève du sacerdoce et qu'il faut être insensible à la débauche de mauvaise foi déployée. Par ailleurs, quand on fait moins qu'un béarnais qui tond sa pelouse torse nu sur un terrain en pente et qui pose devant une Citroën DS, il y a peut-être quelque chose à revoir.