Nil (./183) :
mais en fait, j'ai l'impression que tu ne me lis pas, en fait, ou alors en diagonale
Ne t'inquiètes pas ce sentiment est largement réciproque ! Nil et very, ça fait l'effet d'un couple qui ne se comprend jamais mais s'aime suffisamment pour s'engueuler tout le temps, et je les soupçonne même d'aimer ça ! Il y a de la perversion réciproque là-dedans...
J'entends bien ton argumentation de surface (le rap et le foot sont des activités culturelles, etc. ), mais deux choses me font tiquer :
- On ne peut pas simultanément approuver ma définition d'une activité culturelle et dire que les gens qui en pratiquent sont minoritaires....
- Ta croyance à des lieux de "non-culture" d'où tu tires ton appel à un dirigisme culturel ( qui s'orientera toujours vers des disciplines "nobles" et un public "urbain" avec un peu de temps, le meilleur exemple est celui-là même que tu as donné plus haut avec ton historiette d'opéras ) ne peut pas du tout resposer sur la même conception que moi...
Nil (./183) :
je ne fais d'ailleurs aucune distinction entre "culture populaire" et "culture d'élite" (c'est toi qui, le premier, a tenu à les différencier, si je ne m'abuse)
Mais parce que c'est la distinction qui a été socialement opérante pendant des millénaires ! L'auto-reproduction des élites ne venait pas du tout du fait que le peuple n'avait "pas de culture", mais une culture distincte de celle des classes dominantes. (ou pour le dire autrement, les classes dominantes cherchent toujours à se différencier et à se légitimer par des formes "propres" de cultures )
Le bouleversement moderne c'est peut-être l'irruption de la culture des masses qui bouscule un peu ce vieux schéma; mais paradoxalement :
- La culture des masses n'est pas strictement populaire, elle touche largement toutes les classes moyennes voire les élites.
- La culture des masses, au contraire de toutes les cultures traditionnelles, est une culture de la réunification des classes et des corporations (en ce sens, elle est fasciste ^^ ); elle haït la spécification et l'isolement endogame qui était une caractéristique de ces vielles cultures de classes, de corporations et de villages ; bref en un mot en première apparence elle favorise effectivement le mélange social et ethnique via le nivellement de tous. ( à un niveau assez bas.... )
- Sa limite effective au brassage généralisé vient seulement des processus de différenciation culturelle toujours à l'œuvre ( par ceux qui aspirent aux classes dominantes et veulent se légitimer et protéger ), et comme les instruments d'acquisition de la culture dominante ( école classique) ne fonctionnent plus, ça en devient encore plus difficile pour le populo de base d'en arriver tout-à-fait en haut de la pyramide. En contrepartie l'accès aux classes moyenne lui est facile car la distance culturelle qui l'en sépare tend vers le 0.
- La seconde limite de la culture des masses, que l'on commence à voir se mettre en oeuvre, et sur laquelle je fonde tous mes espoirs, c'est l'effet de l'abrutissement généralisé et de la dépossession de tout savoir exigeant qu'elle implique désormais, puisque sa logique est de niveler continuellement ver le bas.... A partir d'un certain moment, même les fils de profs ne pourront plus faire ingénieur car ils ne sauront plus compter, et c'est bien ce que l'on a déjà aux USA p.ex.
Donc toi tu dis que la culture des masses c'est pas terrible et tout et tout. Ouais ok. Mais un monde plus classique sans culture des masses mais avec une culture toujours stratifiée socialement (processus imparable) n'arrangerait pas beaucoup plus l'ascenseur social ni le niveau d'éveil spirituel moyen (un peu peut-être, mais pas au niveau que tu souhaiterais), et il me semble que ce sont les principales raisons qui te motivent quand tu souhaiterais que tout le monde pratique de saines activités culturelles...
De toute manière il me semble que tu te trompes fondamentalement sur l'aspect bénéfique d'une bonne culture. Elle ne porte avec elle ni consolation ni réconfort ni bien-être, ces mythes incroyables sont totalement infondés...
Sally (./186) :
Et passer sa journée devant la télé par exemple, c'en est une ? bon, non, parce que c'est pas une activité du tout...
Il y a bien un culture de la télé et une culture des jeux vidéos.
en fait voilà, peu importe l'adjectif de culturel et les jugements de valeur à son sujet, le tout est de faire une activité quelconque ! tu crois que c'est le cas de tout le monde ?
Mais qui passe réellement sa journée devant sa télé, excepté les mamies ? Les jeunes que je voient sortent dans la rue, tapent dans un ballon avec des potes, sortent faire la fête, regardent le dernier film à la mode ou écoutent le dernier CD piraté de truc-muche chez un pote, avant d'aller jouer à 4 sur Mario Kart après un petit un pétard qui rappellera les souvenirs du dernier concert, à propos duquel ils trollent sur un obscure site internet par lequel ils se sont fait des contacts msn étrangers...
Je ne dis pas que c'est une culture idéale ou quoi que ce soit, mais c'est un peu plus compliqué que "passer sa journée seul devant la télé". Arrêtez donc de caricaturer ceux qui ne font pas comme vous, et -- je le répète -- de ne considérer comme activité culturelle que ce qui est dument encadré, légitimé et institutionnalisé. Aller fumer un pétard avec quelques potes chaque vendredi soir, c'est une "activité culturelle" qui implique un certain background culturel et un habitus assez spécifique.