iwannabeasushi (./917) :
Le libéralisme ça ne veut pas dire accepter tout et n'importe quoi.
Ta vision n'est pas libérale, voilà tout.
Mais ce n'est pas très grave, hein. Il y a tellement d'antilibéraux qui au fond sont plus libéraux que les gens qui se prétendent tels et qui aiment l'inégalité plus que la liberté. Le terme libéral est de toute façon tellement galvaudé qu'il ne veut pas dire grand chose, pas la peine d'en faire d'en faire une revendication identitaire pour tenter d'anoblir des positions bien faibles.
Je suis assez d'accord sur la politique industrielle qui malheureusement se heurte aux revendications domestiques,
L'absence de politique industrielle est Europe est le résultat automatique de votre construction européenne.
Votre problème, commun à tous ceux qui ne sortent pas de leur bulle idéologique, c'est que vous n'avez aucun réalisme politique. Vous n'arrivez pas à voir les conséquences élémentaires de vos actes, ou alors vous les ignorez au nom de l'Idéal.
Enfin je ne suis pas nécessairement contre un tarif extérieur, mais il faut faire ça dans les règles de l'OMC (règles de la nation la plus favorisée)
C'est une réponse désinvolte qui ignore l'importance de la question. La stratégie politique à employer doit être examinée rigoureusement et sans préjugé. Nous avons tout à fait le poids pour faire plier l'OMC, et il se peut qu'une rupture franche soit préférable. Il se peut également qu'une solution négociée et consensuelle soit préférable : c'est le rôle des analystes politiques et économiques d'étudier en profondeur les différents scénarios.
Mais la question stratégique est pour l'instant secondaire, ce dont il faut se préoccuper dans un premier temps, c'est de faire du tarif extérieur commun *la* priorité politique européenne. Car c'est exactement là que se joue l'unité du continent ; par rapport à cette question la monnaie n'a guère d'importance, le budget commun est sans intérêt et produire des kilomètres de papiers encore moins.
et ne pas vivre sur l'illusion qu'on est indispensable au reste du monde.
Actuellement nous sommes indispensables au reste du monde.
Nous sommes, depuis peu de temps, et pour une durée sans doute limités, dans la position d'imposer une orientation économique au monde.
Je ne dis pas que les dettes datent de 1930 mais elles sont clairement due aux politiques de relance keynésienne.
Mais les dettes, c'est *votre* problème.
Vous êtes obligé d'y recourir pour faire marcher votre système dépressif. Ne rejette pas sur ceux qui n'ont pas le pouvoir la faillite du système que tu défends.
Et la politique classique ne cherche certainement pas à comprimer la demande...
L'horizon actuel c'est la recherche de l'excédent commercial, donc, fort logiquement, la contraction de la demande intérieure.
C'est notre monde halluciné où les entreprises s'acharnent à réduire coûts salariaux et donc demande intérieure à coups de plans sociaux et autres restructurations, pour rester compétitives sur des marchés perçus comme nécessairement extérieurs.
Derrière ces visions pathologiques il y a le narcissisme contemporain : l'incapacité des cercles dirigeants de voir les réalités sociales agrégées. L'incapacité de voir que la demande extérieure d'une nation s'intègre à la demande intérieure de l'autre, et qu'au niveau mondial il n'y a aucune demande extérieure : contracter la demande intérieure, c'est contracter la demande tout court.
Et nous voilà dans un monde en contraction, qui a besoin du prozac financier pour survivre... temporairement.
c'est pour cela qu'il faut une politique budgétaire européenne pour aller de pair avec la politique monétaire.
Le budget de l'UE est déjà bien trop élevé.
C'est la suite logique de l'euro.
Vu le succès financier de l'euro, autant arrêter les frais de ce côté là

Le protectionnisme éducateur auquel tu fais référence n'est pas du tout conçu pour s'appliquer aux pays les plus développés... C'est un sophisme que tu tentes là.
Je l'ai dit et je le répète, tu as une vision statique et malthusienne de l'économie. C'est normal, c'est une perception typiquement classique (la théorie des avantages comparatifs est un point de vue adapté aux économies agricoles stagnantes), ainsi que typiquement communiste (il y a entre marxisme et économie classique une parenté de pensée qui les oppose aux économies du développement - keynésienne et listienne).
Ils ont l'illusion qu'il existerait un état "développé" de l'économie à partir duquel tout s'arrête. Il n'en est rien, le processus de développement est éternel. Les nations les plus développées aujourd'hui sont très en retard par rapport à l'économie de 2100, et les économies les plus avancées de 1900 sont archaïques par rapport aux nôtres. Le développement étant éternel, les politiques publiques n'ont aucune raison de s'arrêter arbitrairement à un stade quelconque, l'intervention publique est éternelle elle aussi.
Une forme de protectionnisme est parfois utile, mais l'est surtout pour ceux en retard.
Elle est effectivement indispensable aux pays qui décollent (non seulement indispensable, mais psychologiquement naturelle).
Elle est tout aussi utile aux pays avancés, et je recite le cas du déclin britannique au tournant du XXième siècle.
L'Europe n'en tirerait donc pas de bénéfice si grand que tu sembles le croire, et je trouve que tu mets trop l'accent sur ce protectionnisme.
Non seulement elle en tirerait des bénéfices économiques pour elle-même et pour son équilibre commercial, tout en encourageant l'économie mondiale tout entière à recherche d'équilibre, mais en plus c'est le protectionnisme qui génère les identités collectives. Le Zollverein a fait l'unité allemande bien avant les canons.
Le problème n'est pas la taille de notre industrie financière, mais la capacité des établissements bancaires à déplacer leurs activités ailleurs, et c'est très facile en Europe.
Mais qu'ils le fassent !
Donc la régulation mondiale est évidemment optimale, la régulation européenne un optimum de second rang et enfin une régulation nationale serait contre productive.
Pourquoi cette incohérence? Ce serait un optimum de troisième rang, tout simplement.
Une régulation européenne aura lieu, et comme tu l'admet elle marchera.
Une régulation européenne n'aura pas lieu dans les circonstances actuelles, la Grande-Bretagne et l'Allemagne n'en voulant pas. Et d'ailleurs fondamentalement les élites françaises n'en veulent pas non plus, c'est juste un mouvement d'humeur superficiel.
Oh, bien entendu, on trouvera des présidents qui raconteront qu'ils ont moralisé le capitalisme avec leurs petits bras musclés.
L'opinion américaine a très mal vécu le bailout, et si Obama perd les midterms, il peut très bien taper sur les banques pour se relancer pour 2012.
Il peut faire des gestes médiatiques.
La Chine qui développe justement sa consommation domestique pour être moins soumises aux crises extérieures (cf les déclarations de Wen Jiabao) ?
Si elle se met à faire du keynésianisme pour se protéger des crises, effectivement je n'ai rien à redire.
Mais bon, les déclarations des dictateurs chinois...
Enfin le déficit commercial n'est pas nécessairement mauvais, ce sont les déficits jumeaux qui sont dangereux.
Bof, si, le déséquilibre commercial est nécessairement mauvais.
Dans le monde parce que c'est ce que les européens ont légué à leurs colonies, l'image de l'Etat nation.
Ce n'est pas aussi simpliste. C'est une dynamique interne aux sociétés de l'ancien Tiers-Monde. L'alphabétisation, l'état-nation, la démocratie et le développement économique sont quatre volets (culturel, psychologique, politique et économique) d'un même processus historique.
Mais non, le décollage économique est endogène.
Ca n'empêche que c'est favorisé par le libéralisme
Le lien de cause à effet est exactement inverse.
D'autre part libéralisme n'a pas le sens ici d'économie classique.
Mon coeur dit oui, ma raison dit non sur le protectionnisme.
Au fond c'est l'inverse.
Pour le reste, oui les grands blocs continentaux culturellement homogènes sont notre futur.
En Europe ça va pas être possible de faire culturellement homogène.
C'est assez présomptueux de penser qu'on ne reproduirait plus les mêmes erreurs que nos ancêtres.
Alors il est présomptueux de faire de l'Histoire.
Et quand bien même ce serait vrai, l'interconnexion des intérêts rendu possible par l'UE rend impossible tout nouveau conflit.
Je n'y crois pas une seconde.
Les états, autant qu'avant et même probablement plus qu'il y a 30 ans, ont des intérêts nationaux divergents. Quant aux prises de positions économiques sensées empêcher les guerres, l'expérience historique a montré à de nombreuses reprises que quand l'heure du combat arrive, la réorganisation économique sur des bases nationales est très rapide.
Flanker (./934) :
Mais si, le niveau moyen augmente, mais parce que celui des plus riches augmente bien plus vite.
iwannabeasushi (./946) :
Le coefficient de Gini ne s'est pas détérioré en France ces dernières années, il n'y a pas plus d'inégalités qu'avant...
Le sentiment dominant est correct : les inégalités en France se sont considérablement renforcées, et ça correspond tout à fait au tournant des années 70, avec une grosse accélération dans les années 80.
Ces questions sont assez délicates et il est facile de se laisser piéger par des chiffres trop naïfs.
Par exemple, on constate que les écarts de salaire entre cadres et ouvriers ont considérablement diminué après 1968. mais il s'agit d'une illusion statistique due à l'augmentation des salaires au cours d'une vie humaine. Les ouvriers se raréfient et vieillissent, alors qu'il y a une vague d'embauche de jeunes cadres après 68.
Pour comprendre la dynamique des inégalités, il faut à tout prix adopter un point de vue générationnel (comparer par tranche d'âge) et tenir compte de la dynamique des salaires au cours d'une vie.
On se rend alors compte que l'écart entre ouvriers et cadres n'a pas du tout diminué, il a au contraire considérablement augmenté. Pendant les trente glorieuses, l'écart temporel entre ouvrier et cadre (c'est à dire le temps au bout duquel le salaire de l'ouvrier rejoint celui du jeune cadre) était d'une quarantaine d'années. En 1980 ce chiffre monte déjà à 65 ans, et depuis 1985 il plane à plus de 300 ans. Les classes sociales, qui avaient un peu fondu pendant les 30 glorieuses, se sont donc reconstituées avec une extrême netteté depuis le triomphe des théories néoclassiques.
L'étude générationnelle permet de mettre en évidence des mutations sociales de grande ampleur que les indicateurs statistiques trop globaux (comme l'indice de Gini) tiennent cachés pendant des décennies. Un chercheur de référence dans ce domaine est Louis Chauvel, et je vous conseille la lecture de :
-
http://louis.chauvel.free.fr/ofceralentissementgenerationnel5.pdf-
http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/9-79.pdfPar exemple, sur le tableau 2 de la page 5 du premier document, on voit avec netteté les effets paupérisants de notre politique économique, avec toute cette jeune génération appelée à devenir une classe de pauvres dans un pays de vieux riches. Décidément tout cela coïncide avec le tournant des années 70.