Bon pas grand chose à ajouter sur le fond (+1 The Cure). Dans les détails :
- La Russie est une démocrature ; la Géorgie est une semi-dictature (il y a des réfugiés politiques géorgiens en France, mais je ne crois pas qu'il y en ait des russes

) ; Sakaashvili est un clown et un mytho (qui faisait des conférences de presse avec le drapeau européen dans le dos..) qui se croyait invincible car soutenu par l'occident, et surtout les US. Il a attaqué l'Ossétie, et donc l'armée russe qui se trouvait là dans le cadre du maintien de l'ordre, et les russes ont réagi "à la russe".
- L'implication américaine qui ne fait pas trop de doute. La Géorgie grouille depuis des années de conseillers militaires américains (ce n'est pas forcément signe d'une implication directe du gouvernement US, ça peut être des freelance qui cherchent du boulot... mais enfin bon...). Rice est passé voir le président géorgien peu de temps avant la crise : qu'est ce qu'elle lui a dit? Le Canard enchaîné parle d'officiers US au côté des géorgiens au moment de l'offensive contre l'Ossétie. Et les US ont rapatrié eux même d'Irak les soldats géorgiens (ce que la Russie a pris comme un acte très inamical).
- A propos de légitimité : si j'ai bien compris (pas sûr, avec cette saleté de presse française... un journal de "référence" (ha ha) comme le Monde publie le tourisme de propagande de BHL mais n'est même pas capable d'expliquer les ressorts techniques du conflit), si j'ai bien compris, donc, la Russie a un mandat de la CEI pour le maintien de l'ordre en Ossétie, et il y a une résolution de l'ONU prenant acte de ce mandat. Il me semble donc que la Russie s'est attaché à entourer ses actions d'une certaine légitimité (embarrassant les diplomaties américaines et européenne). Bien sûr elle interprète le mandat d'une façon très large, mais en même temps la présence russe en Ossétie a subi une attaque militaire directe.
Cette politique de légitimité se retrouve aussi dans le fait que jusqu'à il y a quelques jours, la Russie n'avait pas reconnu l'indépendance ossète (malgré un referendum local parfaitement clair, malgré le fait que le problème persiste depuis la chute de l'URSS, et malgré le fait que ce territoire est indépendant
de facto depuis déjà quelque temps). Tout cela est cohérent avec le refus russe de reconnaitre l'indépendance du Kosovo.
- Malgré tout, au bout de l'escalade diplomatique, la Russie a fini par reconnaître les indépendances abkhaze et ossète. Bon alors d'un côté 1) Il est difficile de faire comme si rien ne s'était passé, le statu quo ante bellum et la vie commune avec la Géorgie sont devenus un peu illusoires. 2) Les abkhazes et les ossètes attendaient ce geste de la Russie.
Mais de l'autre côté je suis quand même sceptique, je ne sais pas si c'est sage de la part de Medvedev-Poutine (et la diplomatie occidentale n'est pas sage non plus : une diplomatie de l'intransigeance n'est pas raisonnable quand on n'a pas les moyens de l'intransigeance, c'est à dire pas de moyen de pression sur la Russie). C'est un coup de plus à l'ordre international qui prévalait depuis 1945.
- A propos de la politique à avoir avec les voisins de la Russie : il faut vraiment arrêter de les draguer et vouloir à tout prix y étendre l'OTAN ou l'UE. C'est un acte agressif, et c'est un acte vain.
Je pense vraiment que le destin raisonnable, pour un petit pays qui borde une grande puissance, c'est la finlandisation. (C'est à dire la politique de neutralité bienveillante et l'humilité diplomatique de la Finlande au cours de la guerre froide - pays qui n'a jamais adhéré à l'OTAN, et n'a jamais été visé après la guerre par les appétits staliniens.)
- Ayons en tête également qu'une constante de la politique russe, c'est son problème de l'accès aux mers européennes.
L'accès à la mer du nord d'une part (d'où l'Oblast de Kaliningrad, petit confetti séparé du reste de la Russie, et qui n'est pas sans conséquence dans ses relations avec l'Union Européenne...).
Et puis la mer noire au sud : avec une Géorgie hostile et potentiellement membre de l'OTAN, on coupe symboliquement, militairement, et pourquoi pas commercialement ses liens avec la mer noire.
- A propos de l'ambiance en France :
Je peux me tromper, ce n'est qu'une impression, mais il me semble qu'il y a au fil des années une radicalisation antirusse chez, mettons, les journalistes/politiciens/élites (pour faire court). Par exemple il y a le papier de BHL (quoiqu'on a l'habitude), ou le titre ahurissant de l'Express. Par contre, dans les réactions de lecteurs sur internet, autour de moi, (et même dans ce topic...) il y a une radicalisation opposée. Non pas tellement que le public devienne soudain pro-russe, c'est plutôt que la mayonnaise anti russe ne prend pas et la réaction majoritaire est plutôt un cynisme égalitaire bien français : des méchants russes impérialistes, soit, mais l'impérialisme russe n'est pas moins légitime que l'américain, et il a fait moins de mal pour l'instant.

SOLDAT GEORGIEN TYPIQUE
Prehisto (./31) :
Tiens, une petite question directement pour Hippo (mais si d'autres se sentent de répondre, qu'ils n'hésitent pas, bien sûr) : il est passé où l'idéal de paix, partagé avec la France, de la Russie ? (dont tu avais parlé ici)
Alors par contre la Russie n'est pas pacifiste au sens du "pacifisme" européen (lequel ne consiste d'ailleurs pas à ne pas faire la guerre, mais à s'écraser et à faire la guerre des autres, cf l'Afghanistan...)
Ca reste un pays jaloux de sa souveraineté ; le seul pays qui a la parité nucléaire avec les US, et qui entend défendre la place qui lui revient de ce fait. Autour de la Russie il y a un glacis de pays (Ukraine - Biélorussie de notre côté, Géorgie au sud, etc...) forgés par l'histoire, et la Russie ne tolère pas trop qu'on y mette les pattes, et est prête à mettre le paquet pour s'y faire respecter (remarquer quand même que la Russie ne s'est occupé militairement de la Géorgie qu'en réponse à une attaque militaire de sa part, pour l'Ukraine elle trouve des moyens de pression plus soft - espérons quand même que les USA et l'Europe ne pousseront pas trop loin en Ukraine, car les choses finiraient par dégénérer... Enfin, le président ukrainien a une cote de popularité qui tourne maintenant autour de 10%, le prochain sera peut être plus raisonnable).
Bon, mais à part l'intransigeance d'une nation qui défend son rang et qui n'hésite pas à riposter (brutalement) à ses petits voisins qui lui mordent les mollets, je maintiens que la vision globale des élites russes est pacifique, et que, quand on les laisse en paix, elles recherchent un monde apaisé et respectueux du droit. En fait je dirais que la Russie s'encombre peu de morale (droit de l'hommisme et cie) mais beaucoup de légalité/légitimité (ce qui correspond bien au trip "dictature de la loi" du pouvoir actuel) ; pour les USA c'est exactement le contraire, et l'attitude russe me paraît une meilleure base pour construire un ordre international qui tienne la route.
Je changerai d'avis sur l'agressivité russe quand il se passera des trucs de cet ordre :

1) La Russie vend un bouclier antimissile à Cuba et au Venezuela pour "intercepter les missiles iraniens", les USA protestent et proposent comme compromis une base en Irak, la Russie refuse et installe en force son matériel chez Fidel et chez Hugo.
2) La Russie ressuscite le pacte de Varsovie, et l'étend au fil des années au Canada, à Cuba, au Mexique, au Venezuela...
3) Cuba vire à coup de pieds au c*l les américains de Guantanamo, et donne la base militaire aux russes. (ben oui c'est aussi ça qui se passe en Géorgie : ils ont éjecté les russes des anciennes bases soviétiques (soit, c'est inamical mais c'est leur droit..), pour les remplacer par une présence militaire américaine (la pilule est un peu grosse à avaler!))
Quand à la diplomatie autrefois pacifique de la France... et bien, c'est la "rupture" sarkozyste, non?

Nous ne sommes plus en phase avec la Russie, et en fait nous sommes en déclin rapide, cette présidence est une vraie catastrophe.
En cherchant à nous aligner sur les US, nous avons abandonné notre discours spécifique, et donc la France se trouve réduite à sa dimension concrète : une puissance moyenne sans indépendance. Et qui dans le monde peut bien s'intéresser à une puissance moyenne suiviste qui n'a rien à dire?
Du coup le leadership européen est passé à l'Allemagne (zavez remarqué comme la diplomatie allemande se fait plus active?)
Nous avons été humilié par l'Allemagne, humilié par la Russie. Nous nous sommes embourbé dans des clowneries libyennes et des chinoiseries. Nous nous sommes sur engagés à la va vite en Afghanistan. Sarko se précipite là bas dans le cadre d'un plan com' s'adressant aux français, mais c'est une vraie catastrophe de com' vis à vis des afghans...

Bon, pour revenir au sujet, dans cette crise on manque vraiment d'un couple Chirac-Schröder.
Schröder s'est exprimé au sujet de la crise en cours, et a pris position pour les russes. Bien sûr sa position n'est pas de celles où il peut être objectif : il termine sa carrière dans le conseil d'administration d'un grand groupe russe, poste offert par son copain Poutine. Néanmoins il est bien représentatif des intérêts communs entre l'UE et la Russie. Quant à Chirac je ne crois pas qu'il se soit exprimé publiquement?
Chirac-Schröder au pouvoir auraient été plus coulant avec les russes, je pense, et peut être que ça aurait permis une sortie de crise plus relax (Relais passé à l'OSCE? Résolution de l'ONU pour arranger le coup?). Ca aurait permis d'éviter une autre reconnaissance unilatérale.
Les diplomaties européennes et surtout américaines ne font qu'"exiger" des choses qu'elles n'ont pas les moyens d'exiger, c'est une impasse qui ne mène qu'à radicaliser tout le monde. Ou alors on finira par être obéi, sur une nouvelle humiliation de la Russie, mais pour quelles relations futures?
Le reste du monde (ancien tiers monde, arabes, chinois...) se garde bien de se rallier à l'"occident"... Pour l'instant il me semble que la Chine est, en langage diplomatique, "soucieuse".
Parce que quand Medvedev annonce « Nous n’avons pas peur d’une nouvelle guerre froide avec l’occident », ça fait pas très pacifique comme discours ... 
Oui :/
Mais la guerre froide, c'est une hostilité sans guerre : le pouvoir russe n'a pas l'intention de plier, mais n'a pas l'intention non plus de frapper le premier.
Montesquieu disait ça aussi, il me semble. Plus l'Etat est grand, plus il est autoritaire.
Comme les Etats Unis, grand pays libéral, et la petite Corée du Nord totalitaire?
Comme l'Inde, la plus grande démocratie du monde, et la Birmanie 24 fois moins peuplée?
Ou le grand Brésil et le petit Cuba?

Bon ya quand même un fond de vérité : ces grandes nations impériales et universalistes que sont la Chine et la Russie ont bien enflé au cours de leur histoire. Donc, par construction, elles sont grandes et autoritaires.