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Mais la logique de Ernestine dans notre article, est que les hommes, en tant que groupe, répètent ces actions envers les femmes, en tant que groupe. Donc si 5 femmes se font frôler de trop près par 5 hommes dans la même journée, c'est du harcèlement du premier groupe (les femmes) par le second.
Si en tant qu'homme, tu as durant l'année deux ou trois fois collé un peu trop près une fille, ou essayé de la draguer lourdement à un arrêt de bus alors qu'elle n'était visiblement pas intéressée, tu peux te dire "ça va, je fais ça rarement, je ne suis pas un harceleur". Et je te dirai que tu as raison.
Maintenant, prends la place de cette femme que tu as dragué lourdement. Une fois. Ce qui ne semble pas grave. Mais maintenant, tu reproduis ce schéma plusieurs fois par mois, par semaine, voire plusieurs fois par jour (la fréquence dépend de l'environnement, le physique, les habitudes...). Et que dans la majorité des cas ce soit par des mecs qui font ça "rarement" (dans l'idée "seulement si la fille me plaît vraiment, je ne suis pas comme ceux qui accostent toutes les nanas"). Tu n'es pas un harceleur, soit. Mais la femme, au final, a bien des raisons de se sentir harcelée par ce cumul.
C'est un comportement de groupe en effet. Tu peux te dire "j'ai pas l'impression de faire du mal, mais je peux arrêter... ça va changer le monde ?". La réponse à ta question sera non, mais si ta décision prenait place dans des millions de personnes en même temps, les femmes qui se retrouvent dans ce cas auraient peut-être moins l'impression d'être constamment accostées, collées, intimidées.
Je sais que ce n'est pas un point de vue facile à comprendre, qu'on peut le sentir exagéré en tant que mec à se dire "non mais c'est pas si grave pourtant, comme c'est monté en épingle". Je dirais que notre société a de grandes racines patriarcales. La société a beaucoup évoluée ce dernier siècle au point de vue des femmes. Pour énumérer quelques uns : le droit de vote, le droit au travail, la pilule et l'avortement, le mariage libre (sans consentement des parents), le rôle de mère célibataire (sans que ce ne soit une honte), la libération de leur sexualité... Tous ces points sont des éléments où on pourrait se dire "c'est bien pour elle que ce soit arrivée". Mais avant que ce ne soit le cas, on était plutôt à se dire "Quoi ? mais vous exagérez là. Ce n'est pas comme si elles en avaient vraiment besoin."
Cette question de lutte contre le harcèlement, cette "dictature du féminisme" comme on l'entend, c'est peut-être simplement un autre changement social envers les femmes qui s'installe peu à peu, qui bouscule l'habitude de se dire "non mais le problème n'est pas si grave", et dont quelques décennies après on se dira "quand même, à cette époque, les hommes n'avaient aucune tenue, les femmes n'étaient jamais tranquilles". La généralisation sera facile ("Heureusement, ce n'est pas comme ça de notre temps"), mais quand les mentalités évoluent, c'est un choc entre deux générations, entre ce qui était acceptable et ce qui ne l'est plus.